L’interruption de prescription de l’action contractuelle en procédure pénale

ATF 148 III 401 | TF, 01.09.22, 4A_417/2021*

Le dépôt d’une plainte pénale et de conclusions civiles par adhésion (art. 122 al. 1 CPP) n’interrompt pas la prescription de l’action contractuelle.

Faits

Un patient consulte son médecin traitant en 2002 en raison d’un point dans la poitrine et d’une gêne respiratoire. Un examen radiologique suggère que le patient souffre d’une forme de cancer du poumon. Bien que d’autres examens seraient nécessaires pour vérifier cette hypothèse, le médecin traitant ne les ordonne pas. Entre 2002 et 2008, le patient consulte à plusieurs reprises son médecin traitant notamment pour des douleurs dans la poitrine. Un examen radiologique en 2009 révèle un cancer du poumon à un stade si avancé qu’une intervention chirurgicale n’est plus possible.

En juin 2011, le patient dépose une plainte pénale pour lésions corporelles graves par négligence et se constitue partie plaignante sans prendre de conclusions civiles chiffrées. Un mois plus tard, il décède en laissant derrière lui ses héritiers. En 2016, après être entrées en matière, les autorités pénales genevoises classent la plainte pénale du défunt, considérant qu’elle n’a pas été introduite à l’intérieur du délai de prescription pénale (alors de 7 ans), soit avant 2009.… Lire la suite

Le sort des prétentions contractuelles invoquées en procédure pénale

ATF 148 IV 432 | TF, 15.08.2022, 6B_1310/2021*

La notion de conclusions civiles au sens des art. 122 ss CPP vise uniquement les prétentions qui peuvent se déduire d’une infraction pénale, ce qui exclut les prétentions contractuelles.

Faits

Un prévenu est acquitté des chefs d’abus de confiance et d’escroquerie par le Tribunal de police genevois, puis par la Chambre pénale d’appel et de révision. Devant ces deux instances, il est néanmoins condamné à payer divers montants aux parties plaignantes à titre de dommages-intérêts.

Le prévenu introduit un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui est amené pour la première fois à déterminer si la notion de conclusions civiles inclut également les prétentions contractuelles.

Droit  

Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’un jugement d’acquittement peut aussi bien aboutir à la condamnation d’un prévenu sur le plan civil qu’au déboutement de la partie plaignante, notamment selon que l’état de fait est considéré comme suffisamment établi (art. 126 al. 1 let. b et al. 2 let. d CPP).

Lorsque l’acquittement résulte de la non-réalisation d’un élément constitutif de l’infraction, la partie plaignante doit en principe être renvoyée à agir par la voie civile. Le juge pénal peut néanmoins statuer sur les conclusions civiles lorsque l’élément constitutif subjectif de l’infraction fait défaut mais que le comportement reproché au prévenu constitue un acte illicite au sens de l’art.Lire la suite

La renonciation à porter plainte pénale et le droit à l’information de la victime

TF, 08.08.2022, 1B_694/2021

La renonciation à porter plainte au sens de l’art. 120 CPP n’est pas définitive lorsque la personne a été induite à faire sa déclaration par une information inexacte des autorités (art. 386 al. 3 CPP p.an.). Tel est notamment le cas lorsque la victime n’a pas été informée de ses droits conformément à la LAVI (art. 305 CPP).

Faits

Le 13 février 2021, un ressortissant marocain, requérant d’asile en Suisse, arrive en état d’ébriété au Centre fédéral pour requérants d’asile (CFA) de Boudry à Neuchâtel. Deux agents de sécurité privés le placent dans un container de dégrisement, dans lequel se trouvent déjà deux autres personnes.

Peu de temps après, une altercation survient entre les trois individus. Torse nu et agité, le ressortissant marocain est placé par les agents dans un autre container qui n’a pas été préalablement chauffé. Il subit un malaise et est emmené à l’hôpital en ambulance.

Le lendemain, il est entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, en présence d’un interprète. En début d’audition, la police ne l’informe pas de ses droits en qualité de victime et lui indique qu’il peut être assisté d’un avocat de son choix, à ses frais.… Lire la suite

Procédure de scellés : la pratique illégale du Tribunal pénal fédéral

ATF 148 IV 221 | TF, 28.02.2022, 1B_432/2021*

Le but des scellés (art. 248 CPP) est de garantir que l’autorité d’instruction ne prendra pas connaissance des données saisies, avant qu’un tribunal ait pu se prononcer sur l’admissibilité de l’accès aux données. Eu égard à cet objectif, dès la réception d’une demande de mise sous scellés, l’autorité d’instruction ne peut plus ordonner la copie des données, ni même confier cette tâche à une personne ou entité mandatée par elle qui est soumise à ses instructions.

Faits

Le 10 septembre 2020, l’Administration fédérale des douanes (actuellement : Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières ; ci-après : Administration fédérale) ouvre une procédure contre un homme pour infraction à la loi sur les douanes ainsi qu’à celle sur la TVA. Le même jour, elle saisit trois appareils électroniques appartenant à ce dernier ; l’intéressé refuse d’en donner les codes d’accès.

Le 14 septembre 2020, le prévenu demande la mise sous scellés de ces appareils.

Le 1er octobre 2020, l’Administration fédérale transmet les supports à l’Office fédéral de la police (ci-après : Fedpol), afin de les débloquer et de copier leur contenu. Le 8 octobre suivant, elle demande la levée des scellés au Tribunal pénal fédéral en précisant que Fedpol apposera les scellés sur les données copiées.… Lire la suite

Présomption d’innocence et disjonction des causes

TF, 30.06.2022, 1B_58/2022

Un verdict de culpabilité prononcé à l’encontre d’un·e prévenu·e ne préjuge pas du sort de ses co-prévenu·e·s jugé·e·s dans une autre cause parallèle, même s’ils et elles sont jugé·e·s par le·la même magistrat·e. Ils et elles peuvent en effet avoir adopté un comportement individuel différent, voire avec des éléments subjectifs différents. Pareille situation ne compromet donc pas le principe de présomption d’innocence (art. 10 CPP). 

Faits

Le 20 septembre 2019, des centaines de militant·e·s tiennent une manifestation pacifique non-autorisée sur le pont Bessière à Lausanne. Une centaine d’ordonnances pénales, toutes parfaitement identiques, sont notifiées aux manifestant·e·s.

Sur opposition des manifestant·e·s, le Ministère public du Canton de Vaud porte l’accusation devant le Tribunal d’arrondissement de Lausanne. S’écartant du principe de l’unité de la procédure (art. 29 CPP), celui-ci ouvre une quarantaine de procédures en lieu et place d’une seule. En amont des procès, le Tribunal d’arrondissement de Lausanne rejette les diverses demandes de jonction des manifestant·e·s. Sur recours immédiat de ceux-ci, la Chambre des recours pénale le déclare irrecevable, au motif qu’une demande de jonction pourra être faite à nouveau à l’ouverture des débats.

Aussi, les 18, 19 et 20 octobre 2021 ont lieu trois audiences de jugement, dans trois causes différentes mais portant toutes sur les mêmes faits, à l’encontre de six prévenu·e·s.… Lire la suite