Publications par Timothée Pellouchoud

Violation du devoir de récusation en procédure d’adjudication, quid iuris ?

TF, 16.09.2025, 2C_54/2025*

Une décision d’adjudication rendue en violation du devoir de récusation doit en principe être annulée, sans que le recourant n’ait à démontrer que la décision aurait été différente en cas de respect de ce devoir. Exceptionnellement, l’autorité de recours peut renoncer à l’annulation si elle démontre que la violation n’est pas importante et qu’elle n’a en réalité nullement influé sur le choix de l’adjudicataire.

Faits

L’Aéroport de Genève lance un appel à candidatures suivi d’un mandat d’étude parallèle pour le projet « CAP 2030, plateforme multimodale et galerie commerciale CFF », estimé à 520 millions de francs.

Le groupe EGIS, mandaté comme expert externe pour évaluer certains aspects des offres, entretient des relations contractuelles avec Bouygues Bâtiment International, les deux groupes étant associés dans un projet de concession aéroportuaire à Paris.

L’Aéroport adjuge le marché au consortium formé par Losinger Marazzi et Bouygues Bâtiment International, noté 3.89. HRS Real Estate SA, classée deuxième avec une note de 3.49, recourt à la Cour de justice genevoise en invoquant une violation du devoir de récusation. Déboutée, elle dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral.

Droit

Le Tribunal fédéral retient que la question des conséquences d’une violation du devoir de récusation lors de procédures d’adjudication soulève une question juridique de principe, rendant le recours en matière de droit public recevable (art.Lire la suite

Les fermetures COVID et le défaut de la chose louée : le TF tranche

TF, 11.09.2025, 4A_37/2025

La fermeture des locaux commerciaux ordonnée par les autorités dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19 ne constitue pas un défaut de la chose louée justifiant une réduction du loyer (art. 259a CO). La simple mention dans le contrat de l’usage prévu (« restaurant, bar, club ») n’implique aucune garantie de pouvoir exercer effectivement ce type d’activité pendant toute la durée du bail.

Faits

Une société anonyme loue un local commercial à une autre société. Le bail stipule que le local peut être utilisé comme « restaurant, bar, club ». La locataire y exploite effectivement un club.

À la suite des mesures ordonnées par le Conseil fédéral pour lutter contre l’épidémie de COVID-19, la locataire doit fermer son établissement du 17 mars au 5 juin 2020, puis du 29 octobre 2020 au 25 juin 2021.

Elle demande une réduction du loyer d’au moins 50% pour ces périodes, soit CHF 34’600.55. Les instances cantonales rejettent sa demande. La locataire recourt alors au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la fermeture des locaux commerciaux en raison du COVID-19 constitue un défaut de la chose louée.

Droit

Selon l’art. 259a al. 1 lit.Lire la suite

Le pacte de renonciation à succession face à l’action révocatoire

TF, 12.06.2025, 5A_456/2024*

Un pacte de renonciation à succession n’est pas un acte révocable au sens de l’art. 288 LP.

Faits

La ville de Coire détient un acte de défaut de biens pour un montant de CHF 43’091,50 contre un débiteur. Celui-ci a conclu un pacte de renonciation avec sa mère par lequel il renonce gratuitement à tous ses droits successoraux au profit de ses deux enfants. Au décès de la mère du débiteur, les enfants de ce dernier héritent notamment d’un immeuble sis à Coire.

La ville de Coire introduit une action révocatoire (ou action paulienne) contre les deux enfants, visant à faire réaliser l’immeuble pour couvrir sa créance. Le Tribunal de première instance admet l’action révocatoire, mais la Cour cantonale la rejette et annule le jugement. La ville de Coire dépose un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à se prononcer sur la question de savoir si un pacte de renonciation constitue un acte révocable au sens de l’art. 288 al. 1 LP.

Droit

La révocation des actes dolosifs (art. 288 LP) suppose, d’un point de vue objectif, un préjudice causé aux créanciers par un acte juridique accompli par le débiteur dans les 5 ans précédant la saisie ou la déclaration de faillite et, d’un point de vue subjectif, l’intention dolosive du débiteur ainsi que son caractère reconnaissable pour le tiers bénéficiaire.… Lire la suite

La pénalisation de la mendicité passive : une ultima ratio

TF, 19.03.2025, 6B_923/2024*

Le prononcé d’une amende pour mendicité passive ne peut intervenir qu’après l’échec d’autres mesures à caractère administratif (éloignement par la police, prononcé d’un avertissement assorti d’informations claires). Les « abords immédiats » au sens de l’art. 11A al. 1 let. c LPG/GE ne sauraient excéder quelques mètres.

Faits

Suite à son opposition à des ordonnances pénales, un ressortissant roumain de la communauté rom, vivant dans la précarité, est condamné à une amende de CHF 300, assortie d’une peine privative de liberté de substitution de trois jours, pour avoir mendié à 9 reprises dans des espaces interdits.

Saisie d’un appel, la Cour de justice genevoise l’admet très partiellement, tout en maintenant la peine. Le prévenu forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la conformité de la condamnation aux droits fondamentaux du recourant.

Droit

L’art. 11A al. 1 let. c de la Loi pénale genevoise (LPG/GE), dans sa teneur en vigueur depuis le 12 février 2022, punit de l’amende quiconque mendie entre autres dans une zone ayant une « vocation commerciale ou touristique prioritaire » ou « aux abords immédiats » de nombreuses catégories de lieux.

Toute interdiction, même partielle, de la mendicité restreint les droits et libertés garantis par les art.… Lire la suite