Archive d’étiquettes pour : surveillance

L’approbation d’une découverte fortuite issue de la surveillance étrangère d’une plateforme de communication

TF, 11.01.2024, 7B_159/2022*

Les résultats d’une surveillance mise en œuvre à l’étranger dans une procédure pénale suisse pour des infractions faisant l’objet de cette procédure pénale ne constituent pas une « découverte fortuite » et ne nécessitent pas une autorisation du tribunal des mesures de contrainte.

Faits

Le Ministère public du Canton d’Argovie (Ministère public) mène une enquête pénale contre un prévenu soupçonné d’infraction qualifiée à la LStup et de blanchiment d’argent. Le Ministère public demande aux Etats-Unis, au titre de l’entraide judiciaire, la transmission de moyens de preuve, à savoir le contenu des messages vers et depuis un appareil cryptographique ANOM. Cette dernière est une application de messagerie pour smartphones développée par plusieurs gouvernements prétendument sécurisée, dont le but était en réalité d’intercepter les messages envoyés via cette application et de pouvoir infiltrer les milieux criminels. Il s’agissait ainsi d’une opération d’infiltration, similaire à un « Cheval de Troie ».

Le U.S. Department of Justice transmet les fichiers souhaités.

Peu après, le Ministère public requiert, en application de l’art. 278 al. 3 CPP, du Tribunal des mesures de contrainte du Canton d’Argovie (TMC) qu’il « approuve une découverte fortuite » résultant de la surveillance de la plateforme de communication ANOM réalisée dans le cadre de l’entraide judiciaire. Lire la suite

Le port du bracelet électronique et la liberté personnelle

ATF 149 III 193 | TF, 02.02.2023, 5A_881/2022*

Le port du bracelet électronique (art. 28c CC) doit respecter les conditions de l’art. 36 Cst. Il renforce la protection de la victime avec un effet dissuasif et permet d’apporter des preuves supplémentaires en cas de violation de la mesure ordonnée (art. 28b CC). Partant, il peut être ordonné même lorsqu’un risque que l’auteur passe néanmoins à l’acte subsiste.

Faits

La Présidente de la Section civile du Tribunal régional du Jura bernois-Seeland prononce le divorce de deux époux. Elle fait également interdiction à l’ex-époux de prendre contact avec son ex-épouse ainsi que d’approcher à moins de 300 mètres du domicile de celle-ci et de leurs enfants. L’ex-épouse dépose une requête d’exécution des mesures de protection en demandant que le port d’un bracelet électronique soit ordonné.

Les instances cantonales rejettent la demande au motif que la mesure de protection serait inadéquate au vu du comportement de l’ex-époux (mépris face aux injonctions des autorités et domicile inconnu, ce qui indiquait que le port d’un bracelet ne l’empêcherait pas de passer à l’acte). L’ex-épouse interjette alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le port du bracelet électronique est en adéquation avec le but visé par l’art.Lire la suite

Un licenciement fondé sur les données GPS conforme à la CEDH ?

CourEDH, Florindo De Almeida Vasconcelos Gramaxo c. Portugal, 13.12.2022, n°26968/16

L’art. 8 CEDH est respecté lorsque l’employeur se fonde sur les données d’un GPS pour licencier un employé qui indiquait de faux kilométrages parcourus avec sa voiture de fonction, alors qu’il savait que sa voiture contenait un GPS.

Fait

Un employé utilise un véhicule de fonction pour effectuer des visites auprès des clients de son employeur. Il peut également utiliser la voiture à titre privé, mais doit indiquer les kilomètres parcourus afin de rembourser son employeur.

En 2012, l’employeur décide d’installer des GPS dans ses véhicules. Il en informe les employés et précise ses buts, notamment vérifier les kilomètres parcourus.

Le GPS installé dans la voiture de l’employé connaît des problèmes. L’employeur installe alors un second GPS dans le véhicule, sans en informer l’employé.

Il est ensuite reproché à l’employé d’avoir manipulé le premier GPS et d’avoir majoré le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel afin d’y diluer les kilomètres parcourus à titre privé pour ne pas devoir rembourser l’employeur. Ainsi, le GPS installé par l’employeur dans un deuxième temps indique toujours des chiffres supérieurs au GPS installé précédemment. Sur cette base, l’employeur prononce le licenciement de l’employé.… Lire la suite

L’accès par l’employeur aux messages WhatsApp de l’employé

TF, 25.08.2021, 4A_518/2020

Une employeuse qui accède aux messages privés d’un employé porte atteinte à la personnalité de l’employé. La nécessité de recueillir des preuves en prévision d’un procès ne permet pas de s’affranchir des principes généraux de la LPD. L’employeur doit ainsi procéder d’abord à des moyens d’investigations moins intrusifs.

L’employeuse qui partage avec plusieurs personnes des éléments de la sphère privée, voire intime (en particulier des éléments à caractère sexuel), d’un employé peut être condamnée au paiement d’une indemnité pour tort moral (art. 49 CO).

Faits

En septembre 2013, une société qui exploite des centres de formation linguistique engage un employé comme directeur des opérations. Elle lui remet un téléphone et un ordinateur portables qu’il doit utiliser exclusivement à des fins professionnelles.

En septembre 2016, les relations entre l’employé et le directeur général se dégradent. En novembre, la société résilie le contrat de travail. L’employé rend son téléphone et son ordinateur portables après avoir préalablement réinitialisé le téléphone. Il forme opposition contre le congé qu’il estime abusif.

En décembre 2016, après que l’employé est tombé en dépression, et qu’il est donc en incapacité de travailler, la société résilie le contrat avec effet immédiat pour rupture du lien de confiance.… Lire la suite

L’exploitabilité en procédure civile d’un courriel envoyé par une employée à son avocat

TF, 24.06.2021, 4A_633/2020

L’employeur peut produire en procédure civile un courriel envoyé par une employée, depuis son adresse professionnelle, à son avocat, si le courriel n’était pas indiqué comme « privé » et si l’employeur ne l’a pas cherché précisément pour la procédure civile. Vu qu’il n’a pas été obtenu pour la procédure civile, et que l’employeur a le droit d’avoir accès aux courriels professionnels de l’employée, l’obtention du courriel n’est pas illicite et ce moyen de preuve est donc pleinement exploitable.

Faits

Une société fiduciaire engage une employée. L’actionnaire fondateur et l’employée entrent en litige concernant une commission de courtage. L’actionnaire prétend qu’il a droit à 40% de la commission, ce que l’employée conteste. En raison de ce litige, l’employée résilie tous les contrats conclus avec la société et l’actionnaire.

Devant les instances judiciaires zurichoises, l’actionnaire produit un courriel envoyé par l’employée à son avocat depuis l’adresse professionnelle de la société. Dans ce courriel, elle admet l’existence d’un accord avec l’actionnaire fondateur selon lequel l’actionnaire a droit à 40% des commissions.

Le Bezirksgericht de Horgen ne prend pas en considération ce moyen de preuve puisqu’il aurait été obtenu de manière illicite. En effet, l’actionnaire aurait eu accès à ce courriel grâce à l’aide d’un expert informatique qui a accédé à la boite e-mail de l’employée, boîte qui était protégée par un mot de passe.… Lire la suite