La déclaration de compensation devant le Tribunal fédéral

TF, 25.09.2023, 4A_428/2022*

Pour qu’une objection de compensation soit prise en compte par le Tribunal fédéral, elle doit avoir fait l’objet d’une déclaration devant une instance précédente.

Faits

Une société active dans la promotion immobilière et son actionnaire unique concluent, en qualité d’apporteurs, un contrat de base (Grundvertrag) avec un tiers. Les parties conviennent de réaliser deux quasi-fusions ; les apporteurs devant céder à une société appartenant au tiers deux sociétés immobilières, l’une déjà existante, l’autre devant être créée.

En 2014, dans le prolongement du contrat de base, les apporteurs conviennent avec la société appartenant au tiers deux contrats d’apport en nature aux termes desquels la société du tiers reçoit les parts des deux sociétés immobilières moyennant le paiement d’un prix. Ces deux contrats d’apport prévoient que des droits et obligations qui en découlent ne peuvent être cédés que moyennant l’accord écrit préalable des parties. Malgré cette clause de restriction de cessibilité, en 2016, les apporteurs cèdent à une fondation panaméenne des créances dont ils disposent contre la société appartenant au tiers au titre des deux contrats d’apport.

En 2017, les apporteurs et le tiers conviennent d’un contrat de liquidation (Erledigunsvertrag) aux termes duquel ils nomment une experte arbitre pour l’établissement d’un décompte final.… Lire la suite

Compétence du tribunal de commerce et procédure applicable à des prétentions formées après la fin d’un bail

TF, 11.09.23, 4A_263/2023*

La procédure simplifiée n’est pas applicable, au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, aux actions ayant pour objet des prétentions pécuniaires formées après la fin d’un bail, en dehors d’une procédure en consignation, en protection contre les loyers et fermages abusifs, en contestation de la résiliation ou en prolongation du bail.

Faits

Une société d’assurance loue des locaux commerciaux situés à Zurich à une grande enseigne de commerce de détail. Au terme de plusieurs procédures relatives à la fin du contrat de bail, sa reconduction, respectivement sa prolongation au-delà du mois de janvier 2014, la locataire restitue les locaux à la bailleresse en février 2020.

En septembre 2021, la bailleresse introduit une action devant le Handelsgericht de Zurich, concluant au paiement de 44’805’529 francs, correspondant à la différence entre les loyers qu’elle a effectivement perçus durant la période d’occupation litigieuse et la rémunération selon les conditions usuelles du marché pour les surfaces de vente. Par décision du 16 mars 2023, le Handelsgericht déclare la demande irrecevable, faute de compétence matérielle.

Sur recours de la bailleresse, le Tribunal fédéral est amené à déterminer la compétence du Handelsgericht à l’aune de sa jurisprudence relative à l’applicabilité de la procédure simplifiée aux affaires relevant du droit du bail.… Lire la suite

Devoir de renseigner du candidat à l’embauche : quid des problèmes de santé ?

TF, 12.08.2023, 8C_387/2022*

Lors du processus d’embauche, une candidate doit renseigner l’employeur de troubles à la santé dont elle souffre seulement si ces troubles ont un impact sur l’aptitude au poste à repourvoir. De façon analogue, des questions sur l’état de santé de la candidate ne sont admissibles que si elles sont en lien de connexité avec l’aptitude au poste. Néanmoins, si le processus d’embauche prévoit un examen médical, il peut être raisonnablement exigé de la candidate qu’elle informe le médecin-conseil de l’employeur d’une maladie chronique qui pourrait affecter sa capacité de travail sur le long terme.

Faits

Lors du processus d’embauche pour un poste d’assistante à la clientèle auprès des CFF, une candidate doit répondre à un questionnaire et se soumettre à un examen d’aptitude médicale. En relation avec la question « Souffrez-vous actuellement de troubles de la santé ? », les instructions de remplissage du questionnaire précisent que par trouble à la santé « on entend des maladies ou des restrictions qui surviennent de façon répétée et nécessitent un contrôle périodique par un spécialiste médical et/ou une prise de médicaments ». Elles indiquent en outre que d’éventuels troubles à la santé devraient être également mentionnés « même si vous ne subissez pas de douleurs au quotidien et vous vous sentez apte à travailler ».… Lire la suite

Dernier moment pour chiffrer ses conclusions et la cession d’un droit de préemption

TF, 03.07.2023, 4A_145/2023*

Chiffrer la demande au moment des dernières plaidoiries respecte les exigences légales (confirmation de jurisprudence). Des éléments de fait qui figurent au dossier et le comportement des parties suffisent à imputer aux parties une volonté d’autoriser les cessions de droits de préemption.

Faits

En 1985, une propriétaire procède à la division de son terrain en deux parcelles, puis vend l’une des deux à un acheteur. Les deux contractants s’accordent un droit de préemption réciproque sur leur terrain respectif pour une durée de 30 ans. Ledit droit sera annoté au registre foncier pour une durée de 10 ans.

La première propriétaire décède en 1990 ; ses deux filles héritent du terrain de leur mère. De son côté, l’acheteur conclut avec ses deux fils un contrat de cession en vue d’une succession future (Abtretungsvertrag auf Rechnung künftiger Erbschaft). Ils deviennent ainsi propriétaire de la parcelle de leur père.

En 2013, les deux filles vendent leur terrain à une société pour un peu plus de CHF 4’000’000. Une fois informé de la vente, les deux fils exercent leur droit de préemption. En 2016, l’immeuble leur ayant échappé, les deux fils ouvrent action auprès du Regionalgericht de Bern-Mittelland. Ils concluent au transfert de la propriété en leur nom ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts.… Lire la suite

Clause insolite dans les conditions générales d’un contrat informatique

TF, 11.07.2023, 4A_372/2022

Une clause standardisée dans les conditions générales d’un contrat informatique impartissant au client trente jours au maximum pour s’opposer aux prestations facturées au moyen d’un courrier recommandé est insolite, car elle porte sérieusement atteinte à la situation juridique du client. Il en va de même pour une clause prévoyant une indemnité forfaitaire en cas de résiliation par le client sans faute de l’entreprise fournissant le logiciel informatique.

Faits

En 2016, une société active dans la fourniture de logiciels informatiques conclut trois contrats avec une autre entreprise : un contrat de licence en vue de l’utilisation du logiciel, un contrat de prestations de services informatiques pour le développement de logiciels spécifiques adaptés aux besoins du client et un contrat de maintenance. Chaque contrat est accompagné de conditions générales particulières.

L’art. 6 des conditions générales complétant le contrat de prestations de services prévoit (i) un délai maximal de 30 jours incombant au client pour s’opposer aux prestations facturées au moyen d’un courrier recommandé, et (ii) une indemnité forfaitaire de CHF 107’289.- en cas de résiliation du contrat par le client sans faute de l’entreprise.

En 2019, la cliente résilie les contrats avec effet immédiat en raison d’un important dépassement budgétaire et de failles dans la sécurité informatique.… Lire la suite