L’interdiction de manifester face à la liberté de réunion: la condamnation de la Suisse par la CourEDH

CourEDH, 15.03.2022, Affaire Communauté Genevoise d’action syndicale (CGAS) c. Suisse,  requête no 21881/20

Malgré l’importance et le but des mesures sanitaires durant la pandémie de Covid-19 en 2020, une interdiction totale de manifester durant un laps de temps important, avec des menaces de sanctions pénales sévères en cas de non-respect, n’est pas proportionnée. Une telle ingérence contrevient à la liberté de réunion et d’association (art. 11 CEDH).

Faits

Le 13 mars 2020, le Conseil fédéral adapte l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (O.2 Covid-19). Celle-ci interdit les manifestations publiques ou privées de plus de 100 personnes, maintenant toutefois la possibilité d’une dérogation éventuellement accordée par l’autorité cantonale (art. 7 let. a O.2 Covid-19). Le 17 puis le 20 mars 2020, le Conseil fédéral durcit les mesures de l’ordonnance. Les manifestations publiques ou privées sont interdites, les rassemblements limités à maximum 5 personnes dans l’espace public et la possibilité d’obtenir une dérogation pour les manifestations ayant pour but l’exercice de droits politiques est exclue. Comme sanction, l’ordonnance prévoit jusqu’à 3 ans de peine privative de liberté. Ces interdictions restent en vigueur jusqu’au 30 mai 2020, date à laquelle des manifestations de maximum 30 personnes sont à nouveau autorisées.… Lire la suite

La portée et les limites de l’art. 20A LPA/GE

TF, 19.10.2021, 2C_444/2021

L’art. 20A LPA/GE ne permet pas aux autorités et juridictions administratives d’ordonner aux parties de garder secrets des éléments dont elles avaient connaissance avant l’ouverture de la procédure ou de l’enquête administrative. Seuls les éléments acquis dans le cadre de ces procédures sont visés.

Faits

Deux petites filles scolarisées dans une école privée (l’Ecole) sont victimes de comportements agressifs et d’actes de violence de la part de deux camarades. Leurs parents signalent à plusieurs reprises ces faits à la direction de l’Ecole.

Par la suite, les parents interpellent le Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse de la République et canton de Genève (le Département) à ce sujet, en déplorant que l’Ecole n’ait mis en place aucun suivi, ni pris aucune mesure adéquate et en sollicitant l’ouverture d’une instruction.

Le Département répond avoir été informé que l’Ecole avait entrepris un certain nombre de démarches. Sur la base des éléments qui lui ont été transmis, il estime que l’Ecole a respecté les dispositions légales et réglementaires relatives à l’enseignement privé.

Les parents contestent alors cette appréciation et demandent au Département de constater la violation par l’Ecole de ses obligations.

Par décision, le Département constate que l’Ecole n’a pas violé ses obligations.… Lire la suite

L’achat de parcelles en zone agricole pour protéger le hibou petit-duc

ATF 147 II 385 | TF, 27.10.2021, 2C_1069/2020*

Un « objet » au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR n’a besoin ni d’être digne de protection ni situé en zone protégée pour constituer une exception au principe de l’exploitation personnelle. Il suffit qu’il soit un objet relevant de la protection de la nature. Une espèce animale menacée ainsi que son biotope sont des objets qui relèvent de la protection de la nature au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR.

Faits

La station ornithologique suisse de Sempach se voit adjuger aux enchères dix-huit parcelles sur une commune valaisanne, en majeure partie en zone agricole. L’objectif de l’achat est de protéger et conserver le hibou petit-duc ainsi que le biotope dans lequel il évolue. Deux des parcelles sont soumises à une autorisation d’acquérir au sens de l’art. 61 LDFR en raison de leur surface supérieure à 2’500 m2. Tant le chef du Service juridique des affaires économiques que le Conseil d’Etat du canton du Valais rejettent la demande d’autorisation d’acquérir. Le Tribunal cantonal du Valais admet le recours de la station ornithologique et invite le Service à délivrer l’autorisation d’acquérir. L’Office fédéral de la justice recourt au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’acquérir lorsqu’un immeuble agricole n’est pas exploité à titre personnel.… Lire la suite

Le droit de distribution exclusif de livres et la concurrence avec la vente en ligne

ATF 148 II 25 | TF, 21.12.2021, 2C_43/2020*

Les accords conclus par une entreprise peuvent constituer des accords illicites cloisonnant un certain marché même s’il existe en parallèle des canaux de vente en ligne (p. ex. Amazon), lorsque ceux-ci ne constituent pas une alternative crédible d’approvisionnement pour ses clients.

Faits

Dargaud (Suisse) SA appartient à la société française Dargaud FR, elle-même détenue par la société Media Participations Paris SA, qui chapeaute les différentes entités du groupe commercial Media Participations (ci-après: le groupe MP). Ce dernier rassemble plusieurs sociétés actives dans le milieu de l’édition, de la diffusion et de la distribution de livres en français.

Dargaud (Suisse) SA diffuse et distribue en priorité les livres d’éditeurs appartenant au groupe MP, mais elle offre également ses services à d’autres. Entre 2005 et 2011, elle obtient le droit exclusif de diffuser et de distribuer en Suisse plusieurs dizaines d’éditeurs externes au groupe MP.

Suite à une enquête de la Commission de la concurrence (COMCO), Dargaud (Suisse) SA est condamnée au paiement d’une sanction de CHF 1’650’000.- en application des art. 49a al. 1, 5 al. 4 et 5 al. 1 LCart. De plus, la COMCO lui interdit d’entraver par des contrats de distribution et/ou de diffusion les importations parallèles de livres rédigés en français par tout détaillant actif en Suisse, et la condamne au paiement à titre solidaire de CHF 760’150.-… Lire la suite

La complicité en matière de droit de la concurrence

ATF 148 II 182 | TF, 08.12.2021, 2C_148/2018*

La procédure applicable en matière de droit de la concurrence est une procédure administrative, à laquelle le droit pénal administratif n’est pas applicable. Il est ainsi impossible d’être complice d’une infraction de restriction illicite à la concurrence.

Faits

Plusieurs entreprises pharmaceutiques communiquent au public des listes de prix de vente conseillés pour certains médicaments contre les dysfonctions érectiles, ce qui constitue un accord illicite au sens de l’art. 5 al. 1 en lien avec l’art. 5 al. 4 LCart (cf. ATF 141 II 66). Les parties à l’accord sont sanctionnées par la Commission de la concurrence (COMCO) selon l’art. 49a LCart. Dans sa décision, cette dernière requiert en outre de quatre grossistes en pharmacie (ci-après : les défenderesses) de s’abstenir, dorénavant, de tout acte de complicité en lien avec ces prix publics conseillés (p. ex. transmission, traitement, publication, etc.).

Les grossistes recourent contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, qui admet le recours et annule le considérant litigieux, sur la base de l’art. 3 al. 1 LCart. Le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) forme un recours auprès du Tribunal fédéral.… Lire la suite