Le secret de fonction s’oppose-t-il à la transparence ?

ATF 148 II 16TF, 03.03.2022, 1C_336/2021*

Le secret de fonction prévu à l’art. 86 LPP ne fait pas obstacle à une demande de transparence.

Faits

Le 1er mai 2020, les partis politiques genevois de l’Entente (PLR et PDC) publient un communiqué de presse dénonçant une décision du comité de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG). Ce dernier aurait modifié les bases de calcul actuariel et abaissé le taux technique à 1.75%, sans l’annoncer lors de la votation de mai 2019. Or une telle décision impliquerait un coût supplémentaire de 2 milliards de francs pour l’État de Genève.

Quelques jours plus tard, le rédacteur en chef adjoint du quotidien Le Temps demande à la CPEG notamment d’avoir accès au procès-verbal de la séance du comité lors de laquelle les décisions critiquées par l’Entente ont été prises.

Suite au refus de cette requête par la CPEG, le journaliste saisit, sans succès, le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence du canton de Genève, puis la Cour de justice. Cette dernière considère que l’art. 86 LPP (obligation de garder le secret) fait obstacle au principe de transparence prévu dans la Loi genevoise sur l’information du public et l’accès aux documents (LIPAD).… Lire la suite

L’annulation d’une décision d’extradition vers l’Arménie 

ATF 148 IV 314 | TF, 21.03.2022, 1C_116/2022*

En raison de la situation des droits de l’homme en Arménie, des garanties diplomatiques générales relatives au respect de l’art. 3 CEDH durant la détention ne suffisent pas à assurer la protection d’un sexagénaire malade en cas d’extradition. 

Faits

Le 2 décembre 2019, l’Arménie requiert de la Suisse l’extradition d’un ressortissant turco-arménien de plus de 60 ans, soupçonné d’escroquerie et de blanchiment d’argent. En août 2020, l’OFJ exige des autorités arméniennes qu’elles fournissent des garanties diplomatiques quant aux conditions de détention. Ces dernières répondent positivement à cette demande.

En décembre 2020, le Ministère public du canton d’Argovie auditionne l’individu, qui refuse de consentir à l’extradition simplifiée. L’Office fédéral de la justice (OFJ) ordonne néanmoins son extradition vers l’Arménie. Cette décision est confirmée par le Tribunal pénal fédéral (TPF) à condition pour l’Arménie de fournir la garantie supplémentaire suivante: « La détention et l’exécution de la peine du requérant se feront exclusivement dans l’une des prisons pilotes de la réforme du gouvernement arménien concernant le système pénitentiaire 2019-2023« .

Selon le TPF, une telle garantie serait justifiée en raison de la situation précaire des droits de l’homme en Arménie (en particulier l’exécution des peines et les soins médicaux), ainsi qu’en raison de l’âge et de l’état de santé de l’individu visé par la demande d’extradition.… Lire la suite

L’illicéité de la clause d’exclusivité territoriale touchant les distributeurs de livres

ATF 148 II 321 | TF, 03.03.2022, 2C_44/2020*

Bien que les accords verticaux entre un producteur et un distributeur puissent échapper aux règles en matière de concurrence, les accords conclus entre deux distributeurs y demeurent pleinement soumis. Ainsi, si un accord de distribution portant à la fois sur des livres produits par l’une des cocontractantes et sur des livres produits par des éditeurs tiers contient une clause d’exclusivité territoriale, l’art. 5 al. 4 LCart y est applicable.

Faits

Les Editions Flammarion SA est une société anonyme de droit suisse, autrefois détenue par le groupe français Flammarion, qui a été racheté en 2012 par le groupe Madrigall. Elle est chargée de la diffusion en Suisse des livres en français diffusés par Flammarion, soit d’une part les ouvrages édités par le groupe et, d’autre part, ceux produits par des éditeurs indépendants ayant chargé Flammarion de leur diffusion. Dans ce cadre, Les Editions Flammarion SA sous-traite la distribution à une société anonyme suisse, par le biais de trois contrats successifs contenant tous la clause suivante :

« [Les Editions Flammarion SA] confie à A.________, dans le respect des lois en vigueur, la distribution exclusive des produits définis à l’article 2 auprès de l’intégralité des revendeurs de livres. … Lire la suite

Le changement de direction d’un fonds de placement immobilier et la perception des droits de mutation

ATF 148 II 121 | TF, 28.03.2022, 2C_624/2021*

Le changement de direction d’un fonds de placement immobilier peut conduire à la perception des droits de mutation sur le transfert de la propriété fiduciaire de la direction sur les immeubles du fonds. Le prélèvement des droits de mutation peut entraver de manière excessive la faculté de changer la direction d’un fonds immobilier. Il n’appartient toutefois pas au Tribunal fédéral de régler ce conflit, mais au législateur fédéral. 

Faits

Un fonds de placement contractuel immobilier détient plusieurs immeubles dans le canton de Fribourg. Une société anonyme assure la direction du fonds. Elle est inscrite au registre foncier en qualité de propriétaire des immeubles avec une mention indiquant l’appartenance des immeubles au fonds.

La direction du fonds est transférée à une autre société anonyme. Les immeubles sont transférés à la nouvelle direction qui est inscrite au registre foncier. Le contrat précise que le transfert de propriété fiduciaire intervient à titre gratuit, la nouvelle direction se substituant à l’ancienne dans ses fonctions de direction du fonds. Les dettes hypothécaires sont également transmises à la nouvelle direction.

Le Registre foncier de la Gruyère sollicite le paiement des droits de mutation pour un montant de CHF 740’000, déterminé sur une valeur vénale des immeubles concernés de CHF 24’700’000.… Lire la suite

La désignation d’un office des poursuites « leader » chargé d’exécuter le séquestre sur tout le territoire suisse

ATF 148 III 138 | TF, 01.02.2022, 5A_1000/2020*

Lorsque des valeurs patrimoniales doivent être séquestrées dans différents arrondissements de poursuite, l’art. 275 LP ne s’oppose pas à la désignation d’un seul office des poursuites « leader » chargé d’exécuter le séquestre dans toute la Suisse. L’office « leader » requiert l’entraide des offices locaux pour exécuter le séquestre de biens situés hors de son arrondissement.

Faits

En 2017, l’Administration des impôts du canton de Zurich prononce une décision de sûretés à hauteur de CHF 140’000’000.- à l’encontre d’un couple.

Sur la base de cette décision, elle rend une ordonnance de séquestre dans laquelle elle désigne des valeurs patrimoniales se trouvant dans différents arrondissements de poursuite. Parallèlement, elle nomme l’office des poursuites de Maloja (GR) en qualité de « leader » de l’exécution du séquestre. A cet effet, elle le charge de coordonner l’exécution du séquestre en requérant l’entraide auprès des offices des poursuites compétents.

Après s’être exécuté conformément à l’ordonnance précitée, l’office des poursuites de Maloja communique les procès-verbaux de séquestre au représentant du couple.

Le couple forme alors une plainte à l’encontre des procès-verbaux, laquelle est rejetée par la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal cantonal des Grisons, agissant en qualité d’autorité de surveillance.… Lire la suite