La fixation de la sûreté pour les frais non couverts par la masse en faillite (art. 230 al. 2 LP)
Les frais de réalisation des objets mis en gage ne doivent pas être couverts par la masse en faillite. Ils ne font pas partie des frais non couverts par la masse au sens de l’art. 230 al. 2 LP et ne doivent donc pas être pris en compte lors de la fixation du montant de la sûreté.
Faits
Le Kantonsgericht du canton de Zoug refuse le sursis concordataire définitif à une entreprise et ouvre une procédure de faillite à son encontre. L’Obergericht rejette le recours formé par l’entreprise. L’Office des faillites du canton de Zoug dresse l’inventaire des biens faisant partie de la masse en faillite. Dans cet inventaire figurent entre autres des immeubles en Allemagne. L’Office des faillites publie dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) la suspension de la procédure de faillite de l’entreprise, faute d’actifs, à moins qu’un créancier n’en exige l’exécution dans les dix jours et ne fournisse une sûreté de CHF 200’000 pour couvrir les frais.
Deux créanciers recourent contre cette décision auprès de l’Obergericht du canton de Zoug. Ils demandent que la décision de l’Office des faillites soit annulée et que la sûreté soit fixée à CHF 0, subsidiairement au maximum à CHF 12’000. L’Obergericht admet partiellement le recours et fixe la sûreté à CHF 100’000.
Les créanciers forment un recours en matière civile au Tribunal fédéral qui doit déterminer si le montant de la sûreté peut comprendre les frais relatifs à la réalisation des objets mis en gage.
Droit
En bref, les recourants font valoir un abus du pouvoir d’appréciation de l’Obergericht.
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la sûreté selon l’art. 230 al. 2 LP doit être fixée à un niveau permettant de couvrir tous les frais futurs, y compris ceux qui ne peuvent pas être évalués avec plus de précision. Le montant de la sûreté à fournir est une pure question d’appréciation. Le Tribunal fédéral n’intervient donc qu’en cas d’abus du pouvoir d’appréciation.
Selon le libellé de l’art. 230 al. 2 LP, la sûreté prévue par cette norme doit couvrir les frais qui ne sont pas couverts par la masse. Les frais à prendre en compte dans ce contexte comprennent en principe aussi les frais pour la réalisation des actifs de la faillite. Des particularités s’appliquent toutefois lorsque des biens mis en gage tombent dans la masse en faillite. Les biens sur lesquels portent les droits de gage sont versés à la masse en faillite sous réserve des droits de préférence des créanciers gagistes conformément à l’art. 198 LP. En conséquence, une réglementation spéciale s’applique également au regard des frais : les frais d’inventaire, d’administration et de réalisation des objets mis en gage sont couverts en premier lieu par leur produit. Cela signifie que les frais correspondants ne peuvent pas être mis à la charge de la masse en faillite et sont supportés par les créanciers gagistes. Ce n’est qu’un éventuel excédent du produit de la vente par rapport aux créances garanties par gage qui peut être utilisé pour couvrir les frais généraux de la faillite.
Ces règles relatives à la prise en charge des frais ne doivent pas seulement être prises en compte à la fin de la procédure de faillite, mais déjà lors du choix de la procédure à engager (procédure de faillite ordinaire ou sommaire ou suspension de la faillite faute d’actifs). En effet, selon l’art. 39 al. 1 OAOF, l’office des faillites doit en tenir compte lorsqu’il examine si le produit des biens inventoriés suffit à couvrir les frais d’une liquidation ordinaire. Les règles de prise en charge des frais prévues à l’art. 262 LP doivent donc être respectées dès la décision de l’office des faillites de demander la suspension de la faillite faute d’actifs (art. 230 al. 1 LP). Il en va de même par la suite lors de la fixation du montant de la sûreté selon l’art. 230 al. 2 LP.
Selon ce qui précède, le Tribunal fédéral retient que les frais de réalisation des objets mis en gage ne doivent pas être couverts par la masse en faillite. Ces frais ne font donc pas partie des frais non couverts par la masse en faillite au sens de l’art. 230 al. 2 LP. Par conséquent, les frais de réalisation des objets mis en gage ne doivent pas être pris en compte lors de la fixation du montant des sûretés conformément à l’art. 230 al. 2 LP. Si la procédure de faillite se poursuit, l’Office des faillites peut exiger du créancier gagiste une sûreté pour l’administration et la réalisation du gage.
En l’espèce, l’arrêt attaqué ne contient aucune information quant à l’existence de potentiels droits de gage sur les immeubles en Allemagne. Sur la base des rapports au dossier, l’Obergericht a considéré que les immeubles en Allemagne étaient surévalués et surendettés. Le Tribunal fédéral déduit de ces considérations qu’il existe effectivement des droits de gage sur les immeubles ou du moins qu’ils existaient. En ce qui concerne les frais d’avocat, l’Obergericht a considéré qu’il faudrait charger un cabinet d’avocats allemand de clarifier les questions juridiques les plus urgentes et d’accompagner les transactions sur le plan juridique. Pour cela, il faudrait engager provisoirement des frais d’avocat d’environ CHF 135’000.
Le Tribunal fédéral arrête qu’il ne ressort pas de ces considérations quelle part des frais d’avocat est liée à l’administration et à la réalisation des objets mis en gage et quelle part doit être attribuée aux frais généraux de la faillite. Faute de constatations plus précises, le Tribunal fédéral ne peut pas juger quelle partie des frais d’avocat estimés à CHF 135’000 doit être prise en compte dans le calcul des sûretés selon l’art. 230 al. 2 LP. L’arrêt attaqué doit être annulé sur ce point et l’affaire renvoyée pour une nouvelle détermination de la sûreté.
Partant, le Tribunal fédéral admet le recours sur ce point.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, La fixation de la sûreté pour les frais non couverts par la masse en faillite (art. 230 al. 2 LP), in: https://lawinside.ch/1523/