L’opposition du secret professionnel de l’avocat à une demande de reddition de compte dans le cadre d’un litige successoral

TF, 22.01.2025, 5A_112/2022

Le secret professionnel de l’avocat (art. 13 LLCA) peut faire obstacle à une demande de reddition de compte par des héritiers (art. 400 al. 1 CO). En cas de mandats mixtes ou globaux impliquant des services relevant de l’activité tant typique qu’atypique de l’avocat, il convient d’examiner les circonstances du cas d’espèce pour déterminer quels faits ou documents sont soumis au secret.

Faits

Deux ans avant son décès, un patient est hospitalisé et les médecins considèrent qu’au vu de son état, il est recommandé de mettre en place une protection juridique le plus rapidement possible. Peu de temps après, le patient signe deux procurations successives en faveur d’une avocate. Ces procurations lui confèrent le pouvoir de gérer et administrer tous les biens, intérêts et affaires, présents et futurs. De plus, l’avocate peut le représenter dans tous ses rapports juridiques, quels qu’ils soient avec tous tiers, notamment le corps médical sans restriction liée au secret médical, tant en Suisse qu’à l’étranger. Les procurations indiquent que les pouvoirs octroyés perdureront après son décès. Trois médecins et psychiatres attestent successivement que la capacité de discernement du patient est entière et qu’il a parfaitement saisi et souhaité les enjeux liés à ces procurations.… Lire la suite

Le principe d’identité de la servitude en cas de changement d’usage du fonds dominant

TF, 08.11.24, 5A_395/2024*

Le principe d’identité de la servitude, selon lequel une servitude peut être radiée si elle ne sert plus l’intérêt existant à sa création, ne dépend pas de l’usage du fonds dominant. Ainsi, une servitude de non-bâtir visant à préserver l’aspect visuel d’un bâtiment scolaire et à éviter les nuisances conserve son utilité lorsque ce bâtiment devient résidentiel.

Faits

En 1952, une servitude de non-bâtir est créée et inscrite au registre foncier en faveur d’un fonds dominant sur lequel se trouvait une école. Le contrat de servitude stipule que le propriétaire du fonds grevé ne peut édifier aucune construction du côté est du fonds dominant sans l’accord de son propriétaire.

Entre 1970 et 1993, le fonds servant fait l’objet de plusieurs subdivisions. Il est tout d’abord divisé en deux parcelles distinctes. Par la suite, la plus grande des parcelles est elle-même divisée en trois différentes parcelles. Lors de toutes ces subdivisions, la servitude de non-bâtir est reportée et inscrite comme charge sur toutes les nouvelles parcelles. En 2009, une acheteuse acquiert deux des parcelles grevées. Elle prévoit d’y ériger une construction et se voit délivrer une autorisation de construire par la commission communale compétente.

Par conséquent, le propriétaire du fonds dominant introduit une action civile pour faire valoir ses droits liés à la servitude.… Lire la suite

La liberté de l’assemblée des copropriétaires en matière de respect du règlement de la communauté

TF, 03.02.2025, 5A_17/2024*

La communauté des propriétaires d’étages n’est pas tenue d’imposer le respect du règlement de PPE par voie judiciaire. L’assemblée peut, pour des motifs objectifs, décider de ne pas engager d’action en justice.

Faits

Deux copropriétaires d’un appartement situé au premier étage d’une propriété par étages estiment que les revêtements de sol nouvellement posés dans un appartement à l’étage supérieur violent le règlement de la communauté (le « règlement »), car ils péjorent les conditions acoustiques au détriment de leur part d’étage. Lors de l’assemblée ordinaire des copropriétaires, ils demandent que le démontage des nouveaux sols soit ordonné. Leur requête est rejetée par 11 voix contre 1.

Les deux copropriétaires concluent à l’annulation de cette décision auprès du Kreisgericht puis du Kantonsgericht de Saint-Gall, sans succès. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral est amené à déterminer si l’assemblée des copropriétaires est tenue de faire respecter le règlement contre la volonté de la majorité.

Droit

À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que, comme tout propriétaire foncier, les propriétaires d’étages peuvent se défendre contre les atteintes illicites à leur propriété. Un copropriétaire peut donc agir  contre ces atteintes sur la base des art. 684 et 679 CC. En ce qui concerne les rapports internes entre copropriétaires, notre Haute Cour souligne que ces relations passent généralement par la communauté.… Lire la suite

L’exigence du ménage commun en cas d’adoption d’une personne majeure

TF, 13.11.2024, 5A_885/2023*

L’adoption d’une personne majeure fondée sur l’éducation et les soins fournis durant sa minorité (art. 266 al. 1 ch. 2 CC) ne requiert pas une cohabitation ininterrompue. En particulier, lorsqu’un enfant de parents divorcés partage son temps entre deux foyers, il peut former « ménage commun » avec son beau-parent.  

Faits 

Les père et mère d’un enfant, né en 1975, divorcent en 1977. La garde de ce dernier est attribuée à sa mère.  

Dès 1984, le père vit en ménage commun avec sa nouvelle partenaire, avec laquelle il se mariera en 1993. L’enfant passe régulièrement du temps à leur foyer. En particulier, il séjourne chez eux un week-end sur deux, ainsi qu’une partie des vacances.  

En 1991, l’enfant, alors âgé de 16 ans, part à l’étranger pour se former à la maçonnerie durant trois ans. À son retour, il s’installe dans la résidence secondaire de son père. Sa mère biologique décède en 2014.  

En 2022, la belle-mère dépose une requête auprès de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève en vue d’adopter son beau-fils, lequel consent à la démarche. La Chambre civile rejette la requête, décision confirmée en appel par la Chambre de surveillance.Lire la suite

Comment sortir des biens de la masse successorale ? À l’aide d’une Treuunternehmen (ou d’un trust) bien ficelée

TF, 16.12.2024, 5A_89/2024*

Le patrimoine d’une Treuunternehmen irrévocable ne fait pas partie de la masse successorale du de cujus (art. 560 CC). La désignation de bénéficiaires dans les clauses d’une Treuunternehmen est une libéralité entre vifs et non pour cause de mort. Dans le cas d’un Treuunternehmen discrétionnaire, une telle libéralité n’est pas soumise au rapport (art. 626 CC). Ces considérations devraient aussi s’appliquer aux trusts irrévocables et discrétionnaires.

Faits

Une personne domiciliée en Suisse constitue une Treuunternehmen (entreprise fiduciaire) de droit liechtensteinois au sens de l’art. 932a de la Gesetzes zum Personen- und Gesellschaftsrecht. Ses statuts prévoient qu’il est le seul bénéficiaire des biens jusqu’à son décès, après quoi deux de ses fils en deviennent bénéficiaires à parts égales. De plus, il renonce à tout droit sur la Treuunternehmen et son patrimoine.

À son décès, trois petits-enfants, héritiers légaux en raison du prédécès d’une fille du de cujus, découvrent l’existence de la Treuunternehmen. Ils demandent le partage des avoirs de celle-ci, ce que les enfants refusent. Les petits-enfants introduisent une action en partage devant le tribunal de Soleure-Lebern, qui rejette leur demande. L’Obergericht admet l’appel. Il considère que les actifs de la Treuunternehmen font partie de la masse successorale, car le de cujus ne s’était pas définitivement dessaisi de ces biens.… Lire la suite