Archive d’étiquettes pour : tribunal de commerce

Le scandale du dieselgate et la notion de dommage

TF, 09.05.2023, 4A_17/2023

En droit suisse, la notion de dommage s’apprécie en application de la théorie de la différence qui se fonde sur l’état du patrimoine à deux moments précis. Ainsi, à défaut de perte patrimoniale, il n’y a pas de dommage. En ce sens, les dommages dits normatifs ne sont pas réparés en droit suisse, excepté le dommage ménager et l’aide gratuite apportée par les proches. Toute autre conception « normative » est exclue. En particulier, le fait d’avoir conclu un contrat qui n’aurait raisonnablement pas été conclu en toute connaissance de cause ne fonde pas un dommage.

Faits 

En 2010, une femme (la recourante) achète un véhicule d’une marque connue, équipé d’un moteur diesel. Ce véhicule a été fabriqué par une filiale sise en Suisse dont la société mère a son siège en Allemagne (la société intimée). Par communiqué officiel en 2015, la société intimée indique que certains de ses véhicules équipés d’un moteur diesel présentent des écarts significatifs entre les données officielles relatives aux émissions de CO2 et celles de conduite réelle. Quelque temps plus tard, elle met à disposition des détenteurs de véhicules concernés un logiciel gratuit permettant de les mettre aux normes. La recourante n’installe toutefois pas ce logiciel sur son véhicule, qui est alors interdit de circulation en 2018.Lire la suite

L’annotation d’un bail commercial (art. 261b CO) relève de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC

TF, 20.09.2022, 4A_199/2022*

Un litige relatif à l’annotation d’un bail commercial au registre foncier fait partie de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, même si la fin du bail n’est pas concrètement en jeu. La procédure simplifiée s’applique à ce type de litiges peu importe leur valeur litigieuse, ce qui exclut la compétence du tribunal de commerce pour en connaître (art. 243 al. 3 CPC).

Faits

Une locataire et sa bailleresse entrent en conflit à la suite de la résiliation par la seconde du bail les liant, lequel porte sur des locaux commerciaux. Cette résiliation intervient dans le contexte de la vente de l’immeuble abritant les locaux à une tierce personne, qui deviendra propriétaire de l’immeuble en 2026.

En parallèle de la procédure de contestation du congé, la locataire ouvre action devant le Tribunal de commerce du canton de Zurich et conclut à ce que la bailleresse soit condamnée à faire annoter le bail au registre foncier, en application des art. 261b CO et 959 CC.

Le Tribunal de commerce n’entre pas en matière sur la demande, retenant qu’il n’est pas compétent pour connaître du litige car celui-ci relève de la protection contre les congés au sens de l’art. Lire la suite

Le droit de l’actionnaire à ce que ses droits de participation soient incorporés dans un papier-valeur

ATF 147 III 469 | TF, 09.08.21, 4A_39/2021*

L’actionnaire dispose d’un droit légal à ce que ses droits de participation soient incorporés dans un papier-valeur. Ce droit peut toutefois être exclu statutairement, à tout le moins en ce qui concerne les actions nominatives.

Faits

L’actionnaire à hauteur de 70 des 210 actions nominatives d’une société anonyme (SA) engage une procédure auprès du Handelsgericht de Zurich, demandant principalement à ce qu’il soit ordonné aux organes de la SA de lui remettre soit (i) 70 actions nominatives de la SA sous forme de papier-valeur soit (ii) un certificat d’actions relatif à 70 actions nominatives de la SA sous forme de papier-valeur, sous peine de sanction selon l’art. 292 CP. La demanderesse fait valoir que la livraison des actions incorporées dans un papier-valeur – soit des titres émis physiquement – lui garantit la possibilité de transmission et de vente.

Par jugement du 2 décembre 2020, le Handelsgericht conclut qu’il existe en principe un droit légal à la remise d’actions incorporées dans un papier-valeur, sauf si ce droit est expressément exclu statutairement. Puisque les statuts de la société défenderesse n’excluent pas ce droit des actionnaires, la demanderesse a ainsi droit à la matérialisation de sa qualité d’actionnaire sous forme de papier-valeur.… Lire la suite

La prorogation en faveur du tribunal de commerce et la compétence ratione loci

ATF 143 III 558 | TF, 21.09.2017, 4A_131/2017*

L’élection de compétence en faveur du tribunal de commerce est nulle en tant qu’elle concerne la compétence matérielle. S’agissant de la compétence territoriale, il sied d’interpréter le contrat (le cas échéant selon le principe de la confiance) pour déterminer si les parties, en connaissance de la nullité de la prorogation en faveur du tribunal du commerce, auraient élu un autre for et si oui lequel.

Faits

Un contrat de courtage exclusif en lien avec la vente d’un immeuble situé à Herrliberg (district de Meilen, canton de Zurich) prévoit la compétence du Tribunal de commerce zurichois. L’une des parties est domiciliée à Monaco, l’autre en Suisse. Un litige survient par la suite. L’une des parties ouvre alors action devant le Tribunal d’arrondissement de Zurich, lequel se déclare incompétent. Sur recours, l’Obergericht renvoie l’affaire au Tribunal d’arrondissement de Zurich pour décision au fond.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer quelle portée doit être donnée à une clause d’élection de for en faveur du Tribunal de commerce s’agissant de la compétence territoriale.

Droit

A teneur de jurisprudence, les clauses d’élection de compétence matérielle sont invalides. En particulier, lorsque seul le défendeur est inscrit au registre du commerce, le demandeur peut agir soit devant le tribunal de commerce soit devant le tribunal ordinaire (art.Lire la suite

La demande reconventionnelle devant le Tribunal de commerce, le dol et le délai convenable dans la demeure (1/2)

ATF 143 III 495 | TF, 04.09.2017, 4A_141/2017*

Une demande reconventionnelle est recevable devant le Tribunal de commerce lorsque le demandeur principal non inscrit au registre du commerce a agi sur la base de la possibilité qui lui est conférée par l’art. 6 al. 3 CPC, pour autant que la demande reconventionnelle soit dans une relation de connexité avec la demande principale.

La deuxième partie de cet arrêt traite de l’existence d’un dol de la part de l’entreprise et la possibilité pour la commune de se départir du contrat en vertu des règles sur la demeure. Vu son importance, elle fait l’objet d’un résumé séparé (LawInside.ch/508).

Faits

Dans le cadre d’une mise à l’enquête publique pour la refonte de son site Internet, une commune retient l’offre d’une entreprise. Suite à plusieurs divergences survenues entre les parties, la commune impartit à l’entreprise un ultime délai au 1er juillet pour s’exécuter. L’entreprise ne donne pas suite à ce délai et interpelle la commune environ un mois plus tard afin de savoir si elle doit réserver du personnel au service de celle-ci dans les mois à suivre. Fin septembre, la commune déclare se départir du contrat pour dol, retard dans l’exécution et dépassement des coûts.… Lire la suite