TF, 25.08.2021, 4A_518/2020
Une employeuse qui accède aux messages privés d’un employé porte atteinte à la personnalité de l’employé. La nécessité de recueillir des preuves en prévision d’un procès ne permet pas de s’affranchir des principes généraux de la LPD. L’employeur doit ainsi procéder d’abord à des moyens d’investigations moins intrusifs.
L’employeuse qui partage avec plusieurs personnes des éléments de la sphère privée, voire intime (en particulier des éléments à caractère sexuel), d’un employé peut être condamnée au paiement d’une indemnité pour tort moral (art. 49 CO).
Faits
En septembre 2013, une société qui exploite des centres de formation linguistique engage un employé comme directeur des opérations. Elle lui remet un téléphone et un ordinateur portables qu’il doit utiliser exclusivement à des fins professionnelles.
En septembre 2016, les relations entre l’employé et le directeur général se dégradent. En novembre, la société résilie le contrat de travail. L’employé rend son téléphone et son ordinateur portables après avoir préalablement réinitialisé le téléphone. Il forme opposition contre le congé qu’il estime abusif.
En décembre 2016, après que l’employé est tombé en dépression, et qu’il est donc en incapacité de travailler, la société résilie le contrat avec effet immédiat pour rupture du lien de confiance.… Lire la suite
L’absence de protection par le droit des marques de la forme de la capsule Nespresso
/dans Propriété intellectuelle/par Camille de SalisATF 147 III 517 | TF, 07.09.2021, 4A_61/2021*
La forme des capsules Nespresso ne peut pas être protégée par le droit des marques. En effet, cette forme est techniquement nécessaire, au sens de l’art. 2 let. b LPM, pour l’utilisation des machines Nespresso, qui ne bénéficient plus de la protection d’un brevet. Des formes alternatives présentant des inconvénients ne peuvent être imposées aux concurrent·e·s.
Faits
En décembre 1976, Nestlé SA obtient un brevet sur la capsule compatible avec sa machine à café Nespresso. Conformément à la loi fédérale sur les brevets d’invention, ce brevet est radié en décembre 1996, soit vingt ans après sa délivrance. En juin 2000, Nestlé SA dépose une demande d’enregistrement de la forme de sa capsule auprès de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI). Après avoir initialement refusé, l’IPI enregistre cette forme, dont la protection est renouvelée pour la dernière fois en mai 2020. Dès 2011, les sociétés Ethical Coffee mettent sur le marché suisse des capsules de café compatibles avec les machines Nespresso et présentant une forme similaire.
Après avoir déposé une requête de mesures provisionnelles devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois, visant à interdire aux sociétés Ethical Coffee de commercialiser ces capsules, les sociétés Nestlé déposent également une demande principale visant à leur en interdire tout usage (art.… Lire la suite
La demande d’instauration d’un curateur ou d’une curatrice de représentation pour l’enfant
/dans Procédure civile/par Camille de SalisATF 147 III 451 | TF, 07.10.2020, 5A_123/2020*
Lorsqu’un·e enfant demande qu’un curateur ou une curatrice de représentation lui soit instauré·e (art. 299 al. 3 CPC), le refus éventuel constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure matrimoniale. Cette décision est susceptible de recours, puisqu’elle est de nature à causer un préjudice irréparable à l’enfant (art. 93 al. 1 lit. a LTF). En l’espèce, le recours étant dirigé contre une décision portant sur des mesures provisionnelles, les motifs sont limités (art. 98 LTF).
Faits
Des époux, parents de deux filles nées en 2005 et 2010, entament une procédure de divorce. Une curatelle d’assistance éducative, au sens de l’art. 308 al. 1 CC, est instaurée en faveur des enfants. Leur mère réclame la garde exclusive, avec un droit de visite de leur père. Pendant la procédure, la mère trouve un nouvel emploi dans le canton de Schwyz et compte s’y établir avec ses filles dès le 1er septembre 2019.
Le conseil du père informe le Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois que la fille aînée, alors âgée de treize ans, a contacté une avocate pour la représenter dans la procédure de divorce de ses parents.… Lire la suite
Le droit de l’actionnaire à ce que ses droits de participation soient incorporés dans un papier-valeur
/dans Droit des sociétés/par Marie-Hélène Peter-SpiessATF 147 III 469 | TF, 09.08.21, 4A_39/2021*
L’actionnaire dispose d’un droit légal à ce que ses droits de participation soient incorporés dans un papier-valeur. Ce droit peut toutefois être exclu statutairement, à tout le moins en ce qui concerne les actions nominatives.
Faits
L’actionnaire à hauteur de 70 des 210 actions nominatives d’une société anonyme (SA) engage une procédure auprès du Handelsgericht de Zurich, demandant principalement à ce qu’il soit ordonné aux organes de la SA de lui remettre soit (i) 70 actions nominatives de la SA sous forme de papier-valeur soit (ii) un certificat d’actions relatif à 70 actions nominatives de la SA sous forme de papier-valeur, sous peine de sanction selon l’art. 292 CP. La demanderesse fait valoir que la livraison des actions incorporées dans un papier-valeur – soit des titres émis physiquement – lui garantit la possibilité de transmission et de vente.
Par jugement du 2 décembre 2020, le Handelsgericht conclut qu’il existe en principe un droit légal à la remise d’actions incorporées dans un papier-valeur, sauf si ce droit est expressément exclu statutairement. Puisque les statuts de la société défenderesse n’excluent pas ce droit des actionnaires, la demanderesse a ainsi droit à la matérialisation de sa qualité d’actionnaire sous forme de papier-valeur.… Lire la suite
La fourniture préalable de garanties diplomatiques en vue d’une extradition vers la Russie
/dans Droit public/par Ariane LeglerATF 148 I 127 | TF, 01.09.2021, 1C_381/2021*
Les garanties diplomatiques requises en l’espèce auprès de la Russie – telles que la mise en place d’un système de monitoring dès la remise de la personne extradée à l’État requérant, la connaissance du lieu de détention avant l’extradition et sa localisation à l’ouest de l’Oural – suffisent à assurer la protection de la personne extradée de manière conforme à la CEDH.
Faits
Le 18 avril 2016, la Russie requiert de la Suisse l’extradition d’un ex-banquier russe recherché pour des faits de fraude à grande échelle et de blanchiment d’argent. Le 29 novembre 2019, l’Office fédéral de la justice accorde l’extradition, moyennant un certain nombre de garanties diplomatiques.
L’ex-banquier dépose un recours contre la décision d’extradition auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, laquelle le rejette (RR.2020.4 et RR. 2019.325). La Cour requiert toutefois que les garanties diplomatiques soient complétées par la Russie.
Le 21 décembre 2020, le Tribunal fédéral admet le recours de l’ex-banquier à l’encontre de l’arrêt de la Cour des plaintes, compte tenu de l’évolution de la situation des droits de l’homme en Russie. Il renvoie la cause à la Cour des plaintes, qui est chargée d’examiner si les garanties sont suffisantes, eu égard notamment à la situation prévalant actuellement en Russie et aux circonstances particulières du cas d’espèce (1C_444/2020).… Lire la suite