CourEDH, 17.11.2020, Affaire B et C c. Suisse, requêtes nos 889/19 et 43987/16
Lorsqu’elles décident du renvoi d’un ressortissant étranger dans son pays d’origine, les autorités suisses sont tenues d’en apprécier les risques. Dans ce cadre, elles doivent évaluer d’office la capacité et la volonté des autorités du pays d’origine de protéger ses ressortissants contre les atteintes émanant d’entités privées, y compris, lorsque l’homophobie est largement répandue dans le pays de renvoi, les actes de policiers « véreux » ou d’autres individus à l’encontre d’un requérant homosexuel.
Faits
En 2008, un ressortissant gambien âgé de 34 ans arrive en Suisse. Il demande l’asile sous une fausse identité, prétendant venir du Mali. Il est ensuite porté disparu, de sorte que la décision de renvoi prononcée à son encontre n’est pas exécutée. Il forme une seconde demande d’asile en 2013, sous sa véritable identité, alléguant qu’il fait l’objet de persécutions dans son pays d’origine, la Gambie, en raison de son orientation sexuelle.
En 2014, cette requête est rejetée par le SEM, puis par le Tribunal administratif fédéral. Les autorités suisses concluent que le récit de l’intéressé n’est pas crédible et qu’il n’a pas démontré avoir été exposé à un risque concret de mauvais traitements au moment de quitter la Gambie.… Lire la suite
Discrimination fondée sur le sexe découlant de l’interruption d’une rente de veuf (CourEDH)
/dans Droit public/par Elena TurriniCourEDH, 20.10.2020, Affaire B. c. Suisse, Requête no 78630/12
La présomption selon laquelle l’époux pourvoit à l’entretien financier de son épouse n’est pas en mesure de justifier l’inégalité de traitement contenue dans l’art. 24 al. 2 LAVS, qui prévoit que seule la rente de veuf prend fin avec la majorité du dernier enfant. Faute de considérations très fortes justifiant cette inégalité, il en découle une discrimination fondée sur le sexe, contraire à l’art. 14 combiné avec l’art. 8 CEDH.
Faits
Après le décès de son épouse, un père de famille cesse son activité lucrative pour s’occuper seul de leurs deux enfants en bas âge. Il est depuis lors au bénéfice d’une rente de veuf. À la majorité de la fille cadette de ce dernier, conformément à l’art. 24 al. 2 LAVS, la caisse de compensation cantonale met un terme à sa rente de veuf. Le père de famille est, à ce moment-là, âgé de cinquante-sept ans.
La caisse de compensation ainsi que le tribunal cantonal confirment cette décision. Le Tribunal fédéral rejette également le recours (9C_617/2011). Il juge notamment que les États membres n’ont pas, en vertu de l’art.… Lire la suite
Filmer avec sa GoPro des infractions à la LCR : une preuve inexploitable en pénal ?
/dans Procédure pénale/par Célian HirschATF 147 IV 16 | TF, 13.11.2020, 6B_1282/2019*
Lorsque des preuves recueillies par un particulier portent atteinte à la personnalité du prévenu (art. 28 CC et art. 12 LPD), elles doivent être considérées comme licites s’il existe un motif justificatif levant l’illicéité (art. 13 LPD ou art. 28 al. 2 CC). Il convient en effet de retenir une notion uniforme, et non autonome, de la notion d’illicéité de la preuve (précision bienvenue de la jurisprudence).
Faits
Un matin, sur une route descendante à Lausanne, un automobiliste klaxonne sans raison une personne conduisant une trottinette électrique (le « cyclomotoriste« ). L’automobiliste le dépasse ensuite dans une longue courbe à gauche, puis se rabat subitement à droite. Le cyclomotoriste, qui roulait à environ 35 km/h, freine énergiquement et donne deux coups avec sa main gauche contre la partie arrière du flanc droit de la voiture afin d’attirer l’attention du conducteur. Ce dernier garde sa position 1,5 seconde avant de se décaler à gauche et de poursuivre sa route.
Choqué, le cyclomotoriste appelle immédiatement la police et lui transmet la scène filmée grâce à sa caméra GoPro fixée sur son guidon le jour en question. Il ne dépose néanmoins pas de plainte pénale.… Lire la suite
Liberté d’expression et obligation de déposer d’une journaliste
/dans Procédure pénale/par Célian HirschCourEDH, 06.10.2020, Affaire Jecker c. Suisse, Requête n° 35449/14
La Suisse viole l’art. 10 CEDH lorsqu’un tribunal oblige une journaliste à témoigner, en se référant à la pesée des intérêts retenu par le législateur, mais sans vérifier si une telle obligation répond à un impératif prépondérant d’intérêt public.
Faits
Une journaliste de la Basler Zeitung publie un article sur un revendeur de drogue qui fait du commerce de cannabis et de haschich depuis dix ans et atteint ainsi un bénéfice annuel de CHF 12’000. Le Ministère public du canton de Bâle-Ville ouvre alors une procédure pénale contre inconnu.
Durant la procédure, le Ministère public ordonne à la journaliste de témoigner. Sur recours de la journaliste, l’Appellationsgericht de Bâle-Ville considère que le droit de protéger les sources prévaut sur l’intérêt à l’élucidation de l’infraction.
Saisi par le Ministère public, le Tribunal fédéral admet le recours (1B_293/2013). En effet, la déposition de la journaliste constitue l’unique moyen d’identifier l’auteur de l’infraction. Par ailleurs, le législateur a prévu que l’intérêt public aux poursuites pénales l’emporte en règle générale sur l’intérêt à la protection du secret des sources lorsqu’il s’agit d’une infraction qualifiée en matière de stupéfiant (art.… Lire la suite
L’inapplication de l’art. 156 al. 2 LP à la cédule saisie, une lacune de la loi?
/dans LP/par Emilie Jacot-GuillarmodATF 146 III 426 | TF, 14.09.2020, 5A_806/2019*
L’art. 156 al. 2 LP, selon lequel les titres de gage créés au nom du propriétaire ou au porteur et donnés en nantissement par le propriétaire seront ramenés au montant du produit de la réalisation en cas de réalisation séparée, ne s’applique pas aux titres de gage saisis. Il n’y a pas de lacune de la loi à cet égard. Si ceci peut mener à des situations choquantes, il appartient au législateur d’y remédier.
Faits
Un débiteur est mis en poursuite pour une créance de près de 2 millions de francs suisses.
Dans le cadre de la procédure de poursuite, une cédule hypothécaire au porteur de premier range est créée sur le bien-fonds du débiteur. L’office des poursuites compétent saisit cette cédule hypothécaire et décide de la réaliser aux enchères publiques (art. 125 LP). Les conditions d’enchères prévoient notamment que l’art. 156 al. 2 LP, selon lequel les titres de gage créés au nom du propriétaire ou au porteur et donnés en nantissement par le propriétaire seront ramenés au montant du produit de la réalisation en cas de réalisation séparée, ne s’appliquera pas.
Le débiteur conteste ces conditions d’enchères en justice.… Lire la suite
Le renvoi d’un citoyen homosexuel vers la Gambie en violation de l’art. 3 CEDH (CourEDH)
/dans Droit public/par Marion ChautardCourEDH, 17.11.2020, Affaire B et C c. Suisse, requêtes nos 889/19 et 43987/16
Lorsqu’elles décident du renvoi d’un ressortissant étranger dans son pays d’origine, les autorités suisses sont tenues d’en apprécier les risques. Dans ce cadre, elles doivent évaluer d’office la capacité et la volonté des autorités du pays d’origine de protéger ses ressortissants contre les atteintes émanant d’entités privées, y compris, lorsque l’homophobie est largement répandue dans le pays de renvoi, les actes de policiers « véreux » ou d’autres individus à l’encontre d’un requérant homosexuel.
Faits
En 2008, un ressortissant gambien âgé de 34 ans arrive en Suisse. Il demande l’asile sous une fausse identité, prétendant venir du Mali. Il est ensuite porté disparu, de sorte que la décision de renvoi prononcée à son encontre n’est pas exécutée. Il forme une seconde demande d’asile en 2013, sous sa véritable identité, alléguant qu’il fait l’objet de persécutions dans son pays d’origine, la Gambie, en raison de son orientation sexuelle.
En 2014, cette requête est rejetée par le SEM, puis par le Tribunal administratif fédéral. Les autorités suisses concluent que le récit de l’intéressé n’est pas crédible et qu’il n’a pas démontré avoir été exposé à un risque concret de mauvais traitements au moment de quitter la Gambie.… Lire la suite