L’existence d’un cas de préemption en cas d’amitié entre le vendeur et l’acheteur

TF, 19.08.2024, 5A_927/2023*

Certaines ventes d’immeubles ne constituent pas des cas de préemption en raison des relations personnelles qui existent entre vendeur et acheteur. Toutefois, tel est uniquement le cas lorsque les relations personnelles ont exercé une influence déterminante sur la vente ; la simple existence d’une amitié entre le vendeur et l’acheteur ne suffit pas à elle seule pour écarter le cas de préemption.

Faits

Deux fermiers exploitent chacun la moitié d’une parcelle reconnue en tant qu’immeuble agricole au sens de la LDFR. Le propriétaire de l’immeuble agricole décide de le vendre en totalité à l’un des deux fermiers et un tiers. Les nouveaux propriétaires résilient le contrat de location en faveur de l’autre fermier, qui demande alors à consulter le contrat de vente puis exerce son droit de préemption sur la parcelle qu’il louait jusqu’alors.

Suite au refus des nouveaux propriétaires d’accepter le droit de préemption et l’échec d’une procédure de conciliation, le fermier dépose alors une action auprès du Kantonsgericht de Zoug afin de faire valoir son droit de préemption. Le Kantonsgericht donne raison au fermier. Les nouveaux propriétaires forment alors recours en matière civile au Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur l’existence d’un droit de préemption en cas de relation particulière entre le vendeur et l’acheteur.… Lire la suite

Extension d’une clause d’arbitrage à un Etat nouvellement constitué

ATF 149 III 431 | TF, 07.08.2023, 4A_575/2022*

Un Etat qui accède à l’indépendance dans le cadre d’une succession (partielle) de droit international public peut, à certaines conditions, être lié par une convention d’arbitrage conclue par l’Etat précédent

Faits

À compter de 2003, une société ayant sont siège dans l’actuelle République du Soudan du Sud dispose d’une licence lui permettant de construire et d’exploiter un réseau de télécommunication également dans une région du Soudan du Sud. En 2007, la société et le Ministry of Technology and Postal Services for the Government of Southern Sudan conviennent que leurs éventuels litiges seront soumis à un arbitrage CCI et renoncent par avance à tout recours. En 2011, la République du Soudan du Sud devient indépendante de la République du Soudan.

En 2018, la société entame une procédure d’arbitrage auprès de la Chambre Internationale de Commerce. Elle reproche au gouvernement de la République du Soudan du Sud des violations contractuelles, en particulier de l’avoir empêché d’exploiter les réseaux puis d’avoir résilié les contrats. Elle réclame à ce titre un montant d’environ USD 3 milliards. Dans ce qu’il a qualifié de sentence partielle, l’arbitre unique de la CCI se déclare compétent et constate plusieurs violations du contrat.… Lire la suite

Les gelures provoquées par les conditions météorologiques en tant qu’accident (art. 4 LPGA)

TF, 18.10.2023, 8C_275/2023

En l’absence d’autres circonstances extraordinaires, des gelures qui résultent d’une exposition prolongée au froid et au vent en haute montagne ne constituent pas un accident au sens de l’art. 4 LPGA.

Faits

Un alpiniste entame avec un compagnon de cordée la face nord du Cervin. Après avoir atteint le sommet, les deux alpinistes rejoignent le bivouac de Solvay. Ils constatent qu’ils souffrent d’importantes gelures. Ils sont alors héliportés à l’hôpital, où des gelures aux orteils et aux doigts sont diagnostiquées. Ces lésions conduisent à plusieurs amputations.

La Bâloise assurance refuse d’accorder des prestations sur la base de l’assurance-accidents à l’alpiniste, au motif que les événements survenus ne peuvent pas être qualifiés d’accident.

Sans succès devant le Tribunal cantonal, l’alpiniste forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si les gelures constituent un accident au sens de l’art. 4 LPGA donnant droit aux prestations de l’assurance-accidents.

Droit

L’assurance-accidents alloue ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.… Lire la suite

Le réexamen des rapports familiaux après une décision de renvoi à l’instance inférieure

TF, 20.08.2024, 5A_178/2024*

Après le renvoi d’une affaire de droit de la famille relative aux enfants par le Tribunal fédéral, l’instance cantonale supérieure doit actualiser les éléments de fait à la base de sa décision avant de rendre une nouvelle décision.

Faits

Les parents de deux enfants se séparent et concluent une convention réglant les conséquences du divorce à l’exception de l’autorité parentale. Le Bezirksgericht zurichois prononce le divorce et approuve la convention partielle. Il attribue l’autorité parentale exclusive à la mère et prononce la garde alternée entre les parents. L’Obergericht zurichois rejette l’appel du père tendant principalement au prononcé de l’autorité parentale conjointe.

Par décision du 20 décembre 2023 (partiellement publiée dans l’ATF 150 III 97, résumé in LawInside.ch/1429), le Tribunal fédéral admet partiellement le recours en matière civile formé par le père, annule le jugement de l’Obergericht en ce qui concerne l’autorité parentale et renvoie l’affaire à ce dernier afin qu’il examine si l’attribution d’un pouvoir de décision exclusif à l’un des parents se justifie dans certains domaines tout en maintenant l’autorité parentale conjointe.

Par jugement du 13 février 2024, l’Obergericht statue à nouveau, maintient les enfants sous l’autorité parentale conjointe et octroie à la mère le pouvoir de décision dans les domaines des soins médicaux et thérapeutiques ainsi que de la formation scolaire et professionnelle des enfants en limitant partiellement le droit de garde du père.… Lire la suite

Le géniteur d’un embryon avorté n’a pas la qualité pour recourir

TF, 26.06.2024, 7B_1024/2023*

Le géniteur d’un embryon avorté n’a pas la qualité pour recourir contre un classement de la procédure dirigée contre la mère pour interruption de grossesse punissable. D’une part, il n’est pas titulaire du bien juridique protégé par l’art. 118 al. 3 CP (cum art. 115 CPP). D’autre part, il ne saurait être considéré comme un proche de la victime au sens de l’art. 116 al. 2 CPP, car l’embryon, n’étant pas titulaire de la personnalité avant sa naissance (art. 31 al. 1 CC), ne peut être considéré comme une victime.

Faits 

Un homme dépose plainte pénale contre son ex-compagne pour interruption de grossesse punissable. Le Ministère public classe la procédure pénale contre la mère s’agissant de cette infraction.

L’homme dépose un recours au Tribunal cantonal fribourgeois contre le classement. Ce dernier n’entre pas en matière sur le recours.

L’intéressé interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le recourant possède la qualité pour recourir contre le classement de la procédure.

Droit 

Le recourant fonde sa qualité pour recourir sur sa qualité de lésé en tant que géniteur de l’embryon, sur la base de l’art.Lire la suite