Procédure de scellés : la pratique illégale du Tribunal pénal fédéral

ATF 148 IV 221 | TF, 28.02.2022, 1B_432/2021*

Le but des scellés (art. 248 CPP) est de garantir que l’autorité d’instruction ne prendra pas connaissance des données saisies, avant qu’un tribunal ait pu se prononcer sur l’admissibilité de l’accès aux données. Eu égard à cet objectif, dès la réception d’une demande de mise sous scellés, l’autorité d’instruction ne peut plus ordonner la copie des données, ni même confier cette tâche à une personne ou entité mandatée par elle qui est soumise à ses instructions.

Faits

Le 10 septembre 2020, l’Administration fédérale des douanes (actuellement : Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières ; ci-après : Administration fédérale) ouvre une procédure contre un homme pour infraction à la loi sur les douanes ainsi qu’à celle sur la TVA. Le même jour, elle saisit trois appareils électroniques appartenant à ce dernier ; l’intéressé refuse d’en donner les codes d’accès.

Le 14 septembre 2020, le prévenu demande la mise sous scellés de ces appareils.

Le 1er octobre 2020, l’Administration fédérale transmet les supports à l’Office fédéral de la police (ci-après : Fedpol), afin de les débloquer et de copier leur contenu. Le 8 octobre suivant, elle demande la levée des scellés au Tribunal pénal fédéral en précisant que Fedpol apposera les scellés sur les données copiées.… Lire la suite

La formule officielle et le contrat de bail sont-ils des titres au sens de l’art. 251 CP ?

ATF 148 IV 288 | TF, 02.06.2022, 6B_1270/2021*

La formule officielle destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer (cf. art. 269d al. 1 CO cum art. 19 OBLF) est un titre au sens de l’art. 251 CP. En revanche, tel n’est pas le cas d’un contrat de bail, à tout le moins lorsque seule l’identité des précédents locataires y est indiquée de manière fausse.

Faits

En 2020, un avocat est condamné par le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève pour faux dans les titres (cf. art. 251 CP) dans le cadre la gestion d’un immeuble sis à Lausanne, dont la propriété appartenait à une société qu’il contrôlait personnellement.

En substance, il lui est reproché d’avoir indiqué des montants fictifs à titre d’anciens loyers et charges ainsi que des noms fictifs d’anciens locataires lors de l’établissement de nouveaux contrats de bail. Ces informations étaient inscrites sur la formule officielle destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer (cf. art. 269d CO cum art. 19 OBLF), ainsi que dans le nouveau contrat de bail. Cette démarche avait pour but d’éviter une contestation initiale du loyer par le nouveau locataire entrant et d’en permettre une augmentation massive et injustifiée.… Lire la suite

Les chauffeurs Uber sont-ils des employés ?

TF, 30.05.2022, 2C_34/2021

Il n’est pas arbitraire de retenir l’existence d’un contrat de travail entre les chauffeurs Uber opérant à Genève et leur cocontractant Uber B.V.. Ainsi, cette société doit être qualifiée d’”exploitant d’entreprise de transport” au sens de l’art. 4 let. c LTVTC/GE et respecter les obligations y afférentes, notamment en matière de protection sociale et de conditions de travail des chauffeurs.

Faits

Suite à l’entrée en vigueur de la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC/GE) en juillet 2017, la société Uber Switzerland Gmbh avec siège à Zurich (“Uber CH”) dépose une annonce de l’activité de diffuseur de courses auprès du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (“Service cantonal”). Ce dernier délivre à Uber CH une attestation d’annonce.

En mars 2019, un chauffeur VTC ayant travaillé avec l’application Uber Driver interpelle le Service cantonal sur la légalité de la suspension de son compte sans préavis par Uber. Le Service cantonal transmet le cas à la Direction de l’Office cantonal du travail, qui entend plusieurs chauffeurs dans ses locaux.

Le 28 juin 2019, le Service cantonal informe Uber CH de son intention de requalifier le statut de l’entreprise.… Lire la suite

La publication automatique d’une sanction respecte-t-elle la Constitution ?

ATF 148 I 226 | TF, 07.08.2022, 2D_8/2021*

La publication automatique d’une sanction en matière de marchés publics dans le journal officiel cantonal viole l’art. 13 al. 2 Cst.

Faits

Le Conseil d’État du Tessin exclut une société tessinoise de l’attribution des marchés publics. En effet, la société aurait effectué de la sous-traitance en chaîne alors que cela était strictement interdit. Le Conseil d’État décide que sa décision d’exclusion sera publiée sur le site Internet de l’autorité cantonale compétente pour la durée de l’exclusion ainsi que dans la Feuille officielle cantonale.

La société conteste devant le Tribunale amministrativo tessinois en particulier la publication de la sanction, sans succès.

Saisi du litige, le Tribunal fédéral doit examiner si la publication de la sanction respecte le droit à l’autodétermination informationnelle garanti par l’art. 13 al. 2 Cst.

Droit

L’art. 13 al. 2 Cst. prévoit que « toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent ».

Malgré ce texte restreint, la jurisprudence reconnait que le droit à l’autodétermination informationnelle protège contre la divulgation et la diffusion de données personnelles. Pour les personnes morales, ce droit garantit la protection de leur entreprise, de leurs communications et de leurs données ainsi que de leur réputation.… Lire la suite

Assistance au suicide : la LPTh était-elle applicable ?

TF, 09.12.2021, 6B_646/2020

Lorsqu’un médecin prescrit une substance comme le pentobarbital, soumis à contrôle selon la législation en matière de stupéfiants, en vue du suicide assisté d’une personne ne souffrant d’aucune pathologie, son comportement ne relève pas de la LPTh, mais éventuellement de la LStup. En pareilles circonstances, cette loi prime la LPTh, en tant que lex specialis, en tout cas dans l’optique d’une application des dispositions pénales contenues dans ces lois (art. 1b LStup).

Faits

En 2017, une dame âgée se trouvant en bonne santé et ne souffrant d’aucune maladie met fin à ses jours en même temps que son mari, auquel elle ne souhaitait pas survivre, avec l’aide d’une association. Pour ce faire, elle ingère du pentobarbital de sodium (ci-après : pentobarbital) prescrit par un médecin retraité exerçant au sein de l’association.

Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève condamne ce médecin pour infraction à l’art. 86 al. 1 let. a LPTh-2014 (dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017). La Cour de justice genevoise confirme ce jugement.

Le prévenu interjette alors un recours au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la remise de pentobarbital à une personne qui ne souffre d‘aucune pathologie physique ou psychique en vue de son suicide (suicide-bilan ou Bilanzsuizid) relève d’un comportement pénalement réprimé par la LPTh.… Lire la suite