Le refus de convertir un recours en appel

TF, 27.10.2021, 4D_32/2021

Une partie n’est pas protégée dans sa bonne foi lorsqu’elle se fie à une mauvaise indication de la voie de droit (in casu recours au lieu de l’appel) si elle aurait pu s’apercevoir de l’erreur par un contrôle sommaire de la voie de droit applicable. Les compétences du magistrat (in casu professeur de procédure civile) ne changent rien à ce résultat. La conversion d’un recours en appel est également exclue dans ces circonstances.

Faits

Une société acquiert d’un vendeur une moto au prix de CHF 4’400. Lors de la vente, le vendeur précise que le véhicule est non accidenté (unfallfrei). Neuf jours plus tard, la société découvre qu’en réalité la moto avait été accidentée, déclare invalider le contrat et somme le vendeur de reprendre la moto dans les 14 jours.

La société introduit une demande en paiement à hauteur de CHF 7’760, portant sur le prix de la moto, des frais de parking et des frais liés à la conclusion du contrat, et demande en outre la mainlevée de l’opposition dans la procédure de poursuites introduite en parallèle. En cours d’instance, la société augmente ses prétentions et réclame CHF 7’085 additionnels à titre de frais d’avocat.… Lire la suite

Pas de préjudice irréparable au niveau cantonal : l’intérêt juridiquement protégé suffit

TF, 26.11.2021, 1B_485/2021

Les ordonnances du ministère public par lesquelles ce dernier refuse de retirer du dossier des moyens de preuve prétendument inexploitables sont sujettes à recours. Une personne qui souhaite recourir contre une telle ordonnance, conformément à l’art. 393 ss CPP, doit uniquement se prévaloir d’un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP), et non pas d’un préjudice irréparable aux termes de l’art. 93 LTF.

Faits

Le Ministère public genevois ouvre une instruction contre un homme pour escroquerie ainsi que tentative d’escroquerie. Dans le cadre de cette procédure, le prévenu demande le retrait de certaines pièces du dossier. Le Ministère public ayant refusé d’accéder à cette requête, il recourt à la Cour de justice de la République et canton de Genève. Se fondant sur la jurisprudence relative à l’art. 93 LTF, cette dernière déclare le recours irrecevable.

Le prévenu forme alors recours devant le Tribunal fédéral, appelé à déterminer si un recours au niveau cantonal au sens de l’art. 393 ss CPP est conditionné à l’existence d’un préjudice irréparable.

Droit

À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que, lorsqu’un recours porte sur la question de l’existence même d’un recours cantonal, le recours auprès du Tribunal fédéral est en principe recevable, indépendamment de l’existence d’un préjudice irréparable au sens de l’art. Lire la suite

La résolution d’une convention d’arbitrage en raison de l’indigence d’une partie

ATF 147 III 586 | TF, 22.09.2021, 4A_166/2021*

L’indigence d’une partie ne constitue pas un juste motif permettant de résoudre une convention d’arbitrage pour vice du consentement, à tout le moins lorsque des mécanismes sont mis en place afin de faciliter l’accès de cette partie à la procédure arbitrale (obiter dictum).

Faits

En 2017, un cycliste professionnel titulaire d’une licence auprès de l’Union Cycliste Internationale (UCI) doit se soumettre à un contrôle anti-dopage. Le rapport du laboratoire d’analyse fait état de la présence de “rhEPO” (érythropoïétine humaine recombinante) dans l’urine du cycliste. Cette substance, qui stimule la production de globules rouges dans le sang, est illicite en vertu des règles anti-dopage applicables. L’UCI ouvre alors une procédure à l’encontre du cycliste et saisit le UCI Anti-Doping Tribunal conformément à ses directives internes. Par décision du juge unique du UCI Anti-Doping Tribunal, le cycliste est condamné à une interdiction de pratiquer de 4 ans ainsi qu’à une amende de EUR 56’000.

À l’encontre de cette décision, le cycliste saisit le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) d’une déclaration d’appel (Statement of Appeal) assortie d’une demande d’aide judiciaire conformément aux Directives sur l’assistance judiciaire au TAS (Request for Legal Aid).… Lire la suite

Action en responsabilité contre les organes d’une SA en activité (art. 754 CO) et légitimation active du créancier

ATF 148 III 11 TF, 01.11.2021, 4A_36/2021*

À l’inverse de ce qui vaut en cas de faillite, une SA en activité n’a pas la priorité pour intenter une action en responsabilité contre ses organes sur la base de l’art. 754 CO. L’action individuelle du créancier et/ou de l’actionnaire peut dès lors entrer en concours avec les prétentions de la société.

Faits

Une société d’investissement à capital variable domiciliée aux Îles Caïmans détient plusieurs sous-fonds. Ces derniers n’ont pas de personnalité juridique et gèrent leurs actifs séparément. Un de ces sous-fonds a pour but de participer à des projets immobiliers en Afrique.

En 2011, la société d’investissement conclut un « Administrative Services Agreement » avec une société de gestion suisse, active dans le conseil pour des placements collectifs étrangers. Cet accord prévoit que la société de gestion administre et gère le sous-fonds.

Quatre ans plus tard, la société d’investissement détenant le sous-fonds réalise qu’il manque environ USD 26 millions au sous-fonds. Une partie des fonds aurait été détournée par un ancien administrateur de la société de gestion.

En sa qualité de créancière, la société d’investissement ouvre une action en responsabilité à l’encontre de l’ex-administrateur de la société de gestion auprès du Handelsgericht zurichois.… Lire la suite

Le mandat d’administrateur peut-il être prolongé tacitement ?

ATF 148 III 69 | TF, 03.12.2021, 4A_496/2021*

Le mandat du conseil d’administration prend fin au plus tard six mois après la clôture de l’exercice pertinent si pendant cette période aucune assemblée générale ordinaire n’a lieu ou si l’élection des membres du conseil d’administration n’est pas portée à l’ordre du jour lors de l’assemblée générale.

Faits

Une société fille est créée en 2017. A sa constitution, le conseil d’administration de la société comprend quatre membres et ses statuts prévoient que le mandat d’administrateur dure un an et qu’il se termine avec la fin de la prochaine assemblée générale.

Peu après une assemblée générale extraordinaire en avril 2019, deux administrateurs démissionnent, de sorte que le conseil d’administration se compose de deux membres.

En 2021, la société mère rend la société fille attentive au fait que la dernière assemblée générale extraordinaire a eu lieu en avril 2019 et qu’il n’y a pas encore eu d’assemblée générale ordinaire depuis la création de la société fille, soit depuis 2017. La société fille ne donne pas suite à l’incitation de la société mère à tenir une assemblée générale ordinaire pour les exercices de 2018 et 2019.

En mai 2021, la société mère saisit le Handelsgericht du canton de Zurich et demande à ce qu’un commissaire (Sachwalter) soit institué afin que soit tenue une assemblée générale extraordinaire de la société fille ayant pour objet principal notamment l’élection d’un conseil d’administration.… Lire la suite