Le sort des réserves de cotisation de l’employeur en cas de divorce

 

ATF 146 III 73 | TF, 11.12.2019, 5A_130/2019*

Les réserves de cotisation de l’employeur ne doivent en principe pas être incluses dans le partage des prestations de sorties. De telles réserves peuvent en revanche influencer la valeur de la société qui les a constituées, et donc influencer la valeur de la masse des acquêts ou des fonds propres du propriétaire des titres de cette société.

Faits

Après 22 ans de mariage, une épouse demande le divorce. Son époux est alors l’employé d’une société anonyme dont il est également actionnaire ainsi que l’un des trois membres du conseil d’administration. La société anonyme a constitué des réserves de cotisation de l’employeur importantes (c’est-à-dire des versements anticipés des contributions LPP dues à la caisse de pension). Le couple était marié sous le régime de la participation aux acquêts.

Au titre de partage des avoirs de prévoyance professionnelle, le Tribunal chargé de prononcer le divorce ordonne à la caisse de pension de l’époux de verser sur le compte de libre passage de l’épouse un montant d’environ CHF 280’000. Au titre de liquidation du régime matrimonial, il ordonne à l’époux de verser à son épouse un montant de CHF 320’000. Sur appel des deux parties, la Cour suprême du canton de Soleure modifie légèrement les deux montants précités.… Lire la suite

Le placement à des fins d’assistance d’une personne présentant un danger pour les tiers

ATF 145 III 441  | TF, 28.10.2019, 5A_407/2019*

Un placement à des fins d’assistance ne peut pas être ordonné au seul motif que la personne concernée présente un danger pour les tiers. Une telle mesure n’est possible que si les conditions sont clairement définies dans la loi, ce qui n’est à ce jour pas le cas en Suisse.

Faits

Un prévenu est condamné pénalement. Dans le prolongement de cette condamnation, l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de la Haute-Argovie (APEA) le place dans une institution au sens de l’art. 426 CC. L’APEA assortit cette mesure de placement de nombreuses restrictions s’agissant notamment des sorties autorisées.

L’intéressé conteste cette mesure de placement auprès de l’Obergericht du canton de Berne, lequel rejette son recours au motif qu’il présente un réel danger pour les tiers, raison pour laquelle un placement à des fins d’assistance s’impose. L’Obergericht se fonde essentiellement sur des expertises psychiatriques constatant les nombreux troubles de la personnalité du recourant et le danger qu’il pourrait représenter pour des tiers.

Le recourant forme ainsi un recours en matière civile au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si les conditions du placement à des fins d’assistance sont en l’espèce remplies.… Lire la suite

Le secret bancaire s’oppose-t-il à l’information des héritiers ?

TF, 18.07.2019, 4A_522/2018

Le droit du défunt au maintien de sa sphère privée s’oppose à ce que l’héritier connaisse l’identité du bénéficiaire d’un virement fait par le de cujus, à moins que l’héritier réservataire puisse prouver que sa réserve a été lésée (art. 522 ss CC) ou que l’héritier légal puisse prouver qu’il dispose d’un droit au rapport et au partage (art. 626 CC).

Faits

Une cliente d’une banque, dont la fortune s’élève à plus de EUR 13 millions, donne pour ordre à sa banque de procéder à un virement à hauteur de EUR 500’000. L’ordre est également signé par sa fille. Quelques années plus tard, la cliente décède à Madrid.

Sur requête d’un des héritiers de la cliente, la banque fournit les relevés du compte bancaire de la défunte, mais non l’identité du bénéficiaire du virement des EUR 500’000, en raison de l’opposition de celui-ci à la levée du secret bancaire à son égard.

Des héritiers réservataires déposent une action en reddition de compte auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève afin que l’identité du bénéficiaire leur soit communiquée. Tant la première instance que la Cour de justice considèrent que le bénéficiaire du virement peut se prévaloir du secret bancaire pour s’opposer à la communication de son identité aux héritiers.… Lire la suite

La réparation du préjudice causé à un avocat par un article de presse

TF, 22.8.2019, 5A_562/2018

L’existence d’un intérêt public à la publication d’un article n’implique pas qu’il soit licite de révéler l’identité de la personne concernée.

Les actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral de l’art. 28a al. 3 CC sont indépendantes par rapport à l’action de l’art. 28a al. 1 CC. Dès lors, la réparation du préjudice fondée sur cette norme ne nécessite pas la formulation d’une conclusion en cessation ou en constatation de l’atteinte, même implicite.  

Faits

En décembre 2012, un journal tessinois fait paraître un article, ensuite repris par d’autres médias, selon lequel un avocat du canton se trouverait dans la tourmente après avoir été mêlé à la conclusion d’un « contrat suspect ». En février 2013, le même journal relaie un communiqué du ministère public selon lequel les soupçons visant l’avocat se sont en définitive révélés sans fondement.

L’avocat ouvre action contre diverses personnes physiques et morales impliquées dans la publication de décembre 2012 pour tenter d’obtenir une réparation de son préjudice.

Ses prétentions ayant été rejetées par les instances cantonales, l’avocat recourt devant le Tribunal fédéral, qui examine l’existence d’une atteinte illicite à la personnalité du recourant.

Droit

Aux termes de l’art.Lire la suite

Le calcul des intérêts moratoires pour les contributions d’entretien du droit de la famille

ATF 145 III 345TF, 30.04.2019, 5A_579/2018*

Les contributions d’entretien du droit de la famille sont des arrérages au sens de l’art. 105 al. 1 CO. Partant, le débiteur de contributions d’entretien en demeure ne doit l’intérêt moratoire qu’à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice.

Faits

En 2013, l’Obergericht bernois condamne un débiteur à verser à sa créancière une contribution d’entretien de CHF 3’000 payable tous les mois en avance. Dans le contexte d’une procédure de poursuite, le Zivilgericht du canton de Bâle-Ville prononce la mainlevée définitive pour les contributions d’entretiens non payées. Ce tribunal fixe la date de départ des intérêts moratoires à la date d’échéance de ces créances, soit au début de chaque mois.

Sur appel du débiteur, l’Appelationsgericht du canton Bâle-Ville confirme la décision de première instance. Le débiteur recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer à partir de quand l’intérêt moratoire pour des contributions d’entretien échues commence à courir.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que le débiteur en demeure d’arrérages (« Renten ») ne doit l’intérêt moratoire qu’à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice (art.Lire la suite