Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale en tant que motif de nullité absolue

ATF 145 IV 197TF, 24.04.2019, 6B_517/2018*

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale condamnant une personne de langue étrangère et analphabète ne constitue pas un motif de nullité absolue lorsque le condamné ne requiert pas la traduction de l’ordonnance et ne se renseigne pas au sujet de son contenu.

Faits

Une personne est condamnée à trois reprises, respectivement en 2014, en 2015 et en 2016, par ordonnance pénale pour avoir séjourné illégalement en Suisse. Ces prononcés ne font pas l’objet d’une traduction malgré le fait que le condamné ne maîtrise pas l’allemand et est analphabète.

En 2017, le condamné introduit une demande de révision tendant à faire annuler les trois ordonnances pénales. L’Obergericht zurichois rejette la demande de révision concernant les condamnations de 2014 et 2015, mais annule celle de 2016 en renvoyant la cause au ministère public pour nouvelle décision.

Le condamné saisit le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si les trois ordonnances sont nulles de plein droit du fait qu’elles n’ont pas été traduites.

Droit

Dans son principal grief, le recourant fait valoir la nullité des trois ordonnances prononcées à son encontre, au motif que celles-ci ne lui auraient pas été traduites et que, de ce fait, il n’aurait pas pu comprendre les enjeux de ces condamnations et donc se défendre de façon efficace (art.Lire la suite

L’annulation du scrutin fédéral sur l’initiative « Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage »

ATF 145 I 207TF, 10.04.2019, 1C_338/2018*

En communiquant sans réserve en 2016 que quelque 80’000 couples mariés à deux revenus étaient touchés par la pénalisation fiscale du mariage, alors que ce nombre ne résultait que d’une estimation fondée sur des données statistiques datant de 2001, le Conseil fédéral a contribué à ce que l’état d’information global précédant la votation populaire sur l’initiative « Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage » soit incompatible avec la liberté de vote (art. 34 al. 2 Cst.). Au vu du peu de temps écoulé depuis la votation, du faible écart de voix par lequel cette initiative a été rejetée, de la large diffusion de cette information, de l’influence importante qu’elle a pu avoir sur l’opinion des citoyennes et citoyens et de l’absence d’atteinte à la sécurité du droit, il se justifie d’annuler rétrospectivement la votation sur cette initiative.

Faits

Le 28 février 2016, le peuple a rejeté à 50.8 % (1’664’224 non contre 1’609’152 oui) – mais les cantons l’ont acceptée (15 3/2 pour le oui contre 5 3/2 pour le non) – l’initiative « Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage », visant à modifier l’art. Lire la suite

Le taux d’intérêt négatif du LIBOR et le contrat de prêt

ATF 145 III 241 TF, 07.05.2019, 4A_596/2018*

Une interprétation du contrat de prêt est nécessaire pour déterminer les conséquences sur les intérêts du basculement du taux LIBOR dans le négatif. Un tel basculement n’entraîne en principe pas une inversion du flux de paiement, à savoir le paiement d’intérêts du prêteur à l’emprunteur.

Faits

En 2006, une commune genevoise emprunte CHF 100 Mios à une banque. Les parties conviennent que le prêt porte intérêt au taux LIBOR-CHF à six mois, augmenté d’un taux fixe de 0.0375% par an.

En janvier 2015, l’introduction d’un taux d’intérêt négatif et l’abolition du taux plancher CHF-EUR par la BNS ont pour conséquence le basculement du taux LIBOR-CHF dans des taux négatifs. L’emprunteuse demande alors à la prêteuse de lui payer des intérêts en raison des nouveaux taux négatifs, ce que la prêteuse refuse. Celle-ci affirme en effet que le contrat ne prévoyait aucun paiement à sa charge en faveur de l’emprunteuse.

Le Tribunal de première instance et la Cour de justice rejettent la demande en paiement de plus de CHF 700’000 déposée par l’emprunteuse. Selon la Cour de justice, les parties n’avaient pas prévu l’éventualité d’un taux négatif. A l’aide d’une interprétation objective du contrat selon le principe de la confiance, la Cour considère que les parties ne pouvaient, de bonne foi, envisager un retournement de l’obligation de paiement des intérêts de l’emprunteuse à la prêteuse (ACJC/1258/2018 du 17 septembre 2018).… Lire la suite

L’expropriation des droits de voisinage en cas de travaux sur un ouvrage d’intérêt public

ATF 145 II 282 | TF, 23.04.19, 1C_485/2017*

Lors de nuisances provenant de travaux réalisés sur un ouvrage public, le voisin peut réclamer un dédommagement sur la base de l’expropriation des droits de voisinage. A cette fin, il doit appliquer par analogie les art. 679 et 684 CC sans examiner l’imprévisibilité et la spécialité des nuisances. Il n’est pas non plus nécessaire de prouver l’existence d’un dommage considérable ; seules les nuisances excessives sont requises, ce qui impose d’examiner l’ensemble des circonstances du cas concret.

Faits

Le canton de Soleure accorde un droit distinct et permanent (DDP) pour l’exploitation d’une station d’autoroute. En 2007, les cantons de Soleure et d’Argovie déposent un permis de construire pour agrandir une section d’autoroute. Les travaux doivent durer pendant plus de 2 ans et impliquent notamment la fermeture totale de la sortie d’autoroute pour accéder à l’aire de repos pendant 2 mois.

L’exploitant de l’aire de repos fait opposition et réclame une indemnité pour l’expropriation de ses droits de voisinage. L’OFROU délivre le permis de construire. De son côté, la Commission fédérale d’estimation ouvre la procédure d’expropriation, puis la limite à la question du principe même d’un cas expropriation des droits de voisinage qu’elle nie.… Lire la suite

Le paiement du salaire en euros

TF, 15.01.2019, 4A_215/2017

L’employé, qui accepte contractuellement d’être payé en euros à un taux fixe et qui dans un second temps se prévaut de l’interdiction de discriminer les ressortissants de l’Union européenne pour faire invalider la clause de versement du salaire en euros, commet un abus de droit au sens de l’art. 2 al. 2 CC s’il existe des circonstances particulières.

Faits

Un ressortissant français résidant en France est engagé en janvier 2011 par une entreprise jurassienne. Le contrat de travail prévoit un salaire mensuel de CHF 5’505.

En juin 2011, l’entreprise informe l’ensemble de ses employés que les salaires des travailleurs résidant dans la zone euro seront dorénavant payés en euros afin d’amortir les effets du cours de change suite à la baisse de l’euro et au renforcement du franc suisse. L’employé signe un avenant pour marquer qu’il accepte cette modification de son contrat de travail. Dès le 1er janvier 2012, l’entreprise verse à l’employé un salaire en euros, converti d’après un taux fictif de 1.30 alors que le taux réel était inférieur.

Le contrat de travail prend fin en juin 2015. En janvier 2016, l’(ex-)employé agit en paiement contre l’entreprise pour un montant de près de CHF 20’000, ce qui correspond à la différence entre le salaire effectivement perçu entre 2012 et 2015 et le salaire supérieur qu’il aurait touché si le taux de change réel (systématiquement inférieur à 1.30) avait été appliqué.… Lire la suite