ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*
Pour confisquer des valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) découlant d’un contrat conclu par corruption, le juge doit établir que, sans les pots-de-vin, les parties n’auraient pas conclu ce contrat. Le fait que l’intermédiaire ou ses sociétés ai(en)t fourni des prestations légales en sus d’actes de corruption ne s’oppose pas à la confiscation.
Le montant de la confiscation se détermine selon le principe du profit net (Nettoprinzip). Le seul fait que la corruption ait influencé l’appréciation d’un fonctionnaire ne permet pas de confisquer l’entier du profit net. Il convient d’estimer le montant à confisquer (art. 70 al. 5 CP) en se fondant sur l’ensemble des circonstances, conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).
Le prononcé d’une créance compensatrice, en plus de l’amende prévue dans un accord de coopération conclu entre la personne visée et les autorités étrangères dont le but est de restituer les gains, soulève des questions de compatibilité avec le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 lit. a CPP et art. 9 Cst.).
Faits
Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras.… Lire la suite
Le gain hypothétique en matière d’opérations boursières
/dans Droit bancaire, Droit des contrats/par Arnaud Nussbaumer-LaghzaouiATF 147 III 463 | TF, 01.09.2021, 4A_606/2020*
Un gain hypothétique et aléatoire ne constitue pas un dommage.
Faits
Un client charge sa banque d’acquérir pour son compte 25’000 actions au prix de 25 USD par action en vue de l’entrée à la bourse de New York d’une société (Twitter) le 7 novembre 2013. La veille, le bureau de représentation de la banque confirme l’achat de ces actions pour 25 USD par unité. La banque communique au client le 11 novembre 2013 que l’achat d’actions n’a pas pu être effectué. En cause, la demande d’achat d’actions qui était 30 fois supérieure à l’offre. Ce jour-là, la valeur de l’action atteignait 42.90 USD.
Le client ouvre une action en paiement contre la banque et conclut principalement à la délivrance de 25’000 actions contre le paiement de 625’000 USD, et subsidiairement au versement de la somme de 447’500 USD plus intérêts. Cette somme équivaut à la différence entre la valeur des actions au 11 novembre 2013 et leur valeur d’offre initiale.
Suite au décès du client en 2015, ses héritiers reprennent la procédure et retirent leur conclusion principale (la délivrance de 25’000 actions contre 625’000 USD), en concluant uniquement au versement de 447’500 USD.… Lire la suite
La responsabilité des administrateurs victimes d’une escroquerie au Président
/dans Droit des sociétés, Responsabilité civile/par Célian HirschTF, 29.06.2021, 4A_344/2020, 4A_342/2020
L’administrateur victime d’une escroquerie au Président est responsable du dommage qui en découle pour la société lorsqu’il aurait dû déceler la supercherie (violation fautive du devoir de diligence).
Faits
Une société suisse est administrée par deux personnes avec pouvoir de signature collective à deux. Elle fait partie d’un groupe de sociétés et s’occupe principalement de recevoir les paiements de factures adressées aux clients du groupe.
En 2011, la société suisse est victime d’une « escroquerie au Président ». En résumé, un escroc contacte le premier administrateur en se faisant passer pour le président du groupe. Il lui mentionne un transfert urgent et confidentiel en raison d’un contrôle fiscal inopiné. L’administrateur pose une question de sécurité à son interlocuteur, lequel y répond correctement (soit le fait qu’il joue au polo). Conformément à cette conversation, une tierce personne contacte l’administrateur par téléphone. Ce tiers confirme les difficultés du président du groupe et souligne le caractère confidentiel du transfert. L’administrateur reçoit ensuite une facture par courriel d’une adresse électronique très proche de celle du président du groupe. Conformément à leur pratique, l’administrateur enregistre l’ordre de transfert et informe le second administrateur des circonstances entourant le transfert afin que celui-ci l’approuve.… Lire la suite
Secret professionnel et séquestre de la correspondance d’avocats extracommunautaires
/dans Procédure pénale/par Ariane LeglerATF 147 IV 385 | TF, 22.06.2021, 1B_333/2020*
En vertu de l’art. 264 al. 1 let. d CPP, les objets et les documents concernant des contacts entre une personne non prévenue et son avocat ne peuvent pas être séquestrés. Cette protection n’est toutefois conférée qu’à la correspondance des avocats autorisés à exercer en vertu de la LLCA (ressortissants CH/UE/AELE), mais non à celle des avocats extracommunautaires (hors CH/UE/AELE).
Faits
Le 2 juillet 2013, le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une procédure pénale contre un individu et contre inconnu pour blanchiment d’argent aggravé (art. 305bis CP) et corruption de fonctionnaires étrangers (art. 322septies CP). Trois ans plus tard, il ordonne la perquisition des locaux d’une société genevoise, tierce à la procédure. Plusieurs documents, enregistrements et données électroniques sont séquestrés.
Sur demande de la société, certaines données électroniques sont mises sous scellés. Le MPC requiert la levée des scellés auprès du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc). La société s’y oppose en faisant valoir que certaines de ces données sont protégées par le secret professionnel des avocats en vertu de l’art. 264 al. 1 let. d CPP.… Lire la suite
Affaire Petrobras : proportionnalité de la confiscation et compatibilité avec l’accord de coopération (1/2)
/dans Droit pénal/par Elena TurriniATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*
Pour confisquer des valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) découlant d’un contrat conclu par corruption, le juge doit établir que, sans les pots-de-vin, les parties n’auraient pas conclu ce contrat. Le fait que l’intermédiaire ou ses sociétés ai(en)t fourni des prestations légales en sus d’actes de corruption ne s’oppose pas à la confiscation.
Le montant de la confiscation se détermine selon le principe du profit net (Nettoprinzip). Le seul fait que la corruption ait influencé l’appréciation d’un fonctionnaire ne permet pas de confisquer l’entier du profit net. Il convient d’estimer le montant à confisquer (art. 70 al. 5 CP) en se fondant sur l’ensemble des circonstances, conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).
Le prononcé d’une créance compensatrice, en plus de l’amende prévue dans un accord de coopération conclu entre la personne visée et les autorités étrangères dont le but est de restituer les gains, soulève des questions de compatibilité avec le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 lit. a CPP et art. 9 Cst.).
Faits
Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras.… Lire la suite
La zone réservée et le contrôle incident de la planification (art. 21 al. 2 LAT)
/dans Droit public/par Tobias SievertTF, 07.05.2021, 1C_206/2020
Le contrôle incident du plan d’affectation dans une procédure d’autorisation de construire est en principe exclu. Ce contrôle est toutefois admis lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées au sens de l’art. 21 al. 2 LAT. Le surdimensionnement de la zone à bâtir ne suffit pas à lui seul pour justifier le contrôle incident de la planification. Il faut que s’y ajoutent d’autres circonstances. Le fait que le règlement de la zone réservée autorise certaines constructions ne s’oppose pas au contrôle incident de la planification.
Faits
Le propriétaire d’une parcelle dans la commune de Founex sollicite l’octroi d’un permis de construire pour deux complexes d’habitation. La parcelle est colloquée en zone « village ou hameau » selon le plan des zones adopté en 1979. Le projet est mis à l’enquête publique et fait l’objet de plusieurs oppositions.
En raison du surdimensionnement de la zone à bâtir de la commune, la municipalité de Founex soumet à l’enquête publique une zone réservée communale (art. 46 LATC-VD) couvrant toutes les zones à bâtir de la commune. La zone réservée couvre la parcelle sur laquelle sont prévus les complexes d’habitation. L’art. 3 du règlement de la zone réservée (RZR) prévoit que « tout permis de construire dont la mise à l’enquête publique a débuté avant la mise à l’enquête publique de la zone réservée peut être délivré ».… Lire la suite