Corona Leaks : la protection des sources journalistiques

TF, 31.01.2025, 7B_733/2024*

Le directeur général d’une société de médias est couvert par l’art. 172 al. 1 CPP lorsqu’il prend connaissance d’informations protégées par le secret de rédaction en raison de son activité. La violation du secret de fonction (art. 320 CP) ne permet pas de déroger à la protection des sources (art. 172 al. 2 let. b CPP), indépendamment des motifs poursuivis par l’informateur.

Faits

L’ancien chef de la communication du Département fédéral de l’intérieur est soupçonné d’avoir révélé au directeur général du groupe de médias Ringier des informations confidentielles en lien avec les activités du Conseil fédéral relatives au Covid-19 (Corona Leaks), en violation de son secret de fonction. Des perquisitions mènent à la saisie de matériel informatique appartenant à l’ancien chef de communication, à Ringier et à son directeur général. A leur demande, ces objets et données sont placés sous scellés.

Le Ministère public de la Confédération (MPC) demande la levée des scellés, qui est refusée par le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne. Le MPC interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à déterminer si les objets et données perquisitionnés sont couverts par la protection des sources journalistiques (art.Lire la suite

La pratique de la représentation en justice en Suisse à titre permanent par un avocat ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE (art. 27 et 28 LLCA)

TF, 26.02.2025, 2C_271/2024*

Pour pratiquer la représentation en justice en Suisse à titre permanent et requérir son inscription au tableau (art. 27 et 28 LLCA), un avocat ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE habilité à exercer dans son État de provenance n’a plus besoin de démontrer qu’il entend pratiquer de manière stable et durable en Suisse ; il suffit qu’il démontre qu’il ait l’intention de s’établir en Suisse (revirement de jurisprudence).

Faits

Un avocat germano-autrichien exerce en Autriche et au Liechtenstein, endroit dans lequel il réalise 90% de son chiffre d’affaires. En 2023, il obtient une autorisation de séjour pour activité lucrative en Suisse d’une durée de 5 ans ; il ouvre un cabinet dans le canton de Saint-Gall.

Il demande ensuite à l’Anwaltskammer du canton de Saint-Gall de l’inscrire au tableau des avocats des États membres de l’UE ou de l’AELE autorisés à pratiquer la représentation en justice en Suisse. Le Président de l’Anwaltskammer rejette la demande, tout comme l’Anwaltskammer. Puis, le Verwaltungsgericht du canton de Saint-Gall confirme le rejet de la demande.

L’avocat forme alors recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur les conditions d’inscription au tableau pour les avocats étrangers.… Lire la suite

La discrimination et l’incitation à la haine par l’association de drapeaux LGBTQIA+ avec la croix gammée

TF, 08.05.2025, 6B_1008/2024

La distribution d’autocollants comportant des drapeaux LGBTQIA+ disposés en forme de croix gammée est constitutive de discrimination et d’incitation à la haine (art. 261bis CP).

Faits

Le 14 juin 2023, à Fribourg, une personne colle dans l’espace public trois ou quatre autocollants comportant des drapeaux LGBTQIA+ disposés de manière à former une croix gammée, et remet également plusieurs de ces autocollants à un groupe de personnes indéterminées sur une place.

Le juge de police de l’arrondissement de la Sarine condamne l’auteur des faits à une peine pécuniaire avec sursis pendant quatre ans pour discrimination et incitation à la haine (art. 261bis CP). Après le rejet de son appel par le Tribunal cantonal, l’intéressé saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si les faits retenus relèvent de l’art. 261bis CP.

Droit

Selon l’art. 261bis al. 1 CP, se rend notamment coupable de discrimination et d’incitation à la haine quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle.

Pour que cette disposition soit applicable, l’auteur doit en premier lieu agir publiquement, soit en-dehors d’un cercle privé, par des paroles, des écrits, des images, des gestes ou des voies de fait.… Lire la suite

Le refus de reconnaissance de l’association d’étudiants Zofingue par l’UNIL et l’EPFL

TF, 25.03.2025, 2C_441/2024*, 2C_72/2024*

Au vu de l’importance actuelle accordée à l’égalité des sexes, le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence et considère que, dans le cadre de l’octroi de la reconnaissance d’une association d’étudiant·e·s par une haute école, le principe d’égalité des sexes (art. 8 Cst.) prime la liberté d’association (art. 23 Cst.) lorsqu’il n’existe pas de lien objectif entre le but de l’association et l’exclusion d’un sexe. (Revirement de jurisprudence)

Faits 

La Section vaudoise de la Société suisse de Zofingue (ci-après : la « Section vaudoise ») est une association d’étudiants (art. 60 ss CC) dont les buts sont notamment de « former des personnalités capables d’assumer des responsabilités civiques » et d’étudier « des problèmes politiques et économiques suisses et des questions universitaires, culturelles et sociales ». Pour être membre actif de la Section vaudoise, il faut notamment être de sexe masculin.

En 2020, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (ci-après : EPFL) refuse d’octroyer à la Section vaudoise le statut d’association d’étudiants reconnue. Cette dernière forme un recours auprès de la Commission de recours interne de l’EPFL, qui admet le recours. Sur recours de l’EPFL, le Tribunal administratif fédéral confirme la décision de la Commission.… Lire la suite

Le droit du prévenu en détention à communiquer avec son défenseur par téléphone

TF, 19.03.2025, 7B_1295/2024*

L’art. 235 al. 4 CPP confère à la personne détenue un droit à communiquer par téléphone avec son défenseur. Il est admissible de fixer des heures d’appel ou de limiter le nombre et la durée de ceux-ci.

Faits

Le Ministère public de Berne-Mittelland mène une procédure pénale contre un prévenu placé en détention provisoire. Le prévenu requiert à deux reprises du Ministère public une « autorisation permanente de téléphoner » à son défenseur. Cette autorité rejette les deux demandes.

Le prévenu recourt contre ce refus auprès de la Cour suprême du canton de Berne, qui le déboute de ses conclusions. Il interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à déterminer si le Ministère public est compétent pour statuer sur l’autorisation de téléphoner (art. 235 al. 5 CPP) et, le cas échéant, si le refus du Ministère public est conforme au droit fédéral (art. 235 al. 4 CPP).

Droit

Dans le cadre d’une détention avant jugement, la liberté des prévenus ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement (art.Lire la suite