L’interdiction d’organiser la conférence du Conseil Central islamique Suisse (CCIS)

TF, 28.10.2015, 1C_35/2015

Faits

Le Conseil Central Islamique Suisse (CCIS) souhaite organiser sa conférence annuelle dans les espaces du Forum Fribourg (salle de conférence). À cet effet, il requiert auprès du préfet une autorisation de courte durée pour offrir des mets et des boissons à consommer sur place (patente K, art. 2 al. 1 let. a cum 14 LEPu [loi fribourgeoise sur les établissements publics]). Celui-ci refuse de délivrer la patente et interdit aussi la conférence. Le refus du préfet est confirmé par le Tribunal cantonal.

Saisi par le CCIS, le Tribunal fédéral doit établir s’il est possible, et le cas échéant à quelles conditions, d’interdire une manifestation ayant lieu dans des espaces privés – mais ouverts au public – loués par des privés selon un contrat de droit privé.

Droit

Le Tribunal fédéral observe tout d’abord que la LEPu soumet uniquement à autorisation la vente de mets et de boissons sur place, mais non pas l’organisation d’une conférence en tant que telle. Il écarte ainsi d’emblée l’analyse de l’instance cantonale qui a considéré les deux aspects comme étant liés afin de justifier la décision du préfet d’interdire la conférence.

La LEPu n’étant pas une base légale suffisante à fonder l’interdiction en question, il s’agit de vérifier si celle-ci pouvait être prononcée en application de la clause générale de police (art.Lire la suite

La preuve à futur et la reddition de compte du mandataire

ATF 141 III 564 | TF, 16.12.2015, 4A_191/2015*

Faits

Une société confie la gestion de ses avoirs à une banque, qui les place auprès de Bernard Madoff Investment Services (BMIS). Il se révèle à la suite de la crise financière de 2008 que les investissements étaient fictifs et que BMIS versait des plus-values uniquement grâce aux apports de nouveaux investisseurs (système dit “de cavalerie”).

Dans ce cadre, la société dépose une requête de preuve à futur portant sur divers documents détenus par la banque, afin de recueillir des informations sur la diligence dont la banque a fait preuve en plaçant ses avoirs auprès de la société de Bernard Madoff.

La demande est rejetée par les instances cantonales. La société interjette recours auprès du Tribunal fédéral, qui se prononce en particulier sur le rapport entre la preuve à futur et l’action en reddition de compte à l’encontre du mandataire.

Droit

Les parties sont liées par un mandat. Or, l’art. 400 CO prévoit une obligation de reddition de compte à la charge du mandataire. Celui-ci est en particulier tenu de donner au mandant les renseignements devant lui permettre de s’assurer de la bonne et fidèle exécution du mandat, et le cas échéant d’agir en responsabilité (devoir d’information).… Lire la suite

La légitimation active de la masse dans une action en responsabilité

ATF 142 III 23 | TF, 10.12.2015, 4A_425/2015*

Faits

En manque de liquidités, Swissair demande un sursis concordataire qui débouche sur l’adoption d’un concordat par abandon d’actifs. Avant l’introduction de la procédure concordataire, le conseil d’administration de Swissair effectue le paiement de plusieurs créances en faveur de tiers.

En lien avec ces paiements, les liquidateurs forment une action en responsabilité contre le conseil d’administration auprès du tribunal de commerce de Zurich qui refuse de leur reconnaître la qualité pour agir en réparation d’un dommage subi par les créanciers. Les liquidateurs saisissent le Tribunal fédéral qui doit se déterminer sur la qualité pour agir de la masse concordataire lorsque le dommage est supporté par les créanciers, et non par la société.

Droit

Dans la liquidation concordataire, la masse peut, par l’intermédiaire de ses liquidateurs, former une action en responsabilité pour le dommage qui se manifeste auprès de la société lorsque le conseil d’administration agit de manière contraire à ses devoirs (art. 757 al. 1 CO et art. 325 LP).

En l’occurrence, le paiement des créances litigieuses par le conseil d’administration diminue dans une même mesure les actifs et les passifs de Swissair. L’opération n’affecte donc pas le patrimoine de la société qui reste inchangé.… Lire la suite

Le droit de répondre en cas de modification de l’appel (art. 317 CPC)

ATF 142 III 48 | TF, 16.12.2015, 5A_553/2015*

Faits

Après avoir fait appel contre un jugement en divorce, l’époux modifie ses conclusions en appel et apporte des faits nouveaux. Le juge d’appel transmet pour information la nouvelle écriture à l’épouse et rend son arrêt sur appel deux semaines après avoir reçu l’écriture modifiée. Dans son arrêt, il admet la recevabilité des conclusions nouvelles et des faits nouveaux sur la base de l’art. 317 CPC.

Contre cet arrêt, l’épouse forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la question de savoir si le tribunal d’appel a violé le droit d’être entendu de l’épouse en rendant son arrêt sans lui avoir imparti un délai pour qu’elle puisse se déterminer sur les conclusions modifiées et sur les faits nouveaux.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle qu’on déduit du droit d’être entendu un droit pour toute partie de prendre position sur les écritures de la partie adverse. À ce titre, on distingue le droit de répliquer du droit de répondre. Alors que le droit de répondre s’exerce contre une demande, un appel ou un recours, le droit de répliquer porte sur toute prise de position versée au dossier, quelle que soit sa dénomination procédurale.… Lire la suite

L’illicéité de comportement en cas de violation des art. 163 ss CP

TF, 12.11.15, 5A_89/2015*

La première partie de cet arrêt, qui traite de la compétence du tribunal de commerce, a été résumé ici : https://lawinside.ch/146.

Faits

Une banque cantonale réclame 2 millions de francs à une société allemande qui aurait notamment fait de fausses factures à une société suisse en faillite afin de diminuer la masse soumise à l’exécution forcée. La banque fonde son action sur l’art. 41 CO. Dans la mesure où son dommage est purement économique, elle soutient que la société allemande se serait rendue coupable de la violation des art. 163 ss CP (crimes ou délits commis dans la faillite et la poursuite pour dettes), dispositions qui permettraient à son sens de fonder une illicéité de comportement. Le tribunal de commerce rejette cet argument et la banque saisit le Tribunal fédéral qui doit déterminer si les art. 163 ss CP peuvent fonder une illicéité de comportement (Schutznorm).

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que l’illicéité peut découler aussi bien d’une violation d’un droit absolu (illicéité de résultat) que de la violation d’une norme protectrice en cas de dommage purement économique (illicéité de comportement).

Dans deux arrêts anciens, le Tribunal fédéral avait considéré que les art.Lire la suite