Le licenciement abusif pour discrimination et la mention du congé-maternité dans le certificat de travail

ATF 144 II 345 | TF, 17.09.2018, 8C_134/2018*

Le licenciement qui suit le déclenchement par l’employé d’une procédure interne pour discrimination ne constitue pas nécessairement un licenciement abusif. En outre, lorsqu’un employé est absent pendant une période de temps considérable par rapport à la durée totale de la relation de travail, l’employeur peut mentionner cette absence ainsi que le motif de celle-ci, tel qu’un congé-maternité, dans le certificat de travail.

Faits

Une employée commence à travailler en tant que greffière auprès du Tribunal administratif fédéral en mars 2014. Du 30 avril au 1er octobre 2014, du 2e juillet au 31 août 2015 et à partir du 12 novembre 2015, elle est absente en raison d’une maladie et d’un congé-maternité. En parallèle, en juin 2015, l’employée initie une procédure interne pour discrimination. L’employeur découvre que l’employée a préparé et passé les examens d’avocat pendant son absence. Considérant que l’employée était incapable de travailler uniquement à sa place de travail actuelle, mais qu’elle aurait pu exercer d’autres tâches, l’employeur lui demande de se présenter au travail pour un autre poste. L’employée refuse pour des motifs de santé. Après l’avoir avertie une deuxième fois, l’employeur résilie de manière immédiate le contrat de travail par décision du 25 mai 2016.… Lire la suite

La contestation du loyer initial en matière d’immeuble ancien

ATF 144 III 514 TF, 13.09.2018, 4A_400/2017*

Un immeuble est qualifié d’ancien lorsque sa construction ou sa dernière acquisition est de 30 ans au moins au moment du début du bail. Dans un tel cas, le bailleur peut se fonder sur le critère des loyers usuels de la localité, et non pas sur le calcul du rendement net, afin qu’il soit déterminé si le loyer initial est abusif.

Faits

En 2014, un bailleur institutionnel et un locataire concluent un contrat portant sur le bail d’un appartement situé dans un immeuble à Genève. L’immeuble a été acquis par le bailleur en 1982. Les parties divergent sur son année de construction.

Le locataire initie une action en contestation du loyer initial, laquelle est rejetée par le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Qualifiant l’immeuble d’ancien, le Tribunal a considéré qu’il n’y a pas à procéder à un calcul de rendement. Sur la base de statistiques dont l’application résulte du critère des loyers usuels de la localité, le loyer contesté ne serait pas abusif.

Le locataire forme appel à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice. Celle-ci considère que l’immeuble ne peut être qualifié d’ancien.… Lire la suite

Rétrocessions : la violation du devoir de rendre compte en tant qu’acte de gestion déloyale

ATF 144 IV 294 TF, 14.08.2018, 6B_689/2016*

Le gérant de fortune a un devoir accru et qualifié de rendre compte (art. 400 al. 1 CO), propre à fonder une position de garant envers son mandant. De ce fait, s’il viole son obligation de rendre compte au client au sujet des rétrocessions il peut, selon les circonstances, se rendre coupable de gestion déloyale (art. 158 CP).

Faits

Suite à la crise des marchés financiers de 2007, un gérant de fortune dissimule les pertes subies par certains des patrimoines qu’il a sous gestion en adressant à ses clients des relevés de compte falsifiés. De plus, il liquide partiellement les avoirs investis de certains clients afin d’en rembourser d’autres.

La banque dépositaire prélève des commissions sur les avoirs des clients et les rétrocède partiellement au gérant. Celui-ci n’informe pas les clients de ces rétrocessions et rétributions, et il ne leur reverse pas non plus les sommes relatives.

Pour ces faits (et d’autres faits non résumés ici), le gérant est reconnu coupable d’abus de confiance,  gestion déloyale, faux dans les titres, blanchiment d’argent avec circonstance aggravante et usage de faux fiscal.

En appel, le gérant demande à être acquitté des préventions de gestion déloyale et de blanchiment d’argent.… Lire la suite

L’admissibilité d’une peine conventionnelle pour violation des obligations de l’employé

ATF 143 III 327 | TF, 07.05.2018, 4A_579/2017*

Une peine conventionnelle prévue en cas de violation des obligations de l’employé rentre dans le champ d’application de l’art. 321e CO si elle a pour but de compenser l’éventuel dommage qui en résulte pour l’employeur. Sous peine de nullité, elle ne peut alors avoir pour effet de durcir le régime de responsabilité prévu par cette disposition, par exemple en instaurant une responsabilité indépendante de toute faute ou de la survenance d’un dommage. 

Faits

En avril 2011, un médecin est engagé en qualité de responsable d’un cabinet médical. Le contrat de travail le liant à la société employeuse prévoit une clause pénale ayant la teneur suivante : « En cas de violations du contrat, et en particulier de l’interdiction de faire concurrence et du devoir de confidentialité, l’employé doit à l’employeur une peine conventionnelle de CHF 50’000 pour chaque violation du contrat. […]. Dans tous les cas, le paiement de la peine conventionnelle n’empêche pas l’employeur de demander le rétablissement de l’état conforme au contrat ou la réparation du dommage supplémentaire  ». En novembre de la même année, le médecin présente sa démission.

En 2014, la société ouvre action contre le médecin en réclamant le paiement de CHF 150’000 à titre de peine conventionnelle, ainsi que CHF 10’000 pour des coûts divers.… Lire la suite

L’interprétation objective du contrat

ATF 144 III 93 | TF, 22.01.2018, 4A_635/2016*

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – il doit recourir à l’interprétation normative (ou objective).

Faits

Un homme et une femme vivent en couple entre 1988 et 1999 sans pour autant faire ménage commun. La compagne a toujours été indépendante financièrement. À compter de janvier 1997, elle souffre d’une hernie discale si bien qu’elle doit prendre une retraite anticipée en 1999 alors qu’elle a 58 ans. Du fait de cette retraite anticipée, elle touche une rente mensuelle de CHF 5’000, contre CHF 7’000 si elle avait pu travailler jusqu’à ses 62 ans.

En septembre 1997, la compagne achète une villa. Son compagnon lui transfère un montant d’environ CHF 650’000 pour procéder à cet achat. En 2000, le couple se sépare et la compagne quitte le domicile conjugal. Trois ans plus tard, elle vend sa villa. Son ex-compagnon lui réclame alors le remboursement des CHF 650’000 qu’il lui avait versés expliquant qu’il s’agissait d’un prêt. La compagne refuse au motif qu’il s’agit d’une donation.

Le compagnon ouvre action devant les autorités vaudoises lesquelles, tant en première instance qu’en appel le déboutent au motif qu’il a échoué à prouver que sa compagne avait une obligation de restitution.… Lire la suite