Publications par Arnaud Lambelet

Le lieu d’installation à titre permanent du fournisseur de prestations

ATF 149 V 195 | TF, 05.06.23, 9C_474/2022*

En matière de LAMal, les litiges entre assureurs et médecins sont jugés par le tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou du canton dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 1 et 2 LAMal). Le médecin fournisseur de prestations ne peut être installé à titre permanent que dans un seul canton. Pour déterminer ce lieu, il faut prendre en compte l’ensemble de l’activité du fournisseur de prestations et non pas seulement les prestations qui sont litigieuses.

Faits

Un médecin exerce sur le territoire du canton de Saint-Gall ; il est au bénéfice d’une autorisation de pratiquer. Entre 2016 et 2019, il a également exercé dans le canton de Zurich. Il n’a toutefois obtenu son autorisation de pratiquer dans ce canton qu’en juin 2019.

Une assurance maladie lui réclame le remboursement des montants facturés de 2016 à 2019 à Zurich. Le médecin refuse. L’assurance-maladie ouvre alors action dans le canton de Saint-Gall, devant le tribunal arbitral compétent ratione materiae pour les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestation selon l’art. 89 LAMal. Le Schiedsgericht de Saint-Gall n’entre pas en matière et transmet l’affaire au Schiedsgericht de Zurich.Lire la suite

La compétence matérielle du tribunal de commerce en cas de défendeur non-inscrit au registre du commerce

TF, 02.06.2023, 4A_581/2022*

Un demandeur principal inscrit au registre du commerce ne peut actionner un défendeur non-inscrit devant le tribunal de commerce (art. 6 al. 2  et 3 CPC). Dans une telle constellation, lorsque le défendeur dépose une demande reconventionnelle, le tribunal de commerce a la compétence de la traiter. La recevabilité de la demande reconventionnelle ne guérit en revanche pas le défaut de compétence matérielle de la demande principale.

Faits

En 2011, une société allemande conclut un contrat de prêt avec une société suisse portant sur CHF 2’500’000 avec un taux d’intérêt annuel de 5%. La société allemande n’est pas inscrite au registre du commerce suisse ni au registre du commerce allemand.

En 2017, la société allemande réclame le paiement des intérêts ; elle finit par résilier le contrat. Elle exige alors le remboursement des CHF 2’500’000 et des intérêts dus. Suite à l’envoi d’un commandement de payer et de son opposition, le Kreisgericht de St-Gall accorde la mainlevée provisoire.

La société suisse intente une action en libération de dette auprès du Handelsgericht de St-Gall. Elle demande au tribunal de constater l’inexistence des créances précitées. La société allemande introduit une demande reconventionnelle et conclut au paiement du montant du prêt et des intérêts.… Lire la suite

La demande d’intervention du Conseil fédéral auprès d’une autorité étrangère

ATF 149 I 316 | TF, 02.05.2023, 2C_236/2022*

Les art. 8 et 13 CEDH ne permettent pas à l’ayant droit économique qui se prévaut d’une violation du principe de spécialité par une autorité étrangère d’exiger l’intervention du Conseil fédéral auprès de l’autorité concernée. La décision d’intervenir auprès de l’autorité s’effectue de manière discrétionnaire et ne peut être revue par les tribunaux suisses.

Faits

En 2010 et 2011, l’Autorité des marchés financiers française (AMF) requiert de la FINMA qu’elle lui accorde l’assistance administrative à propos d’un négoce de titres opéré par trois banques. La FINMA accepte et notifie la décision à l’ayant droit économique des relations bancaires. La FINMA rappelle toutefois que les informations échangées ne doivent servir qu’à la mise en œuvre de la réglementation sur les bourses, le commerce de valeurs mobilières et les négociants en valeurs mobilières. Une utilisation à d’autres fins n’est possible qu’à condition de recueillir l’assentiment de la FINMA (principe de spécialité).

En 2020, l’ayant droit requiert le prononcé d’une décision formelle par le Conseil fédéral. Il reproche en substance à l’AMF d’avoir transmis les informations au Tribunal de grande instance de Paris sans l’assentiment de la FINMA. Lesdites informations ont ensuite fondé l’ouverture d’une enquête pour faux et usage de faux.… Lire la suite

La qualité pour recourir du juge et le droit d’être entendu du prévenu lors d’une procédure de récusation

ATF 149 I 153 et ATF 149 IV 213 | TF, 06.04.2023, 1B_10/2023* et TF, 06.04.2023, 1B_643/2022, 1B_645/2022*

Le juge visé par une procédure de récusation ne dispose pas de la qualité pour recourir contre cette décision. Les parties adverses doivent être intégrées à la procédure de récusation afin de concrétiser leur droit d’être entendu et leur droit à un tribunal impartial.

Faits

Le Ministère public de Zurich-Sihl condamne par ordonnance pénale deux activistes du climat pour contrainte. Après opposition, le Ministère public porte l’accusation devant le Bezirksgericht de Zurich. Le tribunal fixe les débats et désigne le juge Roger Harris comme juge unique.

Le Ministère public forme une demande de récusation à l’encontre du juge unique. Il lui reproche d’avoir acquitté par le passé d’autres activistes du climat mis en cause dans une procédure parallèle avec un état de fait similaire. Au cours de l’audience, le juge avait donné l’impression par ses déclarations qu’il trancherait les affaires futures d’activisme de la même façon.

L’Obergericht du canton de Zurich admet la demande de récusation. Tant Roger Harris qu’une des prévenus forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est ainsi amené à analyser la qualité pour recourir du juge récusé et la participation à la procédure de récusation du prévenu.… Lire la suite

La restriction d’accès aux activités d’enseignement et de recherche en temps de COVID-19

ATF 149 I 191 | TF, 31.03.23, 2C_810/2021*

Un enseignement de qualité dans les hautes écoles et universités dépend d’une offre de cours en présentiel. La réglementation qui exige un certificat COVID-19 pour accéder aux activités d’enseignement et de recherche est disproportionnée lorsqu’elle ne prévoit pas de prise en charge financière des tests.

Faits

Le 14 septembre 2021, le Conseil d’Etat du canton de Fribourg adopte l’ordonnance sur la restriction d’accès aux hautes écoles aux personnes disposant d’un certificat COVID-19 (Ordonnance sur la restriction d’accès/FR, ci-après l’Ordonnance). Le texte prévoit diverses mesures pour endiguer l’épidémie de COVID-19, notamment que seules les personnes titulaires d’un certificat COVID peuvent accéder aux activités d’enseignement et de recherche dans les hautes écoles (art. 2 de l’Ordonnance).

Plusieurs personnes forment recours en matière de droit public contre l’acte normatif. Le Tribunal fédéral est ainsi amené à se prononcer sur la légalité de la restriction du droit d’accès aux hautes écoles durant l’épidémie COVID-19.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par relever que l’Ordonnance querellée a été abrogée le 22 février 2022. Dès lors, les recourants ne disposent plus d’un intérêt actuel digne de protection à l’annulation de la disposition (art. 89 al.Lire la suite