La désignation d’un office des poursuites “leader” chargé d’exécuter le séquestre sur tout le territoire suisse

ATF 148 III 138 | TF, 01.02.2022, 5A_1000/2020*

Lorsque des valeurs patrimoniales doivent être séquestrées dans différents arrondissements de poursuite, l’art. 275 LP ne s’oppose pas à la désignation d’un seul office des poursuites « leader » chargé d’exécuter le séquestre dans toute la Suisse. L’office « leader » requiert l’entraide des offices locaux pour exécuter le séquestre de biens situés hors de son arrondissement.

Faits

En 2017, l’Administration des impôts du canton de Zurich prononce une décision de sûretés à hauteur de CHF 140’000’000.- à l’encontre d’un couple.

Sur la base de cette décision, elle rend une ordonnance de séquestre dans laquelle elle désigne des valeurs patrimoniales se trouvant dans différents arrondissements de poursuite. Parallèlement, elle nomme l’office des poursuites de Maloja (GR) en qualité de « leader » de l’exécution du séquestre. A cet effet, elle le charge de coordonner l’exécution du séquestre en requérant l’entraide auprès des offices des poursuites compétents.

Après s’être exécuté conformément à l’ordonnance précitée, l’office des poursuites de Maloja communique les procès-verbaux de séquestre au représentant du couple.

Le couple forme alors une plainte à l’encontre des procès-verbaux, laquelle est rejetée par la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal cantonal des Grisons, agissant en qualité d’autorité de surveillance.… Lire la suite

Proposer de retirer un avis Google négatif en cas d’accord amiable, une tentative de contrainte ?

TF, 11.01.2022, 6B_150/2021

Le maintien en ligne d’un avis Google négatif ne constitue pas un désavantage sérieux apte à entraver la liberté de décision de la personne visée. Celle ou celui qui offre de retirer un tel avis moyennant accord financier ne se rend dès lors pas coupable de tentative de contrainte. 

Faits

Deux avocats, un associé et un collaborateur, représentent une cliente dans une procédure judiciaire. Ils ratent le délai de recours.

La mandante, très mécontente, publie sur Google l’avis suivant concernant l’étude d’avocat-e-s : “Moins cinq étoiles. Comportement très incompétent du chef en particulier. A manqué le délai d’appel et rejette la faute sur le client. Quand il s’est rendu compte de l’erreur, il envoie d’abord la facture. Au final, on se retrouve avec des milliers de francs de frais et d’honoraires… Je vais mettre tout le monde en garde ! ! !” (traduction libre).

Elle indique ensuite à ses avocats être disposée à retirer l’avis Google si un arrangement est trouvé concernant le paiement des honoraires.

L’un des associés fondateurs de l’étude, qui n’a pas été impliqué dans la procédure concernée mais dont le nom figure dans la raison sociale, porte plainte pénale. La cliente est acquittée en première instance, mais condamnée sur appel de l’avocat.… Lire la suite

La détermination du for du lieu d’exécution de l’art. 5 par. 1 CL en présence d’une dette quérable

ATF 148 III 50 | TF, 27.01.2022, 4A_449/2021*

Lorsque les parties à une vente mobilière conviennent que l’objet du contrat sera mis à disposition de l’acquéreur au siège du vendeur (dette quérable), le for du lieu d’exécution au sens de l’art. 5 par. 1 let. b CL se trouve également en ce lieu. 

Faits

Une société suisse et une société néerlandaise concluent un contrat de vente mobilière. Les parties conviennent que l’objet de la vente sera mis à disposition de l’acquéreur au siège du vendeur, soit au siège de la société suisse. Dans ce contexte, la société néerlandaise mandate une société de transport afin d’acheminer la marchandise aux Pays-Bas. 

Ultérieurement, un litige naît entre les parties au sujet de la livraison. La société suisse prétend que le prix de vente n’a pas été payé, alors que la société néerlandaise conteste avoir reçu la marchandise convenue contractuellement.

En 2021, la société suisse ouvre action en paiement devant le Handelsgericht du canton de Zurich. Dans sa réponse, la société néerlandaise soulève l’exception d’incompétence du tribunal à raison du lieu. Par ordonnance, le Handelsgericht rejette cette exception.

La société néerlandaise forme alors un recours au Tribunal fédéral. Elle conclut à l’incompétence du Handelsgericht.… Lire la suite

La légitimation passive dans le cadre d’une action en modification d’une contribution d’entretien (art. 289 al. 2 CC)

ATF 148 III 296 | TF, 12.01.2022, 5A_69/2020*

Contrairement à la jurisprudence qui prévalait jusqu’alors, la collectivité publique qui assume l’entretien de l’enfant (art. 289 al. 2 CC) ne doit plus être mise en cause dans une action en modification d’une contribution d’entretien. L’action peut être intentée contre l’enfant seul·e.

Faits

Un couple non marié a deux enfants, nés en 2006 et 2008. À la suite de la séparation des parents, le père s’engage, par des conventions datant de 2007 et 2008, à verser des contributions mensuelles à ses enfants. En 2015, il ouvre action contre ses enfants pour demander une réduction des montants prévus par ces conventions. Par suite d’une demande de la mère, le service social du Haut-Emmental avance les contributions d’entretien à partir du 1er mai 2016.

Le Regionalgericht limite la procédure à la question de la légitimation passive. Il l’admet pour la période allant de novembre 2015 à avril 2016, mais constate qu’elle fait défaut à partir du 1er mai 2016. Selon le Regionalgericht, à partir de mai 2016, ce sont les services sociaux qui devaient être recherchés. Le père fait appel auprès de l’Obergericht. Ce dernier nie la légitimation passive pour la période allant du 1er mai 2016 jusqu’à la date de son propre jugement, soit le 18 décembre 2019, et renvoie l’affaire à l’instance inférieure pour statuer sur la période suivante.… Lire la suite

L’interdiction de manifester face à la liberté de réunion : la condamnation de la Suisse par la CourEDH

CourEDH, 15.03.2022, Affaire Communauté Genevoise d’action syndicale (CGAS) c. Suisse,  requête no 21881/20

Malgré l’importance et le but des mesures sanitaires durant la pandémie de Covid-19 en 2020, une interdiction totale de manifester durant un laps de temps important, avec des menaces de sanctions pénales sévères en cas de non-respect, n’est pas proportionnée. Une telle ingérence contrevient à la liberté de réunion et d’association (art. 11 CEDH).

Faits

Le 13 mars 2020, le Conseil fédéral adapte l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (O.2 Covid-19). Celle-ci interdit les manifestations publiques ou privées de plus de 100 personnes, maintenant toutefois la possibilité d’une dérogation éventuellement accordée par l’autorité cantonale (art. 7 let. a O.2 Covid-19). Le 17 puis le 20 mars 2020, le Conseil fédéral durcit les mesures de l’ordonnance. Les manifestations publiques ou privées sont interdites, les rassemblements limités à maximum 5 personnes dans l’espace public et la possibilité d’obtenir une dérogation pour les manifestations ayant pour but l’exercice de droits politiques est exclue. Comme sanction, l’ordonnance prévoit jusqu’à 3 ans de peine privative de liberté. Ces interdictions restent en vigueur jusqu’au 30 mai 2020, date à laquelle des manifestations de maximum 30 personnes sont à nouveau autorisées.… Lire la suite