Publications par Camille de Salis

Le licenciement abusif du travailleur âgé

TF, 08.10.2024, 4A_617/2023

Le Tribunal fédéral rappelle que le caractère abusif d’un licenciement peut résider dans la manière dont il est donné, en particulier lorsqu’il est effectué sans les égards appropriés dans le cas d’un travailleur proche de l’âge de la retraite et au service de son employeur depuis de nombreuses années.

Faits

Un boulanger travaille au service d’une société pendant 19 ans, en particulier au sein de l’un des laboratoires. Hormis trois avertissements espacés dans le temps, l’employé donne entière satisfaction à son employeur, comme le relève son certificat de travail final.

En mai 2020, dès la réouverture du laboratoire après les restrictions liées à la crise sanitaire du COVID-19, la société met fin aux rapports de travail du boulanger, sans que sa lettre de licenciement ne contienne de motivation. Le boulanger fait opposition à son licenciement, qu’il estime abusif. La société évoque alors des motifs économiques à l’appui du licenciement.

Suite à une tentative infructueuse de conciliation, le boulanger ouvre action par-devant le Tribunal des prud’hommes genevois. Ce dernier retient l’existence d’un congé abusif et condamne la société au paiement dune indemnité équivalent à trois mois de salaire.

La Chambre des prud’hommes de la Cour de justice ayant confirmé cette décision, la société saisit le Tribunal fédéral, qui doit se déterminer sur l’existence d’un congé abusif.… Lire la suite

La scission des débats d’appel et le changement de composition du tribunal

TF, 13.09.2024, 6B_460/2024, 6B_508/2024*

Lorsque la composition du tribunal change entre les deux parties des débats d’appel, les débats doivent en principe être répétés dans leur intégralité.

Faits

Suite à l’acquittement d’un prévenu par le Bezirksgericht de Münchwilen et au classement de certaines des infractions reprochées, tant le Ministère public que le prévenu et la victime interjettent appel. Le prévenu réclame, quant à lui, une indemnité pour tort moral.

Le prévenu demande que les débats d’appel soient scindés en deux (cf. art. 342 CPP), en ce sens que seule la question de la culpabilité ou de l’acquittement soit d’abord débattue et tranchée, avant la question éventuelle de la sanction et de l’expulsion. L’Obergericht thurgovien fait droit à cette demande.

À l’issue de la première audience, l’Obergericht déclare le prévenu coupable de viol. Une année plus tard, après la seconde audience, il fixe la sanction du prévenu, ordonnant notamment son expulsion pour une durée de dix ans. À la seconde audience, l’un des juges qui avait siégé lors de la première audience est absent, étant entretemps devenu juge fédéral.

Par la voie d’un recours en matière pénale contre les deux décisions, l’intéressé saisit le Tribunal fédéral.… Lire la suite

Le travailleur occupé en Suisse au sens de l’art. 1a al. 1 lit. a LAA

TF, 12.08.2024, 8C_75/2024*

Pour admettre qu’un travailleur soit « occupé en Suisse » au sens de l’art. 1a al. 1 lit. a LAA, il ne suffit pas que seul le résultat du travail y ait été obtenu. Ainsi, un travailleur qui n’a jamais exercé son activité en Suisse pour le compte d’une société y ayant son siège n’est pas assuré obligatoirement au sens de la LAA.

Faits

Une société anonyme engage un stagiaire pour l’année 2022. Au mois d’avril, alors qu’il se trouvait en vacances au Sri Lanka, le stagiaire est heurté par une camionnette et subit en particulier un grave traumatisme crânien.

Après avoir, dans un premier temps, reconnu son obligation de verser des prestations, l’assurance-accidents rend une décision dans laquelle elle nie cette obligation. En effet, elle considère que le stagiaire n’est pas obligatoirement assuré, en raison du fait qu’il n’avait pas déployé d’activité en Suisse. Elle maintient cette position par décision sur opposition.

Le Sozialversicherungsgericht zurichois rejette le recours du stagiaire à l’encontre de cette décision. Par la voie du recours en matière de droit public, le stagiaire saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il est conforme au droit de considérer qu’il n’est pas assuré obligatoirement au sens de la LAA.… Lire la suite

La production par un·e avocat·e de propositions transactionnelles dans le cadre du recouvrement de ses honoraires

TF, 29.08.2024, 2C_579/2023*

Un·e avocat·e agissant sans représentant·e contre un·e ancien·ne mandant·e en recouvrement d’honoraires reste soumis·e à la LLCA dans la mesure où il·elle accomplit une activité professionnelle. Dans ce contexte, le fait de produire en procédure une proposition transactionnelle faite par l’avocat·e de la partie adverse constitue une violation de l’art. 12 lit. a LLCA.

Faits

Un avocat genevois inscrit au registre cantonal fournit des conseils en matière fiscale et représente des clients dans le cadre d’un mandat. Les honoraires relatifs à ce mandat sont facturés à un trust dont l’un des trustees est lui-même avocat.

Après plusieurs années, les clients résilient le mandat et contestent les dernières notes d’honoraires de l’avocat genevois, les estimant excessives. Dans le cadre de négociations pour parvenir à un accord amiable, le trustee, agissant pour le compte des clients, adresse à l’avocat genevois une offre pour solde de tout compte, portant la mention « sous réserve d’usage ». L’avocat genevois refuse la proposition.

Après avoir obtenu la levée du secret professionnel à l’égard de ses anciens mandants de la part de la Commission du barreau, l’avocat genevois saisit le Tribunal de première instance de deux requêtes de conciliation à leur encontre.… Lire la suite

La résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire en raison de l’acceptation d’avantages

TF, 08.08.2024, 1C_17/2024

Il n’est pas arbitraire de considérer que le fait, pour un fonctionnaire, d’avoir accepté de multiples avantages pendant plusieurs années et d’avoir en outre attribué des mandats à deux sociétés dans lesquelles il détenait des parts constituait un manquement important aux devoirs de service.

Faits

En 2019, une procédure pénale est initiée à l’encontre d’un fonctionnaire travaillant au sein de l’Office cantonal genevois des bâtiments pour corruption passive (art. 322quater CP) et/ou acceptation d’un avantage (art. 322sexies CP). En substance, il lui est reproché de s’être fait offrir des voyages et des repas dans des restaurants gastronomiques par des entreprises en échange de mandats de l’Office.

En 2021, à la suite de la communication des résultats de l’enquête pénale à l’autorité, le fonctionnaire est informé de la procédure pénale et libéré de son obligation de travailler. Lors d’entretiens subséquents avec son employeur, plusieurs pistes sont évoquées, notamment l’ouverture d’une enquête administrative, une démission, une retraite anticipée ou une résiliation des rapports de service.

Par décision du 25 août 2022, après avoir constaté l’impossibilité d’un reclassement du fonctionnaire auprès d’autres services de l’Etat, le Conseiller d’Etat compétent résilie les rapports de service du fonctionnaire.… Lire la suite