La validité d’une résiliation pour cause de démolition

TF, 29.04.2025, 4A_576/2024*

Une résiliation pour cause de démolition se distingue d’une résiliation pour rénovation ou transformation en ce sens que le maintien du locataire dans les lieux est d’emblée exclu. Ainsi, un projet de démolition mûr n’est pas requis du bailleur dans la mesure où le locataire n’a pas à évaluer si sa présence entraverait ou retarderait le projet envisagé.

Faits

Suite au décès du bailleur d’un immeuble sis sur une parcelle dont il était propriétaire, la parcelle est reprise par un acquéreur, s’étant alors substitué au bailleur initial dans les rapports de bail. Une société, propriétaire des parcelles voisines, y réalise un projet immobilier. Quelques temps plus tard, le nouveau bailleur résilie les contrats de bail des différents locataires de l’immeuble au moyen de la formule officielle avant de vendre la parcelle à la société. Le motif de congé réside dans la démolition et la reconstruction de l’immeuble afin qu’il corresponde à l’apparence de la nouvelle zone prévue par ledit projet.

L’un des locataires conteste la résiliation auprès de l’autorité de conciliation compétente. Suite au rejet de la proposition de jugement par la société, celle-ci introduit une action auprès du Kantonsgericht de Zoug afin qu’il constate la validité de la résiliation et rejette toute éventuelle demande de prolongation du bail.Lire la suite

L’interprétation du contrat liant un·e psychiatre et un·e psychothérapeute délégué·e

TF, 28.04.2025, 4A_388/2024

En fonction des circonstances, il n’est pas arbitraire de considérer qu’un·e psychiatre et un·e psychologue n’ont pas eu la volonté de se lier par un contrat de travail, mais ont trouvé un accord pour des raisons liées à la prise en charge de psychothérapies déléguées par l’assurance-maladie.

Faits

Lors d’un séminaire, une psychologue et une psychiatre se rencontrent. Par la suite, la psychiatre et son époux, qui exerce la même profession, annoncent le déménagement à venir de leur cabinet médical. Dans ce contexte, la psychologue écrit à la psychiatre, pour lui demander si elle a une pièce à lui louer dans son nouveau cabinet. Dans la suite des discussions, qui concernent d’abord la conclusion d’un contrat de sous-location, la psychologue demande également à pouvoir travailler sur délégation, en qualité d’employée.

En novembre 2018, les parties concluent un contrat de sous-location de locaux commerciaux, permettant à la psychologue l’usage exclusif d’un bureau situé dans le cabinet de la psychiatre et de son époux. Les parties admettent que le but de ce contrat de sous-location était de permettre à la psychologue de continuer à recevoir des patients sans délégation et de leur facturer directement ses prestations.… Lire la suite

L’opposition du secret professionnel de l’avocat à une demande de reddition de compte dans le cadre d’un litige successoral

TF, 22.01.2025, 5A_112/2022

Le secret professionnel de l’avocat (art. 13 LLCA) peut faire obstacle à une demande de reddition de compte par des héritiers (art. 400 al. 1 CO). En cas de mandats mixtes ou globaux impliquant des services relevant de l’activité tant typique qu’atypique de l’avocat, il convient d’examiner les circonstances du cas d’espèce pour déterminer quels faits ou documents sont soumis au secret.

Faits

Deux ans avant son décès, un patient est hospitalisé et les médecins considèrent qu’au vu de son état, il est recommandé de mettre en place une protection juridique le plus rapidement possible. Peu de temps après, le patient signe deux procurations successives en faveur d’une avocate. Ces procurations lui confèrent le pouvoir de gérer et administrer tous les biens, intérêts et affaires, présents et futurs. De plus, l’avocate peut le représenter dans tous ses rapports juridiques, quels qu’ils soient avec tous tiers, notamment le corps médical sans restriction liée au secret médical, tant en Suisse qu’à l’étranger. Les procurations indiquent que les pouvoirs octroyés perdureront après son décès. Trois médecins et psychiatres attestent successivement que la capacité de discernement du patient est entière et qu’il a parfaitement saisi et souhaité les enjeux liés à ces procurations.… Lire la suite

La demande de révision suite à la condamnation de la Suisse par la CourEDH dans l’affaire Jann-Zwicker et Jann

TF, 19.02.2025, 4F_22/2024

Le Tribunal fédéral admet la demande de révision (art. 122 LTF) des requérants ayant obtenu gain de cause devant la CourEDH dans l’affaire Jann-Zwicker et Jann c. Suisse (dies a quo du délai de prescription absolu et dommages différés en lien avec l’amiante). Il renvoie la cause à l’instance inférieure pour nouvel examen.

Faits

Entre 1961 et 1972, un enfant est régulièrement exposé à l’amiante. En effet, son domicile se trouve à proximité immédiate de l’usine de la société Eternit AG, qui transforme des minéraux d’amiante fibreux en panneaux d’amiante-ciment. Diagnostiqué d’un mésothéliome pleural malin (maladie typique de l’amiante) en 2004, il décède en 2006.

L’épouse et le fils du défunt saisissent successivement les juridictions nationales, et se voient à chaque fois opposer l’exception de prescription. En effet, selon la jurisprudence fédérale, la prescription commence à courir avec l’acte ou l’omission qui a causé le dommage, indépendamment du fait que les conséquences dommageables ne se soient produites que plus tard.

Les requérants saisissent enfin la CourEDH. À la suite de la condamnation de la Suisse pour violation de l’art. 6 § 1 CEDH (affaire Jann-Zwicker et Jann c.Lire la suite

Respect des clauses de réclamation et interruption de causalité: Le Tribunal fédéral se montre intransigeant

TF, 08.01.2025, 4A_610/2023

En cas d’ordre frauduleux et en dehors des cas de banque restante, le défaut de réclamation du client dans le délai convenu contractuellement représente une faute concomitante qui interrompt la causalité entre le dommage subi et la faute grave de la banque.  

Faits

Une fondation est titulaire d’un compte auprès d’une banque genevoise. Il ressort de la documentation contractuelle une clause de transfert de risque ainsi qu’une clause de réclamation indiquant qu’en cas d’avis portant sur un ordre frauduleux la fondation est tenue de les contester dans un délai de 30 jours.

En avril 2017, un fraudeur prend le contrôle de la boîte email du comptable du bénéficiaire de la fondation et parvient à convaincre un membre du conseil de fondation d’ordonner à la banque un transfert de USD 650’000 sur un compte à Hong Kong et un autre de USD 103’000 à Henan en Chine. La banque notifie les avis de débit de ces deux transferts les 13 avril et 2 mai 2017. La fondation ne conteste pas la validité de ces opérations dans le délai de 30 jours précité.

La fondation ouvre action en paiement contre la banque pour un montant de USD 753’000.… Lire la suite