Le scandale du dieselgate et la notion de dommage

TF, 09.05.2023, 4A_17/2023

En droit suisse, la notion de dommage s’apprécie en application de la théorie de la différence qui se fonde sur l’état du patrimoine à deux moments précis. Ainsi, à défaut de perte patrimoniale, il n’y a pas de dommage. En ce sens, les dommages dits normatifs ne sont pas réparés en droit suisse, excepté le dommage ménager et l’aide gratuite apportée par les proches. Toute autre conception « normative » est exclue. En particulier, le fait d’avoir conclu un contrat qui n’aurait raisonnablement pas été conclu en toute connaissance de cause ne fonde pas un dommage.

Faits 

En 2010, une femme (la recourante) achète un véhicule d’une marque connue, équipé d’un moteur diesel. Ce véhicule a été fabriqué par une filiale sise en Suisse dont la société mère a son siège en Allemagne (la société intimée). Par communiqué officiel en 2015, la société intimée indique que certains de ses véhicules équipés d’un moteur diesel présentent des écarts significatifs entre les données officielles relatives aux émissions de CO2 et celles de conduite réelle. Quelque temps plus tard, elle met à disposition des détenteurs de véhicules concernés un logiciel gratuit permettant de les mettre aux normes. La recourante n’installe toutefois pas ce logiciel sur son véhicule, qui est alors interdit de circulation en 2018.Lire la suite

Les travaux couverts par l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

ATF 149 III 451 | TF, 06.04.23, 5A_689/2022*

L’élargissement du champ d’application de l’art. 837 al. 1 ch. 3 CC (hypothèque légale des artisans et entrepreneurs) suite à la révision du CC entrée en vigueur en 2012 est à interpréter de manière restrictive, contrairement à ce qui prévalait dans l’obiter dictum de ATF 136 III 6, c. 6. Le législateur a souhaité étendre la couverture de manière ponctuelle à certains types de travaux qui, sans être intégrés à l’ouvrage global en tant que tel, participent au processus global de construction et sont indispensables à celui-ci. En ce qui concerne le simple transport de matériaux, celui-ci ne bénéficie pas de l’hypothèque, sauf si les matériaux forment une unité avec d’autres travaux qui, eux, donnent lieu à l’hypothèque.

Faits

Une société propriétaire d’une parcelle à Genève confie à une entreprise générale de construction l’exécution de trois villas. À la demande de l’entreprise générale, une entreprise sous-traitante intervient à plusieurs reprises sur le chantier entre mai 2016 et octobre 2017, pour du transport de matériaux et de déblais, des travaux de creuse et de remblayage, ainsi que des travaux sur une rampe d’accès, en exécution de plusieurs contrats successifs.… Lire la suite

Le port du bracelet électronique et la liberté personnelle

ATF 149 III 193 | TF, 02.02.2023, 5A_881/2022*

Le port du bracelet électronique (art. 28c CC) doit respecter les conditions de l’art. 36 Cst. Il renforce la protection de la victime avec un effet dissuasif et permet d’apporter des preuves supplémentaires en cas de violation de la mesure ordonnée (art. 28b CC). Partant, il peut être ordonné même lorsqu’un risque que l’auteur passe néanmoins à l’acte subsiste.

Faits

La Présidente de la Section civile du Tribunal régional du Jura bernois-Seeland prononce le divorce de deux époux. Elle fait également interdiction à l’ex-époux de prendre contact avec son ex-épouse ainsi que d’approcher à moins de 300 mètres du domicile de celle-ci et de leurs enfants. L’ex-épouse dépose une requête d’exécution des mesures de protection en demandant que le port d’un bracelet électronique soit ordonné.

Les instances cantonales rejettent la demande au motif que la mesure de protection serait inadéquate au vu du comportement de l’ex-époux (mépris face aux injonctions des autorités et domicile inconnu, ce qui indiquait que le port d’un bracelet ne l’empêcherait pas de passer à l’acte). L’ex-épouse interjette alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le port du bracelet électronique est en adéquation avec le but visé par l’art.Lire la suite

La prise en compte globale des contributions de prise en charge et d’entretien du conjoint en appel

TF, 05.12.2022, 5A_60/2022*

En cas de réduction de la contribution de prise en charge de l’enfant, il n’est pas arbitraire d’augmenter dans la même mesure la contribution d’entretien due au conjoint même si celle-ci est non contestée dans l’appel interjeté par le parent débiteur.

Faits

En 2018, un couple se marie. Leur fille naît la même année. En octobre 2020, l’épouse saisit le Kantonsgericht de Zoug d’une demande de mesures protectrices de l’union conjugale. Elle demande en particulier que son époux lui verse, pour elle et sa fille, une contribution d’entretien mensuelle de près de CHF 10’000.

La juge unique accorde notamment une contribution d’entretien mensuelle de CHF 7’400 en faveur de la fille du couple. Sur appel du seul époux, l’Obergericht réduit le montant des contributions dues à l’enfant, mais prévoit en revanche une contribution d’entretien pour l’épouse, qui augmente au fur et à mesure que celle due à l’enfant diminue.

L’époux exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il est arbitraire, en cas de réduction d’une contribution due à l’enfant, d’augmenter dans la même mesure la contribution d’entretien due au conjoint alors que celle-ci n’est pas contestée par le parent débiteur.… Lire la suite

Sources publiques, sources privées

TF, 08.12.2022, 5A_420/2022*

Il appartient aux cantons de déterminer dans quels cas, en dérogation au principe de l’accession, les sources et cours d’eau sont considérés comme publics au sens de l’art. 664 al. 1 CC. Une source reste toutefois privée (art. 704 al. 1 CC) lorsqu’elle ne forme pas immédiatement un cours d’eau.   

Faits

Les copropriétaires d’une parcelle située dans la commune de Brigue-Glis font constater par le Tribunal de district de Brigue qu’ils sont propriétaires d’une source qui en jaillit. Sur appel de la commune, le Tribunal cantonal valaisan annule le jugement de première instance et constate que la source litigieuse appartient au domaine public.

Les copropriétaires recourent au Tribunal fédéral, qui est amené à clarifier les conditions auxquelles une source peut être qualifiée de publique.

Droit

En vertu du principe de l’accession, les sources sont en principe une partie intégrante des fonds desquels elles jaillissent. En règle générale, la propriété du fonds s’étend donc aux sources (art. 667 al. 2 et 704 al. 1 CC). En revanche, aux termes de l’art. 664 al. 2 CC, les eaux publiques ne font, sauf preuve contraire, pas l’objet d’une propriété privée.… Lire la suite