L’autorité compétente en matière d’indemnisation pour conditions de détention illicites

ATF 149 IV 266 | TF, 22.05.2023, 6B_900/2022*

L’autorité de jugement est compétente pour statuer sur l’indemnisation pour conditions de détention illicites (art. 431 al. 1 CPP) lorsque celles-ci résultent de l’exécution, à titre de mesure de substitution à la détention provisoire (art. 237 CPP), d’une peine privative de liberté prononcée dans le cadre d’une précédente condamnation.

Faits

Un individu est soupçonné d’avoir gravement blessé l’ex-concubin de sa compagne lors d’une dispute, en lui donnant divers coups de couteau dans le haut du corps. La victime survit à ses blessures après cinq jours d’hospitalisation.

Lors de son interpellation, le prévenu est au bénéfice d’une libération conditionnelle. À titre de mesure de substitution à la détention provisoire (art. 237 CPP), il est replacé en exécution de peine, cette dernière résultant d’une précédente condamnation.

À l’issue de la procédure, le prévenu est condamné à cinq ans de peine privative de liberté par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois, puis par la Cour d’appel du Tribunal cantonal vaudois pour tentative de meurtre et contravention à la LStup. En outre, la Cour d’appel condamne le prévenu à payer un montant de CHF 10’000 à titre de tort moral à la victime et confirme la réduction de peine de 29 jours accordée en première instance du fait du caractère illicite de sa détention (art.Lire la suite

CourEDH, Affaire Sperisen c. Suisse : défaut d’impartialité du juge de la détention

CourEDH, 13.06.2023, Affaire Sperisen c. Suisse, requête no 22060/20

Les termes employés par la Présidente de la juridiction d’appel dans ses observations à l’occasion d’une demande de récusation dirigée à son encontre, à la suite de l’annulation de son ordonnance prolongeant la détention de sûreté du prévenu, causent un manque d’impartialité et ainsi une violation de l’art. 6 par. 1 CEDH.  

Faits

M. Sperisen, ressortissant guatémaltèque et suisse, est soupçonné, en qualité d’ancien chef de la Police nationale civile du Guatemala, d’avoir été impliqué dans des exécutions extrajudiciaires de détenus commises lors d’opérations policières au Guatemala (opération “Gavilan” en 2005 et opération “Pavo Real” en 2006).

En 2014, M. Sperisen est acquitté en première instance concernant l’opération Gavilan, mais condamné pour assassinat de trois détenus lors de l’opération “Pavo Real”.

En 2015, la Chambre pénale d’appel et de révision du canton de Genève (la CPAR) étend la condamnation de M. Sperisen pour assassinat aux actes commis lors de l’opération “Gavilan”.

Par arrêt du 29 juin 2017, le Tribunal fédéral, saisi d’un recours de M. Sperisen, annule l’arrêt de la CPAR et lui renvoie la cause pour nouveau jugement (TF, 29.06.2017, 6B_947/2015).

Un mois plus tard, M.… Lire la suite

La réduction de l’indemnité pour détention excessive en cas d’expulsion

ATF 149 IV 289 | TF, 01.05.2023, 6B_1160/2022*

Lorsqu’une personne visée par une expulsion pénale, en situation de séjour illégal et sans perspective d’avenir en Suisse doit être indemnisée pour détention excessive, le Tribunal fédéral admet qu’il soit tenu compte du coût de la vie dans son pays d’origine.

Faits

Un prévenu, ressortissant algérien, déjà visé par une expulsion pénale, est condamné pour rupture de ban. Il se voit allouer en première instance et en appel une indemnité de Fr. 935.-, intérêts en sus, à titre de réparation du tort moral subi en raison de 27 jours de détention excessive (AARP/242/2022).

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral et conclut notamment à l’octroi d’une indemnité pour tort moral de Fr. 200.- par jour de détention excessive.

Droit  

Après avoir confirmé la peine infligée au prévenu, le Tribunal fédéral se penche sur la question du montant de l’indemnité.

Il commence par rappeler qu’une telle indemnité est notamment due au prévenu en cas de détention excessive, c’est-à-dire lorsque la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté, quoi qu’ordonnées de manière licite, ont dépassé la durée de la privation de liberté prononcée dans le jugement (art.Lire la suite

Impossibilité de contacter le prévenu et renonciation implicite à l’appel

ATF 149 IV 259 | TF, 17.04.2023, 6B_1433/2022*

Le prévenu qui souhaite former un appel doit démontrer de manière continue, pendant la procédure d’appel, sa volonté que la juridiction d’appel examine la décision de première instance. Le prévenu est réputé renoncer implicitement à la procédure d’appel s’il refuse de communiquer son lieu de séjour ou que celui-ci reste inconnu et qu’il est impossible, même pour son défenseur, de le contacter.

Faits

Un prévenu est condamné en première instance pour contraintes, menaces et insoumission répétée à des décisions de l’autorité. À la suite de la notification du dispositif du jugement, le prévenu informe son conseil de sa volonté de former appel. Depuis cet ultime contact, le défenseur du prévenu n’est plus parvenu à communiquer avec lui. Faute d’indications contraires du prévenu depuis lors, le conseil forme appel.

A la suite de la convocation aux débats devant l’instance d’appel, le défenseur du prévenu demande la fixation d’un délai pour contacter le prévenu afin de confirmer sa volonté de poursuivre la procédure devant l’instance d’appel. Faute pour le défenseur du prévenu d’être parvenu à le contacter, l’instance d’appel considère que l’appel a été retiré et déclare le jugement de première instance exécutoire. Contre cette décision, le défenseur du prévenu intente un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à préciser sa jurisprudence relative à la renonciation implicite à l’appel en cas d’impossibilité de communiquer avec le prévenu et faute de connaissance de son lieu de séjour.Lire la suite

La qualité pour recourir du juge et le droit d’être entendu du prévenu lors d’une procédure de récusation

ATF 149 I 153 et ATF 149 IV 213 | TF, 06.04.2023, 1B_10/2023* et TF, 06.04.2023, 1B_643/2022, 1B_645/2022*

Le juge visé par une procédure de récusation ne dispose pas de la qualité pour recourir contre cette décision. Les parties adverses doivent être intégrées à la procédure de récusation afin de concrétiser leur droit d’être entendu et leur droit à un tribunal impartial.

Faits

Le Ministère public de Zurich-Sihl condamne par ordonnance pénale deux activistes du climat pour contrainte. Après opposition, le Ministère public porte l’accusation devant le Bezirksgericht de Zurich. Le tribunal fixe les débats et désigne le juge Roger Harris comme juge unique.

Le Ministère public forme une demande de récusation à l’encontre du juge unique. Il lui reproche d’avoir acquitté par le passé d’autres activistes du climat mis en cause dans une procédure parallèle avec un état de fait similaire. Au cours de l’audience, le juge avait donné l’impression par ses déclarations qu’il trancherait les affaires futures d’activisme de la même façon.

L’Obergericht du canton de Zurich admet la demande de récusation. Tant Roger Harris qu’une des prévenus forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est ainsi amené à analyser la qualité pour recourir du juge récusé et la participation à la procédure de récusation du prévenu.… Lire la suite