La détention avant jugement d’un mineur de moins de quinze ans

ATF 142 IV 389TF, 11.10.2016, 6B_1026/2015*

Faits

Un mineur âgé de douze ans est suspecté d’avoir participé à plusieurs cambriolages. D’origine roumaine, le mineur n’est pas scolarisé et n’a aucun domicile connu. Après avoir été interpellé par la police, le mineur est mis en prévention pour diverses infractions et est placé en détention provisoire pendant environ un mois.

Par ordonnance pénale, le Juge des mineurs du canton de Genève reconnaît le mineur coupable de diverses infractions liées aux cambriolages, mais l’exempte de toute peine. Le mineur fait opposition à l’ordonnance, en soutenant que l’illicéité de sa détention n’y était pas constatée. Le juge des mineurs maintient l’ordonnance pénale, qui est confirmée par le Tribunal des mineurs, puis, sur recours, par la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice.

Le mineur forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer en particulier sur la licéité d’une détention provisoire d’un mineur âgé de moins de quinze ans.

Droit

Selon l’art. 27 al. 1 PPMin, la détention provisoire n’est prononcée qu’à titre exceptionnel et seulement si aucune mesure de substitution n’est envisageable.

La doctrine considère cette mesure comme une ultima ratio, qui doit strictement respecter le principe de proportionnalité.… Lire la suite

Le classement en zone à bâtir relève de l’accomplissement d’une tâche fédérale au sens de l’art. 2 LPN (art. 15 et 38a LAT)

ATF 142 II 509TF, 24.08.2016, 1C_315/2015*

Faits

Le 14 janvier 2014, l’assemblée communale d’Adligenswil a (notamment) adopté la révision du plan d’aménagement local, prévoyant le classement en zone à bâtir des plusieurs régions, ainsi que du règlement de constructions et de zones. Le 28 mars 2014, le Conseil d’Etat a approuvé la révision dans sa majeure partie et rejeté le recours de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (ci-après : la FP). Cette dernière a alors formé un recours auprès du Tribunal cantonal, tendant à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à la commune pour nouvelle décision dans le sens des considérants, soit en particulier afin de redimensionner la zone à bâtir. Dans son arrêt du 5 mai 2015, le Tribunal cantonal a nié la qualité pour recourir de la FP pour la majorité des classements en zone à bâtir. La FP recourt contre cette décision auprès du Tribunal fédéral, qui doit examiner si le classement en zone à bâtir relève d’une tâche fédérale au sens de l’art. 2 LPN, si les exigences de l’art. 38a LAT s’appliquaient à la révision adoptée, mais non entrée en force avant l’entrée en vigueur de la révision partielle de la LAT et, cas échéant, si le classement en zone à bâtir respectait les exigences de cette disposition.… Lire la suite

L’action partielle en cas de plusieurs prétentions divisibles et le cumul d’actions

ATF 142 III 683TF, 18.08.16, 4A_99/2016*

Faits

Une banque licencie un de ses directeurs. Celui-ci réclame alors le paiement des bonus des trois années précédentes qu’il n’a pas reçus, soit la somme de 480’000 francs. Après l’échec de la conciliation, il dépose une action partielle devant le tribunal des prud’hommes pour la somme de 30’000 francs en se réservant le droit de rechercher la banque pour le reste. Il ne précise pas pour quelle année et à quel montant des bonus se rapportent les 30’000 francs. Le Tribunal de première instance, puis le Tribunal cantonal font droit à sa requête. La banque saisit alors le Tribunal fédéral qui doit se pencher sur l’individualisation des prétentions découlant d’une action partielle.

Droit

Selon l’art. 86 CPC, « une prétention divisible est susceptible d’une action partielle ». Sous réserve de l’abus de droit, la loi impose uniquement la divisibilité de la prétention réclamée, ce qui est toujours rempli lors d’une action tendant au versement d’une somme d’argent. L’objet d’une telle action n’est en soi pas individualisable et le demandeur doit donc indiquer l’état de fait sur lequel il se base pour déduire sa prétention. Le juge peut alors déterminer s’il existe un ou plusieurs objets du litige, indépendamment du fait que les prétentions soient réunies dans une seule conclusion.… Lire la suite

Le jugement de première instance dans l’affaire Sika

Kantonsgericht Zug, 27.10.2016, A3 2015 27

Faits

Sika AG (ou la « société ») fait l’objet d’un conflit entre certains membres de son conseil d’administration et la famille Burckard qui souhaite vendre sa participation dans la société au groupe français Saint-Gobain.

Le capital-actions de Sika AG se compose d’actions nominatives liées non cotées (valeur nominale 0.10 francs) ainsi que d’actions au porteur cotées (valeur nominale 0.60 francs). Par l’intermédiaire de la société Schenker-Winkler Holding AG (la « Holding »), la famille Burckard détient 99.87% des actions nominatives de Sika, soit 16.97% de l’ensemble du capital-actions. Grace au système d’actions à droit de vote privilégié prévu par les statuts de Sika (une action = un vote), la Holding contrôle la société avec le 52.92% des voix.

En 2014, la famille Burckard conclut un contrat de vente d’actions (« SPA ») avec Saint-Gobain portant sur l’ensemble des actions de la Holding au prix de 2.75 milliards de francs. Six des neuf membres du conseil d’administration de Sika ainsi que la direction s’opposent d’emblée à la transaction. La Holding demande au conseil d’administration de convoquer une assemblée générale extraordinaire ayant pour objet le remplacement d’une partie des membres du conseil d’administration de Sika.… Lire la suite

La contreprestation exigée dans l’usure (art. 157 CP)

ATF 142 IV 341 | TF, 29.09.16, 6B_895/2015*

Faits

Une propriétaire souhaite léguer sa maison à sa locataire afin qu’elle puisse y rester après sa mort. La locataire lui déconseille cette solution en raison du fait que la propriétaire a des héritiers réservataires. La locataire propose alors que son fils rachète la maison pour le prix de 200’000 francs (évaluée pourtant à 650’000 francs) et que celui-ci accorde ensuite un bail à loyer à la propriétaire et à elle-même. Le produit de la vente est quasiment entièrement utilisé pour procéder à des travaux dans la maison. En échange, le fils ne perçoit aucun loyer de l’ancienne propriétaire.

Par la suite, les relations entre les parties se détériorent et l’ancienne propriétaire dépose plainte pénale. Une expertise psychiatrique met en évidence un trouble mixte de la personnalité de l’ancienne propriétaire à traits anxieux et dépendants. Le tribunal de première instance, puis la Cour d’appel estiment que la mère et le fils se sont rendus coupables d’usure à l’encontre de l’ancienne propriétaire. Les accusés font alors recours au Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de l’usure.

Droit

Aux termes de l’art. 157 CP, commet une usure celui qui exploite la dépendance d’une personne en se faisant accorder par elle, pour lui-même ou pour un tiers, en échange d’une prestation, des avantages pécuniaires en disproportion évidente avec cette prestation sur le plan économique.… Lire la suite