La confidentialité des pourparlers et l’avocat qui produit une preuve illicite

ATF 144 II 473 | TF, 19.09.2018, 2C_988/2017*

Lorsque des discussions transactionnelles sont menées entre un avocat et une partie non représentée par un avocat, l’avocat mandaté postérieurement par cette partie n’est pas lié par la confidentialité des pourparlers, sauf si les parties ont convenu expressément d’une clause de confidentialité. 

L’avocat qui produit une preuve illicite viole son devoir de diligence au sens de l’art. 12 let. a LLCA, à moins qu’il ait de bonnes raisons de penser qu’elle sera exploitable.

Faits

Suite au décès de leur père, une fratrie se réunit afin de discuter de la vente d’actions héritées. Lors de cette réunion, un frère, non assisté par un avocat, enregistre la séance à l’insu des autres participants.

Après cette réunion, le frère consulte un avocat, lequel dépose une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles afin de faire interdiction aux autres héritiers de vendre les actions héritées. À l’appui de cette requête est produit l’enregistrement de la séance. Le Tribunal de première instance, puis la Cour de justice du canton de Genève, déclarent l’enregistrement inexploitable en raison de son caractère illicite après avoir effectué une pesée des intérêts (art. 152 al. 2 CPC).

La Commission du barreau du canton de Genève prononce alors un avertissement à l’encontre de l’avocat en raison de son manquement grave à son obligation de diligence au sens de l’art.Lire la suite

L’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud

TF, 29.08.2018, 1C_443/2017 

L’atteinte résultant de l’interdiction de la mendicité à divers droits fondamentaux, tels que la liberté personnelle (art. 10 Cst.), est admissible au regard de l’art. 36 Cst. Le Tribunal fédéral confirme ainsi pour le canton de Vaud sa jurisprudence rendue à ce sujet concernant le canton de Genève.

Faits

À la suite d’une initiative populaire visant l’interdiction de la mendicité, le Grand Conseil vaudois modifie l’art. 23 LPén-VD qui réprime désormais celui qui mendie par une amende de 50 à 100 francs (al. 1). Une amende de 500 à 2’000 francs est prononcée à l’égard des personnes organisant la mendicité ou impliquant dans la mendicité des mineurs ou des personnes dépendantes (al. 2).

La Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du canton de Vaud rejette la requête formée contre cette révision législative par plusieurs personnes, dont certaines s’adonnent à la mendicité.

Ces personnes forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Dans un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral doit se prononcer sur la conformité de l’art. 23 LPén-VD au droit supérieur, en particulier à la liberté personnelle (art. 10 Cst.).

Droit

Sur le plan de la recevabilité, le Tribunal fédéral rappelle que lorsque l’objet de la contestation est un acte normatif, l’intérêt personnel fondant la qualité pour recourir suffit d’être virtuel (art.Lire la suite

Le licenciement abusif pour discrimination et la mention du congé-maternité dans le certificat de travail

ATF 144 II 345 | TF, 17.09.2018, 8C_134/2018*

Le licenciement qui suit le déclenchement par l’employé d’une procédure interne pour discrimination ne constitue pas nécessairement un licenciement abusif. En outre, lorsqu’un employé est absent pendant une période de temps considérable par rapport à la durée totale de la relation de travail, l’employeur peut mentionner cette absence ainsi que le motif de celle-ci, tel qu’un congé-maternité, dans le certificat de travail.

Faits

Une employée commence à travailler en tant que greffière auprès du Tribunal administratif fédéral en mars 2014. Du 30 avril au 1er octobre 2014, du 2e juillet au 31 août 2015 et à partir du 12 novembre 2015, elle est absente en raison d’une maladie et d’un congé-maternité. En parallèle, en juin 2015, l’employée initie une procédure interne pour discrimination. L’employeur découvre que l’employée a préparé et passé les examens d’avocat pendant son absence. Considérant que l’employée était incapable de travailler uniquement à sa place de travail actuelle, mais qu’elle aurait pu exercer d’autres tâches, l’employeur lui demande de se présenter au travail pour un autre poste. L’employée refuse pour des motifs de santé. Après l’avoir avertie une deuxième fois, l’employeur résilie de manière immédiate le contrat de travail par décision du 25 mai 2016.… Lire la suite

La fixation de prix de revente minimaux pour des articles de sport

ATF 144 II 246TF, 18.05.18, 2C_101/2016*

Une déclaration unilatérale peut, si elle est contraignante, constituer un accord au sens de l’art. 4 al. 1 LCart. La prescription de prix de revente minimaux à des revendeurs viole le droit cartellaire, des restrictions dures sur les prix constituant une atteinte notable à la concurrence indépendamment de considérations quantitatives. L’accord sur les prix ne peut pas être justifié par l’amélioration du conseil à la clientèle et la lutte contre le parasitisme en tant que motifs économiques justificatifs. 

Faits

La société Altimum SA (anciennement : Roger Guenat SA) importe des articles de sport de montagne et les distribue au travers d’un réseau de plus de 300 revendeurs indépendants en Suisse.

En 2012, la Commission de la concurrence (COMCO) constate que la société a prescrit à ses revendeurs des prix de revente minimaux pour des articles de sport de montagne pendant plus de quatre ans et ainsi empêché que les revendeurs ne puissent se livrer à une véritable concurrence sur les prix. Pour cette raison, la COMCO lui inflige une amende d’un montant de CHF 470’000.

Altimum SA se tourne vers le Tribunal administratif fédéral (TAF), lequel admet le recours et annule la décision de la COMCO (TAF, 17.12.15, B-5685/2012).… Lire la suite

Les résidences secondaires (art. 75b Cst.) et l’expropriation matérielle

ATF 144 II 367 | TF, 06.08.2018, 1C_216/2017*

La limitation de la construction de résidences secondaires introduite par l’art. 75b Cst. constitue une concrétisation et non une restriction de la propriété (art. 26 Cst.). Partant, elle ne donne en principe pas droit à une indemnité pour expropriation matérielle. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas non plus de circonstance particulière justifiant une indemnité fondée sur une inégalité de traitement crasse.

Faits

Dans une commune comptant plus de 20 % de résidences secondaires, une société de construction se voit refuser un permis de construire (demandé le 6 juin 2012) pour un chalet résidentiel de 4 appartements, au motif qu’elle souhaite vendre ses appartements tant comme résidences secondaires que principales.

La société demande à la commune une indemnité pour expropriation matérielle mais la commune refuse d’entrer en matière. Elle forme alors une demande en indemnisation dirigée contre la commune auprès de la Commission d’estimation. Cette dernière rejette la requête et sa décision est confirmée sur recours par le Tribunal cantonal.

La société dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, invoquant une violation de la garantie de propriété (art. 26 Cst.). Le Tribunal fédéral doit ainsi déterminer quelle serait l’autorité compétente pour attribuer une éventuelle indemnité pour expropriation matérielle en raison de la législation de limitation des résidences secondaires, ainsi que si l’interdiction de construire des résidences secondaires constitue une restriction à la propriété susceptible de donner lieu à une indemnisation pour expropriation matérielle.… Lire la suite