La gestion déloyale (art. 158 CP) et le churning

ATF 142 IV 346 | TF, 21.09.16, 6B_1203/2015*

Faits

L’associé d’une Sàrl active dans la gestion de fortune emploie un travailleur chargé d’acquérir des clients en les convainquant de placer de l’argent auprès de la société. L’employé contacte une personne qui a accepté d’investir USD 50’000.-. Le client reçoit régulièrement les extraits de compte et la performance de ses placements. Respectivement un et deux mois après le début des transactions, il fait des apports supplémentaires pour un total d’environ USD 230’000. En raison de la fréquence élevée des transactions (plus de 2’600 ordres en l’espace de 2,5 mois), le client doit payer plus de USD 160’000.- de commissions. A cela, s’ajoute encore une perte sur le marché, de sorte que l’investisseur perd quasiment l’entier de son argent.

Le ministère public ouvre une procédure contre l’associé-gérant pour gestion déloyale (art. 158 CP) et contre l’employé pour complicité de gestion déloyale. Le tribunal de première instance les reconnaît coupables. Ces derniers recourent au Tribunal cantonal qui les acquitte totalement. Le ministère public saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer les conditions de la gestion déloyale.

Droit

Selon l’art. 158 CP, commet une gestion déloyale, « celui qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés ».… Lire la suite

La communication par la banque des noms d’avocats au DoJ et à l’IRS américains

TF, 22.09.2016, 4A_83/2016

Faits

Une banque tessinoise décide de participer au programme américain avec l’IRS (Internal Revenue Service) et le DoJ (Department of Justice) dans la catégorie 2 – ce qui signifie qu’elle considère avoir des raisons de présumer qu’elle a violé le droit américain – afin de signer un Non-Prosecution-Agreement (NPA).

Dans le cadre du transfert de données aux autorités américaines, le Conseil fédéral publie une Note explicative au sujet des demandes d’autorisation au sens de l’art. 271 CP. La Note précise au chiffre 1.4 que si la banque envisage de communiquer des données contre la volonté de la personne concernée par celles-ci, elle doit signaler à cette dernière son droit d’intenter action selon l’art. 15 LPD. La banque transmet les données concernant cette personne au plus tôt dix jours après la notification, si aucune plainte relative à une interdiction de divulguer les données n’a été déposée, ou après l’entrée en force du rejet de la plainte.

En juin 2014, la banque informe deux avocats ainsi qu’une SA d’avocats (ci-après “les avocats”) qu’elle compte transmettre leurs données aux Etats-Unis, compte tenu du fait qu’ils ont une procuration sur sept comptes et sept sous-comptes et sept fondations de droit panaméen dont l’ayant-droit économique est un citoyen américain domicilié aux Etats-Unis.… Lire la suite

L’interdiction d’exercer (art. 33 LFINMA)

ATF 142 II 243

Faits

Dans le cadre de ses activités avec des clients américains, une banque viole gravement ses obligations en matière de surveillance financière. La FINMA constate ces violations dans une décision rendue en 2013 en reprochant à la banque d’avoir violé son devoir de satisfaire en permanence aux conditions nécessaires au maintien de l’autorisation bancaire. Cette décision n’a fait l’objet d’aucun recours. La banque cesse ses activités quelque temps après. Par la suite, la FINMA prononce une interdiction d’exercer à l’encontre du CEO de la banque en question. La durée de l’interdiction est fixée à deux ans et s’étend à toute activité auprès d’un institut surveillé par la FINMA. Pour l’essentiel, la FINMA reproche au CEO d’avoir omis de prendre les mesures adéquates en matière de contrôle des risques concernant l’activité américaine de la banque.

Le CEO est débouté devant le Tribunal administratif fédéral. Il saisit alors le Tribunal fédéral d’un recours en matière de droit public, en faisant valoir qu’il n’a pas gravement violé ses obligations en matière de surveillance.

D’une part, le Tribunal fédéral est amené à concrétiser la relation qui existe entre le prononcé d’une interdiction d’exercer et la procédure disciplinaire menée à l’encontre de l’institution surveillée dans laquelle la personne sanctionnée travaille ; d’autre part, il doit se pencher sur la nature juridique de l’interdiction d’exercer.… Lire la suite

La remise au comptant des avoirs du client d’une banque

TF, 28.10.2015, 4A_168/2015

Faits

Un citoyen italien domicilié en Italie possède un compte auprès d’une banque sise en Suisse. La banque demande à son client d’attester que les avoirs sur le compte sont déclarés en Italie, puis fait savoir qu’elle fermera le compte en question suite à une nouvelle orientation de son activité commerciale. Le client requiert alors que le montant disponible sur son compte (75’494 euros) lui soit remis en argent comptant. Suite au refus de la banque, le client engage une procédure pour cas clairs (art. 257 CPC) et obtient gain de cause.

L’appel de la banque étant rejeté dans la mesure de sa recevabilité, celle-ci saisit le Tribunal fédéral qui doit se prononcer en particulier sur l’applicabilité de la procédure sommaire au cas d’espèce. 

Droit

Aux termes de l’art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l’application de la procédure sommaire lorsque (let. a) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (let. b) la situation juridique est claire. À raison, la recourante ne conteste pas qu’en principe le client d’une banque sise en Suisse a droit, à la fin de la relation contractuelle, à l’obtention du paiement comptant de ses avoirs sans qu’il soit nécessaire de signer une déclaration de conformité fiscale.… Lire la suite

La nécessité d’obtenir l’accord de la FINMA pour divulguer une décision

ATF 141 I 201 TF, 28.08.2015, 2C_1058/2014*

Faits

La FINMA rend une décision à l’encontre d’une banque sur les exigences organisationnelles en lien avec la clientèle américaine. Selon la décision, la banque doit mettre fin aux relations d’affaires entretenues avec une certaine catégorie de clients américains. En outre, la banque a l’interdiction de divulguer la décision à des tiers ou la rendre accessible sans l’accord de la FINMA.

La banque saisit le Tribunal administratif fédéral en limitant l’objet de son recours à l’obligation d’obtenir l’approbation de la FINMA pour divulguer la décision. Le Tribunal administratif fédéral donne raison à la banque en retenant qu’une telle mesure est dénuée de base légale et qu’elle est contraire au principe de proportionnalité. La FINMA forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral est amené à se prononcer sur la question de savoir si la FINMA est en droit d’interdire à une banque soumise à surveillance de divulguer une décision qui lui est adressée sans son accord. En particulier, il convient d’examiner si la nécessité d’obtenir cet accord est fondée sur une base légale.

Droit

Il découle de la liberté de correspondance (art. 13 Cst.) et d’information (art.Lire la suite