Les voies de droit ouvertes en matière de preuve à futur

TF, 27.12.2024, 4A_609/2023*

Lorsqu’une procédure de preuve à futur arrive à son terme, la décision par laquelle le juge statue sur les frais et dépens et raye la cause du rôle doit être attaquée par la voie du recours (art. 319 let. b ch. 2 CPC) et non par un appel (art. 308 ss CPC).

Faits

Un maître d’ouvrage constate que la machine qu’il a achetée auprès d’un entrepreneur présente des défauts. Par conséquent, il dépose une requête de preuve à futur contre l’entrepreneur devant la Justice de paix du district de Lausanne afin de constater lesdits défauts. La Juge de paix admet la requête et mandate un expert afin qu’il réponde à diverses questions concernant les prétendus défauts de la machine. Ce dernier rend son rapport le 30 juin 2021. La Juge de paix charge l’expert de répondre à des questions complémentaires en avril 2022, avant d’y renoncer en novembre 2022. Un échange d’écritures sur le sort des frais et dépens est ordonné le 10 janvier 2023.

Le 5 janvier 2023, parallèlement, le maître d’ouvrage ouvre une action au fond contre l’entrepreneur devant la Chambre patrimoniale vaudoise. L’entrepreneur introduit dès lors une requête d’irrecevabilité à l’encontre de la requête de preuve à futur le 22 février 2023, estimant que la Juge de paix n’est plus compétente matériellement en raison de l’ouverture de la procédure au fond.… Lire la suite

La sauvegarde du délai de péremption suite au retrait de la requête de conciliation

TF, 06.11.2024, 5A_441/2024*

Un délai de péremption est sauvegardé si le demandeur dépose une requête de conciliation avant l’échéance du délai, la retire suite à un accord sur la renonciation à la procédure de conciliation et dépose dans les 30 jours une nouvelle requête de conciliation accompagnée d’une demande. 

Faits 

Le 10 décembre 2019, des héritiers déposent une requête en conciliation auprès du Tribunal de première instance de Genève. Cette requête vise à déterminer si les testaments du de cujus sont nuls ou réductibles en ce qu’ils contreviennent au pacte successoral rédigé quelques années auparavant (cf. art. 494 al. 3 CC).  

Les parties à la procédure renoncent à la conciliation. Les héritiers demandeurs requièrent la délivrance de l’autorisation de procéder alors que le défendeur observe qu’il n’y a pas lieu de délivrer une autorisation de procéder, car les demandeurs peuvent introduire une demande directement auprès de l’instance compétente. Par la suite, les demandeurs confirment qu’ils retirent leur requête de conciliation et prient le tribunal de leur faire parvenir un jugement de retrait indiquant que les parties ont renoncé à la procédure de conciliation et qu’une action peut être directement déposée auprès du Tribunal de première instance.

Par jugement du 24 mars 2021, vu notamment le dépôt de la requête de conciliation, l’accord des parties pour renoncer à la procédure de conciliation et le retrait de la requête de conciliation, le tribunal donne acte aux parties de ce qu’elles ont renoncé à la procédure de conciliation, constate que la procédure devient sans objet et raye la cause du rôle.… Lire la suite

La recevabilité d’une nouvelle requête d’assistance judiciaire

TF, 06.12.2024, 5A_681/2023*

Le juge ne peut rejeter une requête d’assistance judiciaire pour le seul motif que la partie adverse a été condamnée au paiement de dépens, à moins que la solvabilité de celle-ci ne fasse aucun doute. Cependant, lorsque la partie ayant gain de cause est mise au bénéfice d’une créance de dépens, le juge peut déclarer la requête d’assistance judiciaire sans objet. Dans ce cas, le juge doit lui permettre de renouveler sa requête en se prévalant de l’impossibilité du recouvrement des dépens.

Faits

L’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte du district de Monthey confirme le placement d’un enfant. Le Juge unique de la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais rejette le recours interjeté par le père de l’enfant. Il met à charge de ce dernier les frais judiciaires de la mère et le condamne à lui verser une indemnité à titre de dépens pour la procédure de recours. La requête d’assistance judiciaire introduite par la mère est déclarée sans objet.

Par la suite, l’avocat de la mère requiert la fixation d’une indemnité d’avocat d’office en sa faveur pour avoir tenté de recouvrer vainement l’indemnité de dépens allouée à sa cliente, au titre de l’assistance judiciaire gratuite.… Lire la suite

La compétence du tribunal pour la provisio ad litem

TF, 21.11.2024, 5A_435/2023*

Dans une procédure de divorce, une fois qu’il est saisi de la cause, le tribunal de deuxième instance est compétent pour statuer sur les mesures provisionnelles et en particulier sur la provisio ad litem (art. 276 CPC). Le droit cantonal ne peut pas prévoir un système différent.

Faits 

Le Bezirksgericht de Laufenburg prononce le divorce de deux époux. Ceux-ci font appel du jugement devant l’Obergericht du canton d’Argovie. Dans le cadre de la procédure d’appel, l’un des époux demande au Bezirksgericht de Laufenburg l’octroi d’une provisio ad litem d’un montant total de CHF 80’000. Le Bezirksgericht n’entre pas en matière. Il estime qu’il n’est pas compétent pour statuer sur les demandes de provisio ad litem dans le cadre d’une procédure d’appel pendante selon le droit cantonal applicable.

L’Obergericht admet l’appel du demandeur et renvoie l’affaire au Bezirksgericht. Il met à la charge du défenseur les frais de jugement de CHF 1’500 et l’oblige à verser une indemnité de partie de CHF 1’050 au représentant juridique du demandeur.

Le défendeur recourt au Tribunal fédéral qui doit se déterminer pour la première fois sur la question de savoir quelle instance est compétente pour juger d’une demande de provisio ad litem lorsque la procédure de divorce est pendante en deuxième instance.… Lire la suite

La computation des délais exprimés en mois

TF, 13.08.2024, 5A_691/2023*

Les délais exprimés en mois commencent à courir le jour même de leur évènement déclencheur. En particulier, l’art. 142 al. 2 CPC doit être interprété en ce sens que le « jour où [le délai] a commencé à courir » n’est pas déterminé par l’art. 142 al. 1 CPC, mais se réfère au jour de l’élément déclencheur. 

Faits

Dans le cadre d’un litige successoral, l’autorité de conciliation notifie l’autorisation de procéder à l’héritier demandeur le 26 janvier 2022. Ce dernier dépose sa demande à l’égard de ses frères et sœurs le 12 mai 2022. Par décision du 9 février 2023, le tribunal déclare la demande irrecevable, faute d’autorisation de procéder valable rationae temporis.

À la suite de l’appel déposé par l’héritier, l’Obergericht du Canton de Schwytz confirme la décision de première instance. L’héritier interjette alors recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la computation des délais fixés en mois, en particulier le délai de trois mois pour déposer une demande à la suite de l’échec de la conciliation (art. 209 al. 3 CPC).

Droit

Se fondant sur la Convention européenne sur la computation des délais du 16 mai 1972 (CECD), le Tribunal cantonal a considéré que le délai devait avoir expiré en principe le 26 avril, dès lors que l’autorisation de procéder avait été notifiée le 26 janvier (art.Lire la suite