Publications par Célian Hirsch

Le droit au renseignement étendu prévu dans une convention d’actionnaires

TC VS, 03.06.2024, C1 23 134

Si aucune raison légale impérative ne s’y oppose, un actionnaire partie à une convention d’actionnaires peut valablement requérir des renseignements étendus à un autre actionnaire cocontractant lorsque ce dernier détient ces renseignements grâce à sa qualité d’administrateur. 

Faits

Dans le cadre d’un avancement d’hoirie, un père transmet à chacun de ses deux fils 25.5 % des actions d’une SA familiale. Un seul des deux fils siège au conseil d’administration de la société. Un tiers détient le reste des actions (49%) et siège également au conseil d’administration. 

Parallèlement à la reprise des actions, les deux frères concluent une convention d’actionnaires. Celle-ci prévoit entre autres que « les parties s’informent mutuellement et en temps utile de toutes les questions concernant la société » mais également que « chaque partie contractante a notamment le droit de consulter l’ensemble des documents comptables, des documents de révision et tous les autres documents commerciaux » (traduction libre). Ils doivent garder ces informations confidentielles. Le droit au renseignement s’étend également aux informations auxquelles une partie a accès en vertu de sa qualité d’organe de la société. 

Les deux frères sont en désaccord sur la question de savoir si, sur la base de la convention d’actionnaires, il existe un droit au renseignement étendu.Lire la suite

La (non-)publication d’un arrêt du Tribunal fédéral… destiné à publication

TF, 22.04.2025, 4A_605/2024* 

Seules des circonstances extrêmement particulières peuvent justifier une dérogation au principe de la transparence en matière de consultation et de publication des arrêts du Tribunal fédéral. Tel est le cas d’un besoin impérieux de confidentialité des parties, qui peut se concrétiser au cours d’une procédure d’arbitrage interne. 

Faits 

L’arrêt en question ne fournit aucun élément de fait (« Es wird kein Sachverhalt wiedergegeben »). Il se limite à indiquer que l’affaire concerne un arbitrage interne ; en outre, l’arrêt indique le nom des conseils des parties, le siège du tribunal arbitral (Zurich), la nature de la sentence (finale) et le grief invoqué, à savoir la violation de l’art. 393 let. e CPC. Les considérants 1 à 6 et 8 ne sont pas reproduits. 

Il s’agit à notre connaissance du seul arrêt que le Tribunal fédéral a ainsi publié, pour les motifs qui seront exposés ci-après. 

Droit 

Le Tribunal fédéral commence par rappeler les principes qui prévalent en lien avec la publicité de la procédure et la publication. L’art. 59 al. 1 LTF prévoit que les éventuels débats ainsi que les délibérations et votes en audience ont lieu en séance publique ; l’art. 59 al.Lire la suite

La responsabilité civile de l’organe d’une société en cas d’inaction procédurale 

TF, 18.03.2025, 4A_506/2024 

L’omission par un administrateur de défendre en justice sa société peut constituer un manquement à son devoir de diligence et engager sa responsabilité au sens de l’art. 754 CO. Lorsque l’omission résulte d’un choix conscient, l’administrateur prend une décision de gestion qui doit être analysée selon les critères de la business judgment rule.

Faits 

Afin de simplifier la compréhension des faits particuliers du cas d’espèce, un schéma vous est proposé ci-dessous :

En 2012, un maître d’ouvrage charge une société active dans le domaine de la protection contre les incendies de poser des panneaux d’isolation coupe-feu dans le cadre d’un projet de construction. La société confie la direction des travaux à une société mandataire et attribue la pose des panneaux à un sous-traitant. 

Plusieurs mois après l’exécution des travaux, certains panneaux d’isolation coupe-feu se détachent des murs et des plafonds. En effet, le sous-traitant ne les avait pas correctement fixés. La société de protection incendie s’acquitte d’un prix de réfection s’élevant à CHF 1’520’000.  

En 2014, la société de protection incendie agit contre la société mandataire pour un montant de CHF 40’000 devant le Bezirksgericht de Willisau, estimant que cette dernière a mal dirigé les travaux.Lire la suite

Le régime transitoire de la conversion ex lege des actions au porteur en actions nominatives

TF, 31.03.2025, 4A_497/2024* 

La conversion ex lege des actions au porteur en actions nominatives ne s’applique qu’aux sociétés déjà existantes et non rétroactivement aux sociétés radiées qui n’étaient pas inscrites au registre du commerce au moment de la conversion. 

Faits  

Par décision du 4 juillet 2003, une assemblée générale dissout une société dont le capital-actions est composé d’actions au porteur. Le 12 janvier 2005, l’office du registre du commerce radie la société. Par décision du 18 août 2022, l’Einzelrichter des Regionalgerichts Surselva ordonne sa réinscription et nomme un liquidateur. 

Une personne dépose une demande d’inscription au registre des actions de la société. Le l’Einzelrichter rejette la demande. Le Kantonsgericht des Grisons confirme la décision.  

Le prétendu actionnaire saisit le Tribunal fédéral. Ce dernier doit déterminer si la conversion ex lege des actions au porteur en actions nominatives s’applique rétroactivement aux sociétés radiées au moment de la conversion et ensuite réinscrites. 

Droit  

Selon l’art. 622 al. 1bis CO, en vigueur depuis le 1er février 2021, les actions au porteur ne sont autorisées que si la société a des titres de participation cotés en bourse ou si elles sont émises sous forme de titres intermédiés au sens de la Loi fédérale sur les titres intermédiés et sont déposées auprès d’un dépositaire en Suisse désigné par la société ou inscrites au registre principal. Lire la suite

L’opposition du secret professionnel de l’avocat à une demande de reddition de compte dans le cadre d’un litige successoral

TF, 22.01.2025, 5A_112/2022

Le secret professionnel de l’avocat (art. 13 LLCA) peut faire obstacle à une demande de reddition de compte par des héritiers (art. 400 al. 1 CO). En cas de mandats mixtes ou globaux impliquant des services relevant de l’activité tant typique qu’atypique de l’avocat, il convient d’examiner les circonstances du cas d’espèce pour déterminer quels faits ou documents sont soumis au secret.

Faits

Deux ans avant son décès, un patient est hospitalisé et les médecins considèrent qu’au vu de son état, il est recommandé de mettre en place une protection juridique le plus rapidement possible. Peu de temps après, le patient signe deux procurations successives en faveur d’une avocate. Ces procurations lui confèrent le pouvoir de gérer et administrer tous les biens, intérêts et affaires, présents et futurs. De plus, l’avocate peut le représenter dans tous ses rapports juridiques, quels qu’ils soient avec tous tiers, notamment le corps médical sans restriction liée au secret médical, tant en Suisse qu’à l’étranger. Les procurations indiquent que les pouvoirs octroyés perdureront après son décès. Trois médecins et psychiatres attestent successivement que la capacité de discernement du patient est entière et qu’il a parfaitement saisi et souhaité les enjeux liés à ces procurations.… Lire la suite