Le secret professionnel du personnel médical

ATF 147 IV 27 | TF, 14.10.2020, 1B_545/2019*

Un email informel de l’autorité cantonale compétente adressé au ministère public n’est pas apte à délier le personnel médical du secret professionnel au sens de l’art. 171 al. 2 let. b CPP cum art. 321 ch. 2 CP.

Faits

Le Ministère public du canton de Schaffhouse mène une enquête pénale à l’encontre d’un prévenu soupçonné d’actes d’ordre sexuel avec des enfants. Il est notamment soupçonné d’avoir abusé de sa petite-fille (9 ans) à plusieurs reprises. Parallèlement, le prévenu reçoit de l’aide médicale auprès d’un centre psychiatrique.

Par la suite, le Ministère public demande des renseignements au sujet du secret médical auprès du département cantonal de l’intérieur. Dans un email le secrétaire adjoint du département informe le Ministère public que l’art. 15 al. 2 let. c de la loi sur la santé du canton de Schaffhouse (LSan/SH) libère le personnel médical du secret professionnel par rapport aux constatations fondant un soupçon de crime ou délit contre l’intégrité sexuelle.

Suite à une décision de production de documents du Minstère public, le centre psychiatrique lui transmet le dossier médical du prévenu. Ce dernier requiert la mise sous scellés des documents.… Lire la suite

L’indemnisation en cas de note de frais tardive

ATF 146 IV 332 | TF, 17.09.20, 6B_130/2020*

Lorsque l’autorité enjoint au prévenu de chiffrer et de justifier ses prétentions selon l’art. 429 al. 2 CPP, celui-ci a un devoir de collaboration. Un comportement passif du prévenu – par exemple en cas de dépôt tardif de la note de frais, soit après l’expiration du délai imparti à cet effet – peut ainsi équivaloir à une renonciation implicite. Dans un tel cas, l’indemnité pour les frais de défense ne doit pas être fixée d’office.

Faits

Suite à une querelle de quartier, le Ministère public du canton de Thurgovie ouvre une procédure pénale à l’encontre de plusieurs individus. Par la suite, la procédure est toutefois classée. Le Ministère public met alors les frais à la charge de l’État, mais ne verse pas d’indemnité pour frais de défense à un prévenu représenté par un avocat et également partie plaignante dans cette affaire.

Le prévenu précité recourt contre la décision du Ministère public, mettant notamment en cause le refus d’indemnisation et concluant à ce qu’il lui soit versé une indemnité à hauteur d’environ CHF 6’700. Le Tribunal cantonal thurgovien rejette le recours, concluant à une renonciation implicite à l’indemnisation en raison du fait que la note de frais de l’avocat n’a été déposée qu’après l’expiration du délai imparti – et prolongé – à cet effet (plus précisément cinq jours après l’expiration du délai fixé par le Ministère public et le lendemain de l’ordonnance de classement). … Lire la suite

L’invocation de l’état de nécessité (art. 17 CP) en cas d’assistance à l’entrée illégale en Suisse (art. 116 LEI)

ATF 146 IV 297 | TF, 30.06.2020, 6B_1162/2019*

Le Tribunal fédéral confirme la condamnation d’une personne en vertu de l’art. 116 al. 2 cum al. 1 let. a LEtr/LEI pour avoir aidé un requérant d’asile transféré en Italie à revenir en Suisse, jugeant que l’état de santé de celui-ci ne justifiait pas de considérer que l’infraction respectait la condition de la subsidiarité nécessaire à l’admission d’un état de nécessité (art. 17 CP). En sus, il rappelle que les griefs relatifs à la procédure Dublin ne peuvent faire l’objet d’un recours en matière de droit public (art. 83 let. d ch. 1 LTF).

Faits

En juin 2017, le Secrétariat d’État aux migrations refuse d’entrer en matière sur une demande d’asile d’un ressortissant afghan, puis le renvoie en Italie dans le cadre de la procédure Dublin. Avant l’exécution de son renvoi, le requérant d’asile avait fait l’objet d’hospitalisations en milieu psychiatrique, notamment en raison d’un état de stress post-traumatique grave.

Depuis l’Italie, le requérant, aidé par une personne tierce, tente de revenir en Suisse. Il se fait toutefois intercepter par les gardes-frontières. Les autorités pénales cantonales condamnent la personne lui ayant prêté assistance à une amende pour violation de la loi sur les étrangers, plus précisément sur la base de l’art. Lire la suite

Protection des marques: l’intérêt digne de protection de l' »attaque centrale » prévue par le système de Madrid

ATF 147 III 98TF, 05.08.2020, 4A_97/2020*

Même lorsqu’une partie n’a pas d’activité en Suisse, elle peut avoir un intérêt digne de protection à ouvrir une action constatatoire en nullité si l’admission de cette action a des effets à l’international comme le prévoient les mécanismes du système de Madrid. 

Faits

En novembre 2016, une entreprise dépose le signe « EF-G […] » devant l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), lequel l’enregistre. En décembre 2016, se basant sur cette marque suisse, l’entreprise obtient l’enregistrement international « EF-G […] » auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et désigne une dizaine de pays de protection.

En août 2017, une société tierce adresse un courrier à l’entreprise dans lequel elle signale avoir engagé des actions dans l’Union européenne, à Panama, au Brésil et en Suisse pour s’opposer à et/ou invalider les requêtes et enregistrements du signe « EF-G […] ».

Aucun accord amiable ne pouvant être trouvé entre les deux entreprises, la société tierce ouvre une action constatatoire en nullité (art. 52 LPM) contre l’entreprise devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois en concluant à ce qu’il soit ordonné à l’IPI de radier la marque du registre des marques.… Lire la suite

La révocation de l’autorisation d’établissement fondée sur des infractions pénales n’ayant pas entraîné d’expulsion

ATF 146 II 321TF, 20.08.2020, 2C_744/2019*

Une autorité administrative ne peut pas révoquer une autorisation d’établissement en se fondant uniquement sur des infractions pour lesquelles le juge pénal a renoncé à prononcer l’expulsion, y compris en cas d’oubli ou de négligence de celui-ci (art. 63 al. 3 LEI). Cette interdiction vaut également dans les cas de figure où le juge pénal s’est prononcé sur des infractions commises avant et après l’entrée en vigueur de l’art. 63 al. 3 LEI.

Faits

En date du 1er septembre 2017, un ressortissant croate au bénéfice d’une autorisation d’établissement est condamné à une peine privative de liberté de 42 mois pour diverses infractions, notamment l’escroquerie par métier. Lesdites infractions ont été commises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2016.

Le 9 avril 2019, le Département compétent révoque l’autorisation d’établissement du ressortissant croate et prononce son renvoi de Suisse. Il considère d’une part que la peine privative de liberté de 42 mois constitue un motif de révocation au sens de l’art. 63 al. 1 let. a LEI, d’autre part que les actes délictueux du ressortissant croate représentent une atteinte très grave à la sécurité et à l’ordre publics selon l’art. Lire la suite