Décisions contestées de l’AG : application analogique des règles sur les actions propres et prise de décisions de substitution par le tribunal

ATF 147 III 561 |TF, 27.10.2021, 4A_340/2021*

Lorsqu’une fondation de prévoyance est contrôlée par une société dont elle détient des actions, les droits de vote liés à ces actions sont suspendus (art. 659a et 659b CO par analogie), sauf si des mesures organisationnelles garantissent l’indépendance du conseil de fondation. L’actionnaire qui conteste avec succès les décisions irrégulières prises par l’assemblée générale (art. 691 al. 3 et 706 al. 5 CO) peut obtenir non seulement l’annulation des décisions constatées au procès-verbal, mais aussi la validation judiciaire des décisions qui auraient été prises régulièrement (action formatrice), si la véritable issue du vote est claire.

Faits

Trois individus et une fondation de prévoyance détiennent les actions d’une société anonyme. Les trois personnes physiques constituent le conseil d’administration de la société. Deux d’entre elles sont également membres du conseil de fondation de l’institution de prévoyance.

Une des trois personnes convoque une assemblée générale extraordinaire de la société. Elle y représente non seulement les actions dont elle est titulaire, mais aussi celles qui appartiennent à la fondation de prévoyance, en sa qualité de membre du conseil de fondation. Elle exerce ainsi la majorité des droits de vote.

À l’ordre du jour figurent la révocation des deux autres membres du conseil d’administration et l’élection de deux avocats à leur place.… Lire la suite

La conséquence du défaut de paiement d’une provisio ad litem dans la procédure de divorce

ATF 148 III 21TF, 13.09.2021, 5A_568/2020*

Le non-paiement par un époux d’une avance de frais judiciaires en faveur de l’autre époux (provisio ad litem) ne peut être sanctionné par l’irrecevabilité de la demande en divorce.

Faits

En 2017, un époux dépose une demande en divorce devant le Bezirksgericht de Zurich. Sur requête de l’épouse, il est condamné au paiement d’une avance de frais judiciaires (provisio ad litem) d’un montant de CHF 5’000. L’époux ne s’exécute pas spontanément. Par ailleurs, la poursuite intentée par l’épouse pour recouvrer cette créance se révèle infructueuse.

Quelques mois plus tard, le Bezirksgericht impartit à l’époux un nouveau délai pour le versement de la provisio ad litem et le menace de ne pas entrer en matière sur la demande en divorce s’il ne s’exécute pas.

Faute de paiement à l’échéance, le Bezirksgericht rend une décision d’irrecevabilité de la demande en divorce. LObergericht du canton de Zurich confirme cette décision sur appel de l’époux. Saisi d’un recours en matière civile, le Tribunal fédéral doit déterminer si le paiement d’une provisio ad litem est une condition de recevabilité de la demande en divorce (cf. art. 59 CPC).

Droit

L’Obergericht estime que le refus d’entrer en matière à défaut de paiement de la provisio ad litem est justifié au regard de l’art.Lire la suite

La complicité en matière de droit de la concurrence

ATF 148 II 182 | TF, 08.12.2021, 2C_148/2018*

La procédure applicable en matière de droit de la concurrence est une procédure administrative, à laquelle le droit pénal administratif n’est pas applicable. Il est ainsi impossible d’être complice d’une infraction de restriction illicite à la concurrence.

Faits

Plusieurs entreprises pharmaceutiques communiquent au public des listes de prix de vente conseillés pour certains médicaments contre les dysfonctions érectiles, ce qui constitue un accord illicite au sens de l’art. 5 al. 1 en lien avec l’art. 5 al. 4 LCart (cf. ATF 141 II 66). Les parties à l’accord sont sanctionnées par la Commission de la concurrence (COMCO) selon l’art. 49a LCart. Dans sa décision, cette dernière requiert en outre de quatre grossistes en pharmacie (ci-après : les défenderesses) de s’abstenir, dorénavant, de tout acte de complicité en lien avec ces prix publics conseillés (p. ex. transmission, traitement, publication, etc.).

Les grossistes recourent contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, qui admet le recours et annule le considérant litigieux, sur la base de l’art. 3 al. 1 LCart. Le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) forme un recours auprès du Tribunal fédéral.… Lire la suite

La révocation d’un allégement fiscal

ATF 147 II 454 | TF, 03.12.2021, 2C_141/2020, 2C_245/2021*

Lorsque la convention à la base d’un allégement fiscal assortit l’obligation de domiciliation dans le canton après la période d’exonération à des limites temporelles claires, celles-ci sont en principe seules déterminantes quant à la question de la révocation rétroactive de l’allégement fiscal. Ce n’est que si les conditions de l’accord fiscal sont imprécises que l’on peut se référer par analogie aux règles sur le rappel d’impôt (art. 53 LHID).

Faits

En 2004, le Département des finances du canton de Vaud accorde à une société sise à Morges (Monsanto) une exonération fiscale du bénéfice et du capital imposables pour une période de dix ans (2005-2014). L’exonération fiscale est subordonnée à différentes modalités, notamment au maintien du siège de la société dans le canton pendant dix ans à compter de la fin de l’exonération, soit jusqu’en 2024. Dans le contexte d’une réorganisation du groupe commercial entamée en 2018, la société cesse ses activités à Morges et transfère son siège à Bâle en 2020.

Dans l’intervalle, en 2019, le Conseil d’Etat du canton de Vaud révoque avec effet rétroactif l’exonération accordée pour les périodes fiscales 2005 à 2014 et décide de percevoir les impôts économisés d’un montant de CHF 34’000’000.… Lire la suite

La restitution du délai pour recourir au Tribunal fédéral

ATF 149 IV 97 | TF, 22.11.2021, 6B_1079/2021*

Même une condamnation lourde prononcée en appel ne suffit pas à justifier la restitution du délai de recours au sens de l’art. 50 al. 1 LTF. Le Tribunal fédéral fait une interprétation stricte de cette norme, indépendante du domaine du droit et des points attaqués.

Faits

Le Tribunal cantonal vaudois rejette l’appel formé par un prévenu contre le jugement le condamnant notamment à une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis durant cinq ans et prononçant son expulsion de Suisse pour cinq ans.

Le défenseur du prévenu introduit un recours en matière pénale contre le jugement du Tribunal cantonal avec un jour de retard. Le Tribunal fédéral est dès lors amené à se prononcer sur la recevabilité du recours.

Droit

L’art. 50 al. 1 LTF dispose que si, pour un autre motif qu’une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé.

Le Tribunal fédéral rappelle qu’une partie doit se laisser imputer la faute de son avocat·e (ATF 143 I 284, résumé in LawInside.ch/449/).… Lire la suite