Publications par Johann Melet

La responsabilité civile de l’organe d’une société en cas d’inaction procédurale 

TF, 18.03.2025, 4A_506/2024 

L’omission par un administrateur de défendre en justice sa société peut constituer un manquement à son devoir de diligence et engager sa responsabilité au sens de l’art. 754 CO. Lorsque l’omission résulte d’un choix conscient, l’administrateur prend une décision de gestion qui doit être analysée selon les critères de la business judgment rule.

Faits 

Afin de simplifier la compréhension des faits particuliers du cas d’espèce, un schéma vous est proposé ci-dessous :

En 2012, un maître d’ouvrage charge une société active dans le domaine de la protection contre les incendies de poser des panneaux d’isolation coupe-feu dans le cadre d’un projet de construction. La société confie la direction des travaux à une société mandataire et attribue la pose des panneaux à un sous-traitant. 

Plusieurs mois après l’exécution des travaux, certains panneaux d’isolation coupe-feu se détachent des murs et des plafonds. En effet, le sous-traitant ne les avait pas correctement fixés. La société de protection incendie s’acquitte d’un prix de réfection s’élevant à CHF 1’520’000.  

En 2014, la société de protection incendie agit contre la société mandataire pour un montant de CHF 40’000 devant le Bezirksgericht de Willisau, estimant que cette dernière a mal dirigé les travaux.Lire la suite

La validité des restrictions cantonales à la location de personnel en matière de marchés publics

TF, 30.01.2025, 2C_587/2023*

Les cantons peuvent édicter des normes visant à restreindre l’usage de la location de personnel en matière de marchés publics, pour autant qu’elles se limitent à concrétiser les critères d’aptitude prévus par l’art. 63 al. 4 AIMP. Ces restrictions ne doivent pas s’appliquer de manière systématique, mais être justifiées en fonction des exigences spécifiques de chaque marché public.

Faits

Le 5 septembre 2023, le Grand Conseil neuchâtelois adopte un décret formalisant l’adhésion du canton à l’accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP) ainsi qu’une nouvelle loi cantonale sur les marchés publics (LCMP/NE).

Cette loi prévoit la possibilité pour l’autorité adjudicatrice de limiter ou d’exclure le recours à la location de personnel (art. 9 al. 1 LCMP/NE). De plus, elle fixe une proportion maximale de travailleurs temporaires admissible pour la réalisation d’un marché de construction (art. 10 LCMP/NE). Cette proportion est de deux travailleurs intérimaires pour 1 à 3 employés fixes, 3 travailleurs temporaires pour  4 à 6 employés fixes, et ainsi de suite jusqu’à un maximum de 20% de travailleurs intérimaires à partir de 21 employés fixes.

Une association faîtière et plusieurs sociétés actives dans le domaine de la location de personnel forment un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral.… Lire la suite

L’application parallèle du droit suisse et du droit européen en matière de cartels dans le secteur aérien

TF, 26.11.2024, 2C_64/2023*

La participation à des réunions impliquant la fixation coordonnée de surtaxes sur le carburant en matière de fret aérien constitue un accord illicite sur les prix au sens de l’Accord sur le transport aérien conclu entre la Suisse et l’Union européenne. Lorsque les liaisons entre la Suisse et des pays tiers sont en cause, le droit suisse peut être appliqué parallèlement au droit européen afin de garantir l’effet utile du traité. 

Faits

En février 2006, sur dénonciation, le Secrétariat de la Commission de la concurrence (COMCO) ouvre une enquête visant quatorze entreprises sur des ententes relatives aux surtaxes dans le domaine du fret aérien. Celles-ci ont eu lieu entre 2000 et 2006. Le 8 novembre 2012, le secrétariat transmet aux entreprises concernées un projet de décision de sanction. Des auditions ont lieu devant la COMCO en septembre 2013.

Par décision du 2 décembre 2013, la COMCO confirme que plusieurs entreprises se sont entendues sur la fixation de suppléments carburant dans le fret aérien entre la Suisse et l’étranger. La COMCO estime que les accords en question constituent des accords illicites sur les prix. Onze entreprises sont sanctionnées sur les quatorze groupes concernés initialement, pour un montant de plus de CHF 11’000’000.… Lire la suite

Le principe d’identité de la servitude en cas de changement d’usage du fonds dominant

TF, 08.11.24, 5A_395/2024*

Le principe d’identité de la servitude, selon lequel une servitude peut être radiée si elle ne sert plus l’intérêt existant à sa création, ne dépend pas de l’usage du fonds dominant. Ainsi, une servitude de non-bâtir visant à préserver l’aspect visuel d’un bâtiment scolaire et à éviter les nuisances conserve son utilité lorsque ce bâtiment devient résidentiel.

Faits

En 1952, une servitude de non-bâtir est créée et inscrite au registre foncier en faveur d’un fonds dominant sur lequel se trouvait une école. Le contrat de servitude stipule que le propriétaire du fonds grevé ne peut édifier aucune construction du côté est du fonds dominant sans l’accord de son propriétaire.

Entre 1970 et 1993, le fonds servant fait l’objet de plusieurs subdivisions. Il est tout d’abord divisé en deux parcelles distinctes. Par la suite, la plus grande des parcelles est elle-même divisée en trois différentes parcelles. Lors de toutes ces subdivisions, la servitude de non-bâtir est reportée et inscrite comme charge sur toutes les nouvelles parcelles. En 2009, une acheteuse acquiert deux des parcelles grevées. Elle prévoit d’y ériger une construction et se voit délivrer une autorisation de construire par la commission communale compétente.

Par conséquent, le propriétaire du fonds dominant introduit une action civile pour faire valoir ses droits liés à la servitude.… Lire la suite

Les voies de droit ouvertes en matière de preuve à futur

TF, 27.12.2024, 4A_609/2023*

Lorsqu’une procédure de preuve à futur arrive à son terme, la décision par laquelle le juge statue sur les frais et dépens et raye la cause du rôle doit être attaquée par la voie du recours (art. 319 let. b ch. 2 CPC) et non par un appel (art. 308 ss CPC).

Faits

Un maître d’ouvrage constate que la machine qu’il a achetée auprès d’un entrepreneur présente des défauts. Par conséquent, il dépose une requête de preuve à futur contre l’entrepreneur devant la Justice de paix du district de Lausanne afin de constater lesdits défauts. La Juge de paix admet la requête et mandate un expert afin qu’il réponde à diverses questions concernant les prétendus défauts de la machine. Ce dernier rend son rapport le 30 juin 2021. La Juge de paix charge l’expert de répondre à des questions complémentaires en avril 2022, avant d’y renoncer en novembre 2022. Un échange d’écritures sur le sort des frais et dépens est ordonné le 10 janvier 2023.

Le 5 janvier 2023, parallèlement, le maître d’ouvrage ouvre une action au fond contre l’entrepreneur devant la Chambre patrimoniale vaudoise. L’entrepreneur introduit dès lors une requête d’irrecevabilité à l’encontre de la requête de preuve à futur le 22 février 2023, estimant que la Juge de paix n’est plus compétente matériellement en raison de l’ouverture de la procédure au fond.… Lire la suite