La constitutionnalité de la suppression des bonus des cadres de Credit Suisse

TAF, 31.03.25, B-3655/2023

Les mesures prises en matière de rémunération sur la base de l’art. 10a al. 1 et 2 LB ne peuvent s’étendre au-delà de la durée de l’aide financière de la Confédération.

Faits

Le 19 mars 2023, la Confédération et UBS annoncent le rachat de Credit Suisse par cette dernière. Cette annonce est accompagnée d’une modification de l’Ordonnance du Conseil fédéral du 16 mars 2023 sur les prêts d’aide supplémentaires sous forme de liquidités et l’octroi par la Confédération de garanties du risque de défaillance pour les prêts d’aide sous forme de liquidités de la Banque nationale suisse à des banques d’importance systémique. L’art. 10 al. 2 de l’ordonnance confère la compétence au Département fédéral des finances (DFF) de rendre une décision portant sur des mesures liées à la rémunération conformément à l’art. 10a LB.

Par décision du 23 mai 2023, le DFF prend une série de mesures au sujet des rémunérations variables promises jusqu’à la fin de l’année 2022 et qui n’avaient pas encore été payées le 21 mars 2023. Les rémunérations variables des membres de l’Executive Board doivent être réduites de 100%, celles des cadres de l’échelon inférieur à l’Executive Board de 50% et celles des cadres de deux échelons inférieurs à l’Executive Board de 25%.Lire la suite

Respect des clauses de réclamation et interruption de causalité: Le Tribunal fédéral se montre intransigeant

TF, 08.01.2025, 4A_610/2023

En cas d’ordre frauduleux et en dehors des cas de banque restante, le défaut de réclamation du client dans le délai convenu contractuellement représente une faute concomitante qui interrompt la causalité entre le dommage subi et la faute grave de la banque.  

Faits

Une fondation est titulaire d’un compte auprès d’une banque genevoise. Il ressort de la documentation contractuelle une clause de transfert de risque ainsi qu’une clause de réclamation indiquant qu’en cas d’avis portant sur un ordre frauduleux la fondation est tenue de les contester dans un délai de 30 jours.

En avril 2017, un fraudeur prend le contrôle de la boîte email du comptable du bénéficiaire de la fondation et parvient à convaincre un membre du conseil de fondation d’ordonner à la banque un transfert de USD 650’000 sur un compte à Hong Kong et un autre de USD 103’000 à Henan en Chine. La banque notifie les avis de débit de ces deux transferts les 13 avril et 2 mai 2017. La fondation ne conteste pas la validité de ces opérations dans le délai de 30 jours précité.

La fondation ouvre action en paiement contre la banque pour un montant de USD 753’000.… Lire la suite

La FINMA peut faire du naming and shaming « indirect »

TF, 29.08.2024, 2C_682/2023* 

La FINMA peut publier un communiqué de presse relatif à la clôture d’une procédure d’enforcement contre un assujetti nommément désigné, en particulier afin de montrer au public qu’elle n’est pas inactive face aux violations du droit des marchés financiers.

Faits

La FINMA clôt une procédure d’enforcement à l’encontre d’une banque qui a gravement violé les prescriptions relatives au blanchiment d’argent. Quelques semaines après, le régulateur informe la banque de son intention de publier six jours plus tard un communiqué de presse portant sur cette procédure. Le projet de communiqué nomme expressément la banque et résume la décision d’enforcement. Sur opposition de la banque, la FINMA confirme formellement sa décision. Le Tribunal administratif fédéral interdit provisoirement à la FINMA toute publication. Il rejette ensuite le recours de la banque, retenant un intérêt public prépondérant par rapport à l’intérêt privé de l’établissement financier (B-4779/2023).

Dans son recours au Tribunal fédéral, la banque soutient que si la FINMA n’a pas ordonné de publication dans sa décision de clôture (art. 34 LFINMA), elle ne peut plus l’ordonner ultérieurement sur la base de l’art. 22 al. 2 LFINMA (information du public). Le Tribunal fédéral est ainsi amené, dans un premier temps, à préciser la relation entre ces deux dispositions et, dans un second temps, à examiner la licéité in casu du projet de publication litigieux.… Lire la suite

La preuve des pertes du client incombe à la banque

TF, 16.07.2024, 4A_301/2023

Lorsque la banque liquide les positions du client et qu’il en résulte un solde négatif, il appartient à la banque de prouver les pertes. À défaut, la banque ne prouve pas l’existence de sa créance à l’encontre du client.

Faits

En 2011, un client utilise la plateforme informatique d’une banque vaudoise afin de spéculer sur la variation du cours USD/CHF. Le 15 janvier, la BNS annonce qu’elle abandonne le taux plancher CHF/EUR. Cela provoque un vent de panique et rend le marché USD/CHF temporairement illiquide. Conformément aux conditions générales, la banque liquide les positions du client et l’informe, quelques jours plus tard, que son compte est d’une valeur négative de USD 929’075.

La banque ouvre action en paiement contre le client auprès de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. Dans ses allégués n°83 à 86, la banque indique que la liquidation automatique des positions du client s’est soldée par une perte de USD 1’125’991.40 et, qu’après déduction des avoirs en compte du client de USD 193’325.62, le débit du compte était de USD 929’075.

Dans sa réponse, le client conteste ces quatre allégués et dépose une demande reconventionnelle afin que le montant de USD 193’325.62, soit le solde de son compte avant la liquidation, lui soit restitué.… Lire la suite

Conflits d’intérêts et imputation de connaissance

TF, 21.11.2023, 4A_350/2023

Les membres d’un conseil de fondation doivent se récuser lors d’une prise de décision pour laquelle ils sont en conflit d’intérêts. Leur connaissance ne peut donc pas être imputée à la fondation. 

Faits

Un négociant en valeurs mobilières (désormais nommé maison de titres, cf. art. 41 LEFin) pratique la gestion de fortune pour des clients privés et institutionnels. Il gère notamment le patrimoine d’une fondation de prévoyance LPP. Le CEO de ce gestionnaire et l’un de ses employés sont également membres du conseil de cette fondation. Les actifs de cette dernière sont majoritairement investis dans deux fonds de fonds (un fonds de fonds est un fonds qui investit dans d’autres fonds). Ces fonds de fonds sont gérés et distribués par le gestionnaire. Le gestionnaire se trouve donc dans un « double rôle », étant à la fois gestionnaire du patrimoine de la fondation et gestionnaire du fonds de fonds. Il n’informe pas activement la fondation de cette situation.

Le schéma ci-dessous illustre ces faits:

Dans une procédure intentée contre le gestionnaire, la fondation soutient en particulier qu’il lui aurait causé un dommage en raison des frais inutiles causés par les fonds de fonds. En effet, le gestionnaire aurait pu directement acheter des parts des fonds cibles, évitant ainsi les frais du fonds de fonds.… Lire la suite