L’étude d’impact pour un projet de parc éolien au stade de la planification d’affectation

TF, 12.02.2024, 1C_458/2022

Des investigations complètes concernant l’impact qu’un projet pourrait avoir sur plusieurs espèces d’oiseaux et sur la protection des eaux doivent être effectuées au stade du plan d’affectation déjà et non au stade du permis de construire. En effet, les résultats de ces investigations peuvent remettre en question des éléments qui ont une influence sur la pesée des intérêts qui doit être effectuée au stade de la planification d’affectation.

Faits

Trois communes vaudoises mettent à l’enquête publique un plan partiel d’affectation intercommunal (ci-après : PPA) pour réaliser collectivement le parc éolien « Bel Coster », à proximité de la frontière française. Pour ce projet, un rapport d’impact sur l’environnement a également été établi. Au terme de l’enquête publique, les communes lèvent les oppositions et adoptent le PPA, ainsi qu’un règlement.

La Direction générale de l’environnement du canton de Vaud autorise les défrichements et le projet routier liés au PPA. A son tour, le Département cantonal compétent approuve le PPA et le projet routier.

Plusieurs particuliers, associations et fondations, telles que « Helvetia Nostra », saisissent la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après : la Cour cantonale) d’un recours contre les décisions communales et cantonales précitées.… Lire la suite

La levée anticipée du secret professionnel de l’avocat en vue du recouvrement d’honoraires

TF, 05.04.2024, 2C_257/2023*

La levée du secret professionnel de l’avocat par le client en vue du recouvrement d’honoraires avant la survenance du litige est en principe inadmissible. L’avocat peut s’exposer à des sanctions disciplinaires.

Faits

Un avocat conclut un contrat de mandat avec son client. Le contrat contient une clause de levée anticipée du secret professionnel, dont la teneur est la suivante :

«  Für die Geltendmachung oder die Abwehr von Ansprüchen aus diesem Auftragsverhältnis ist der Beauftragte vom Berufsgeheimnis befreit, soweit dies zur Durchsetzung seiner Ansprüche notwendig ist. »

(Traduction libre : «  Le mandataire est délié du secret professionnel pour faire valoir ou se défendre à l’encontre de prétentions issues du présent mandat, dans la mesure où cela est nécessaire pour la mise en oeuvre de ses droits.  »)

L’avocat dépose une demande de conciliation contre son client afin de recouvrir une créance d’honoraires résultant de son activité. L’Ordre des avocats du canton de Saint-Gall ouvre alors une procédure disciplinaire contre l’avocat au motif d’une potentielle violation du secret professionnel.

A la suite de la procédure disciplinaire, l’Ordre des avocats du canton de Saint-Gall constate une violation de l’art. 13 al. 1 LLCA et prononce une amende de CHF 1’000.-.… Lire la suite

L’imposition privilégiée des réserves latentes à la suite d’une réévaluation comptable (art. 37b LIFD)

TF, 24.04.2024, 9C_680/2022*

Le bénéfice de liquidation issu d’une réévaluation comptable d’actifs immobilisés peut être soumis à l’imposition privilégiée au sens de l’art. 37b al. 1 LIFD.

Faits

Deux associés exploitent, dans une activité lucrative indépendante, une société en nom collectif. Les associés décident de cesser leur activité d’indépendant et transforment leur société en société anonyme. Avant cette transformation, des actifs immobilisés font l’objet d’une réévaluation comptable, ce qui génère un bénéfice d’environ CHF 175’000.

Chacun des associés demande, dans sa déclaration fiscale, une imposition séparée du bénéfice de liquidation (imposition privilégiée) en raison de la cessation de son activité d’indépendant engendrée par la transformation en société anonyme.

L’Office d’impôt refuse d’inclure le montant résultant de la réévaluation comptable dans le bénéfice de liquidation. Il taxe ainsi ce montant en tant que revenu ordinaire. Sur réclamation, l’Administration cantonale des impôts admet la qualification des montants en tant que bénéfice de liquidation soumise à l’imposition privilégiée. Le Tribunal cantonal vaudois confirme cette décision.

L’Administration fédérale des contributions (AFC) forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le bénéfice issu d’une réévaluation comptable d’actifs immobilisés peut être soumis à l’imposition privilégiée selon l’art.Lire la suite

EDF c. Espagne : Charte de l’énergie et arbitrage – le droit international prévaut sur le droit communautaire

TF, 03.04.2024, 4A_244/2023*

L’art. 26 TCE déploie son régime d’arbitrage d’investissement à l’égard des litiges intra-européens ; les normes du droit de l’UE n’empêchent pas son application et n’écartent pas le consentement d’un État partie au traité à procéder à l’arbitrage (désaccord avec la jurisprudence de la CJUE).

Faits

Dans le courant des années 2000, l’Espagne adopte deux décrets destinés à mettre en œuvre des directives européennes. Ces décrets ont pour objectif de favoriser la production d’énergie renouvelable et fixent un prix d’achat déterminé pour des kilowattheures générés par des installations photovoltaïques qualifiées. Durant la période de validité des décrets, une société française acquiert douze installations photovoltaïques sur le territoire espagnol, toutes soumises à ce régime tarifaire attractif.

Ce mécanisme d’encouragement connaît un succès fulgurant et attire de nombreux investisseurs en quelques mois seulement. Il entraîne ce faisant un écart croissant, qualifié de déficit tarifaire, entre les frais d’accès à l’électricité (c’est-à-dire le montant payé par les clients pour leur consommation d’électricité) et les coûts réglementés du marché électrique espagnol, lesquels comprennent les frais liés aux mécanismes de soutien aux énergies renouvelables. Afin de lutter contre ce déficit, l’Espagne abroge les deux décrets en 2010 et 2013 ; elle les remplace par d’autres réglementations qui assurent un rendement raisonnable aux producteurs.… Lire la suite

Conflits d’intérêts et imputation de connaissance

TF, 21.11.2023, 4A_350/2023

Les membres d’un conseil de fondation doivent se récuser lors d’une prise de décision pour laquelle ils sont en conflit d’intérêts. Leur connaissance ne peut donc pas être imputée à la fondation. 

Faits

Un négociant en valeurs mobilières (désormais nommé maison de titres, cf. art. 41 LEFin) pratique la gestion de fortune pour des clients privés et institutionnels. Il gère notamment le patrimoine d’une fondation de prévoyance LPP. Le CEO de ce gestionnaire et l’un de ses employés sont également membres du conseil de cette fondation. Les actifs de cette dernière sont majoritairement investis dans deux fonds de fonds (un fonds de fonds est un fonds qui investit dans d’autres fonds). Ces fonds de fonds sont gérés et distribués par le gestionnaire. Le gestionnaire se trouve donc dans un « double rôle », étant à la fois gestionnaire du patrimoine de la fondation et gestionnaire du fonds de fonds. Il n’informe pas activement la fondation de cette situation.

Le schéma ci-dessous illustre ces faits :

Dans une procédure intentée contre le gestionnaire, la fondation soutient en particulier qu’il lui aurait causé un dommage en raison des frais inutiles causés par les fonds de fonds. En effet, le gestionnaire aurait pu directement acheter des parts des fonds cibles, évitant ainsi les frais du fonds de fonds.… Lire la suite