Le fardeau de l’allégation et de la preuve de la péremption d’un droit

TF, 11.05.2023, 4A_412/2022*

Le respect du délai péremptoire prévu à l’art. 336b al. 1 CO pour s’opposer à un licenciement n’est pas un fait implicite. Il appartient à la partie qui entend déduire un droit de cette disposition d’alléguer et de prouver qu’elle a respecté ce délai. 

Faits

Une employée explique être harcelée psychologiquement et sexuellement par un membre du conseil d’administration de la société qui l’emploie. Elle met la société en demeure de prendre toutes les mesures propres à protéger sa personnalité suite à quoi elle est licenciée. Une dizaine de jours après avoir été licenciée, l’employée adresse un courrier d’opposition au congé à l’employeuse.

L’employée introduit une demande tendant au paiement d’une indemnité de CHF 37’000 pour congé abusif. À l’appui de ses écritures judiciaires, elle ne produit pas son courrier d’opposition au congé, lequel est simplement mentionné dans d’autres pièces du dossier. L’employeuse pour sa part n’objecte pas que l’employée aurait manqué à son devoir de s’opposer à son congé à l’intérieur du délai de l’art. 336b al. 1 CO.

Les autorités judiciaires genevoises jugent le congé abusif et condamnent l’employeuse à verser une indemnité de CHF 10’000. Selon la Cour de justice de Genève, l’art.Lire la suite

L’interruption de la prescription par le dépôt d’une action dans la mauvaise monnaie

TF, 08.11.2022, 4A_298/2021*

L’introduction d’une demande en paiement qui contient des conclusions dans la mauvaise monnaie interrompt le délai de prescription de la demande dans la monnaie exacte.

Faits

En 2006, une patiente domiciliée en France est opérée à Genève. Après l’opération, elle dépose une plainte pénale pour lésions corporelles graves par négligence à l’encontre du chirurgien et de l’anesthésiste qui l’ont opérée. La plainte est classée en 2009.

En juin 2015, la patiente ouvre une première demande en paiement contre les deux médecins et l’hôpital. Ses conclusions sont chiffrées en francs suisses. Le Tribunal de première instance de Genève estime que la patiente aurait dû chiffrer ses conclusions en euros car elle réside en France et que c’est donc en France que le dommage est survenu. Aussi, considérant qu’elle n’est pas titulaire d’une prétention en francs suisse, il rejette son action. Sur appel de la patiente, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève confirme ce jugement dans un arrêt de novembre 2017.

En mars 2018, la patiente introduit une seconde demande en paiement contre les mêmes défendeurs, cette fois-ci en euros. Après avoir limité la procédure à la prescription et l’autorité de chose jugée, le Tribunal de première instance déclare l’action recevable mais la rejette.… Lire la suite

Le moment de la conversion d’une créance en monnaie étrangère invoquée en compensation d’une créance en francs suisses

TF, 06.03.2023, 4A_398/2022*

La compensation d’une créance en francs suisses par une créance libellée en monnaie étrangère est possible moyennant la conversion de la créance en monnaie étrangère. Le moment déterminant pour la conversion de créance est celui où se produisent les autres effets de la compensation selon l’art. 124 al. 2 CO, à savoir au premier moment où les créances pouvaient être compensées. Ce moment correspond, pour le créancier invoquant la compensation, au moment où sa créance est exigible et que la créance compensée est exécutable et non au moment de la déclaration de compensation.

Faits

Une société de production de produits pharmaceutiques s’associe avec une société de vente de produits pharmaceutiques afin de conclure un contrat portant sur la fourniture de ce type de produits à trois autres sociétés. Aux termes de ce contrat, la société productrice s’engage à vendre des produits pharmaceutiques aux trois autres sociétés par l’intermédiaire de la société avec laquelle elle s’est associée. En contrepartie, les trois sociétés débitrices payent un montant annuel minimal à la société de vente de produits pharmaceutiques.

À la suite de divergences quant aux montants des rémunérations, la société de vente de produits pharmaceutiques ouvre conjointement action avec la société de production contre les trois autres sociétés afin d’obtenir le paiement d’arriérés.… Lire la suite

La qualification en droit suisse d’une Parental Guarantee

ATF 149 III 71TF, 23.11.2022, 4A_120/2022*

Le tiers non partie au contrat et au bénéfice d’une stipulation pour autrui parfaite peut se voir imposer des conditions d’exercice de la créance dont il dispose, notamment une élection de for et de compétence. Le contrat qui oblige un tiers à exécuter une obligation en nature ne peut résulter en un cautionnement, même si le bénéficiaire finit par introduire une action tendant au paiement d’une somme.

Faits

Un groupe offre des services en lien avec la technologie de l’information et de la communication. Il est composé d’une société-fille suisse (la recourante) et d’une société-mère, qui a son siège en Allemagne.

En 2015, la société-mère allemande conclut un contrat-cadre avec une entreprise internationale spécialisée dans le développement et l’implantation de systèmes et plateformes « intelligents ». Cette dernière est composée d’une société suisse qui est la société-fille d’une holding néerlandaise, elle-même la société fille d’une société américaine. Ce contrat-cadre vise l’implantation d’un logiciel dans les opérations informatiques du groupe. L’entreprise américaine consent une première « Parental Guarantee of Provider’s ultimate parent » garantissant les obligations de sa fille néérlandaise en faveur de la cliente allemande et de toutes les sociétés de son groupe. La société allemande et les sociétés de son groupe sont désignées comme bénéficiaires de la « Parental Guarantee », mais n’y sont pas parties et ne la contresignent pas. … Lire la suite

L’inclusion de l’indemnité de vacances au salaire global de la travailleuse employée à plein temps

TF, 30.01.23, 4A_357/2022*

Si une travailleuse est employée à plein temps auprès de la même employeuse, une convention prévoyant l’inclusion exceptionnelle du salaire afférent aux vacances dans le salaire global est exclue même lorsque le salaire mensuel de la travailleuse varie.

Faits

Une travailleuse conclut un contrat de travail à plein temps prévoyant notamment une indemnité de vacances calculée en pourcentage du salaire. Après quelques années au service de son employeuse, la travailleuse est licenciée.

A la suite du licenciement, la travailleuse intente une action visant notamment au paiement d’indemnités de vacances et obtient gain de cause devant les autorités cantonales. L’employeuse recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à trancher la question de savoir si l’occupation d’une travailleuse employée à plein temps auprès de la même employeuse et dont le salaire varie mensuellement en raison d’horaires de travail irréguliers permet, en raison de la variation mensuelle du salaire, la conclusion d’un contrat de travail incluant exceptionnellement l’indemnité de vacances au salaire global.

Droit

Selon l’art. 329d CO, l’employeur verse au travailleur le salaire total afférent aux vacances et une indemnité équitable en compensation du salaire en nature (al. 1 – norme semi-impérative). En outre, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages tant que durent les rapports de travail (al.… Lire la suite