L’obligation d’assainir les chauffages électriques : violation de la garantie de propriété (art. 26 Cst.) ?

TF, 26.04.2024, 1C_600/2023*

L’obligation d’assainir les chauffages électriques ne constitue pas une atteinte grave à la garantie de propriété (art. 26 Cst.) car elle ne rend pas plus difficile ou impossible l’acquisition, l’aliénation ou l’utilisation de la propriété. Dès lors, elle peut être prévue dans une loi au sens matériel (art. 36 al. 1er Cst.). Les objectifs de protection de l’environnement et d’approvisionnement énergétique suffisant constituent des intérêts publics suffisants pour fonder une telle mesure, même si la législation n’impose pas le remplacement par un système fonctionnant aux énergies renouvelables (art. 36 al. 2 Cst.). Enfin, il s’agit en l’espèce d’une atteinte proportionnée à la garantie de propriété puisqu’elle s’accompagne d’un délai suffisant et de dérogations (art. 36 al. 3 Cst.).

Faits

La loi vaudoise du 16 mai 2006 sur l’énergie (LVLEne) a pour but de promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économique et respectueux de l’environnement (art. 1 al. 1 LVLEne). Sous réserve d’autorisations exceptionnelles, elle interdit depuis 2013 le montage et le renouvellement de chauffages électriques (art. 30a). Le 20 décembre 2022, le Grand Conseil du canton de Vaud adopte une disposition complémentaire (art.Lire la suite

Les autorisations de l’aménagement du territoire à obtenir pour les exploitants de réseau de télécommunication

TF, 21.03.2024, 1C_416/2022*

L’art. 35 LTC garantit une procédure simple et rapide afin d’obtenir une autorisation d’usage accru du sol ; en revanche, la disposition n’exempte pas les exploitants de réseau de télécommunication de l’exigence d’une autorisation de construire conformément au droit de l’aménagement du territoire.

Faits

Une société exploite un réseau de télécommunication dans un village. Pour parer aux risques d’interruption de réseau, la société souhaite construire une ligne de raccordement supplémentaire. Le service de la construction de la commune en question invite alors la société à déposer une demande de permis de construire.

La société demande à la commune d’autoriser l’installation d’une ligne de raccordement souterraine, toutefois sans ouvrir de procédure formelle d’autorisation de construire ; elle se fonde sur l’art. 35 de la Loi fédérale sur les communications (LTC).

La commune rejette la demande. Sur appel, le Regierungsrat du canton d’Obwald rejette également la demande de la société. Cette dernière forme alors recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est amené à interpréter la portée de l’art. 35 LTC en lien avec les exigences de l’aménagement du territoire.

Droit

L’art. 22 LAT pose le principe de l’autorisation de construire à l’égard des installations et constructions à créer ou transformer.… Lire la suite

L’action négative en responsabilité du fait des produits et le for du lieu de commission de l’acte illicite

TF, 22.04.2024, 4A_249/2023*

L’action en constatation négative peut être introduite au for du lieu de commission de l’acte illicite (art. 5 par. 3 CL). En matière de produit défectueux, le lieu de commission se trouve au lieu où le producteur, dont la responsabilité est mise en cause, a lui-même agi, sans égard au lieu de fabrication des pièces détachées potentiellement à l’origine du défaut.

Faits

Une société ayant son siège en Suisse produit divers articles de sports. Elle commercialise notamment un modèle de vélo de course. Si la conception de ce dernier s’effectue en Suisse, diverses pièces sont fabriquées en Chine, puis assemblées aux Pays-Bas. La distribution s’opère depuis la Belgique.

Un cycliste domicilié à Grossetto en Italie achète un exemplaire de ce modèle. En juin 2017, il est victime d’une chute alors qu’il utilise ce vélo en Sardaigne. Il est alors hospitalisé.

Selon l’expertise judiciaire ordonnée par voie de preuve à futur en Italie, la chute aurait été causée par une rupture de la fourche du vélo, elle-même causée par un défaut du matériel composite, à savoir la fibre de carbone.

En 2021, la société ouvre action en constatation de droit négative à Fribourg. Elle fonde la compétence locale du tribunal sur le for du lieu de commission de l’acte illicite au sens de l’art.Lire la suite

La durée minimale de détention avant jugement nécessaire pour pouvoir imputer deux jours de détention sur la peine (art. 51 CP)

TF, 08.07.2024, 6B_1100/2023*

Une fraction de jour de détention avant jugement compte en principe comme un jour complet à imputer sur la peine. Toutefois, lorsque la détention s’étend sur deux jours civils consécutifs, celle-ci doit dépasser la durée minimale de 24 heures pour donner droit à l’imputation de deux jours de détention sur la peine.

Faits

Suite à diverses infractions, un prévenu est détenu provisoirement entre le 5 et le 6 octobre 2020 ainsi qu’entre le 26 et le 27 février 2021.

Le Tribunal régional Jura bernois-Seeland reconnait le prévenu coupable et le condamne notamment à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction des deux jours de détention provisoire. Sur appel formé par le prévenu, la Cour suprême du canton de Berne réforme partiellement le jugement de première instance et condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention provisoire.

Le prévenu forme alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, concluant en particulier à la réforme du jugement du Tribunal cantonal en ce sens que la détention provisoire est imputée à raison de quatre jours sur la peine privative de liberté prononcée.… Lire la suite

Les conditions de validité de la double représentation et du contrat avec soi-même

TF, 22.05.2024, 4A_611/2023

Les contrats conclus suite à une double représentation sont en principe nuls sous réserve de deux exceptions : (i) lorsque la représentation ne fait courir aucun risque aux représentés, ce qui est le cas lorsque l’acte est conclu aux conditions du marché, ou (ii) lorsque le représenté a donné son consentement au préalable ou ratifié l’acte. Ces contrats doivent être soumis à la forme écrite pour les affaires supérieures à CHF 1000  (cf. art. 718b CO).

Faits

Une société locataire conclut avec une société bailleresse un contrat de bail à loyer portant sur un hôtel. L’administrateur de la bailleresse est également l’un des deux associés-gérants de la locataire. En vertu de ce contrat, la locataire s’engage à effectuer des travaux de rénovation de l’hôtel. Quelques mois plus tard, la locataire, représentée par l’associé-gérant qui n’est pas administrateur de la bailleresse, demande le report du premier versement du loyer après la réalisation des travaux. La bailleresse accepte cette demande par l’intermédiaire de son administrateur (également gérant de la locataire).

La bailleresse révoque par la suite le mandat de son administrateur, ce dernier ayant autorisé la locataire à sous-louer l’hôtel pour un sous-loyer excessif. Nonobstant l’accord convenu entre les parties sur le report du paiement du loyer, la bailleresse met la locataire en demeure de régler certains loyers.… Lire la suite