L’annonce d’appel considérée tardive selon le tribunal de première instance et la motivation écrite du jugement

TF, 14.05.2024, 6B_149/2024*

Lorsqu’un tribunal de première instance peut renoncer à une motivation écrite du jugement (art. 82 al. 1 CPP), mais qu’il est contraint de procéder à une telle rédaction parce qu’une partie la demande ou forme un recours (art. 82 al. 2 CPP), il peut transmettre à l’instance d’appel compétente l’annonce d’appel accompagnée d’une demande de non-entrée en matière sans motivation écrite du jugement s’il estime que cette annonce d’appel est tardive.

Faits

Le 25 octobre 2023, le Tribunal de district de March à Schwytz (tribunal de première instance) condamne un individu à une peine pécuniaire avec sursis et à une amende pour diverses infractions à la LCR. Le dispositif de ce jugement lui est vraisemblablement communiqué le 30 octobre 2023.

Le 10 novembre 2023, le précité dépose une annonce d’appel contre ce jugement.

Le 20 novembre 2023, le Tribunal de district de March transmet l’annonce d’appel avec le dossier au Tribunal cantonal de Schwytz pour qu’il statue sur le caractère recevable de l’annonce d’appel tout en l’invitant à ne pas entrer en matière sur celui-ci en raison de son caractère tardif. 

Le Tribunal cantonal renvoie l’affaire au tribunal de première instance par courrier du 22 novembre 2023 au motif que l’instance d’appel ne peut se prononcer sur le caractère recevable de l’annonce d’appel qu’après transmission du dossier et des motifs du jugement (art.Lire la suite

L’approbation d’une découverte fortuite issue de la surveillance étrangère d’une plateforme de communication

TF, 11.01.2024, 7B_159/2022*

Les résultats d’une surveillance mise en œuvre à l’étranger dans une procédure pénale suisse pour des infractions faisant l’objet de cette procédure pénale ne constituent pas une « découverte fortuite » et ne nécessitent pas une autorisation du tribunal des mesures de contrainte.

Faits

Le Ministère public du Canton d’Argovie (Ministère public) mène une enquête pénale contre un prévenu soupçonné d’infraction qualifiée à la LStup et de blanchiment d’argent. Le Ministère public demande aux Etats-Unis, au titre de l’entraide judiciaire, la transmission de moyens de preuve, à savoir le contenu des messages vers et depuis un appareil cryptographique ANOM. Cette dernière est une application de messagerie pour smartphones développée par plusieurs gouvernements prétendument sécurisée, dont le but était en réalité d’intercepter les messages envoyés via cette application et de pouvoir infiltrer les milieux criminels. Il s’agissait ainsi d’une opération d’infiltration, similaire à un « Cheval de Troie ».

Le U.S. Department of Justice transmet les fichiers souhaités.

Peu après, le Ministère public requiert, en application de l’art. 278 al. 3 CPP, du Tribunal des mesures de contrainte du Canton d’Argovie (TMC) qu’il « approuve une découverte fortuite » résultant de la surveillance de la plateforme de communication ANOM réalisée dans le cadre de l’entraide judiciaire. Lire la suite

L’avocat doit expliquer à son client le jugement reçu (art. 12 let. a LLCA)

TF, 13.02.2024, 2C_84/2023

Le défenseur d’office ne peut pas se départir de son mandat sans en faire la requête à la direction de la procédure, nonobstant la rupture préalable du lien de confiance (art. 134 al. 2 CPP). Même s’il dénonce son mandat sans droit, il reste lié par son devoir de diligence. En particulier, il reste tenu de proposer des explications sur le jugement et l’opportunité d’un recours, indépendamment de savoir si le client en souhaite effectivement ou non (art. 12 let. a LLCA).

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale, un prévenu représenté par un défenseur d’office est condamné pour meurtre notamment. Le 17 mars 2020, son avocat lui transmet l’arrêt de l’Obergericht de Zurich et lui déclare mettre un terme à son mandat en raison de la réduction de dépens opérée par le tribunal de première instance. Il lui déclare en particulier :

« Étant donné que je dois déjà amortir plusieurs milliers de francs, en tout cas dans votre affaire, d’autres prestations de ma part, comme cette seule lettre, devraient être fournies gratuitement. Vous comprendrez que je ne suis ni prêt ni en mesure de le faire, car notre cabinet d’avocats – contrairement aux tribunaux – travaille selon des principes commerciaux » (traduction libre).

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La levée du blocage d’avoirs patrimoniaux suite à la suspension de l’entraide pénale avec la Russie

TF, 07.03.2024, 1C_543/2023*

L’art. 2 let. a EIMP ne permet pas de déclarer irrecevable une demande de blocage d’avoirs dans le contexte d’une entraide internationale en matière pénale ; il ne s’agit ni d’un cas d’extradition ni d’un cas de remise de valeurs patrimoniales.

Faits

Le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre en 2013 une enquête à l’encontre d’un ancien vice-ministre russe. Le MPC le soupçonne de blanchiment d’argent qualifié. Il transmet spontanément une série d’informations sur l’ancien vice-ministre à son homologue russe sur la base des règles en matière d’entraide internationale en matière pénale (art. 67a EIMP), en particulier des informations concernant la structure de ses comptes bancaires, ses sociétés ainsi que l’origine et l’utilisation des avoirs qui ont transité en Suisse.

Le parquet russe formule ensuite deux demandes d’entraide judiciaire successives auxquelles le MPC donne favorablement suite. Le Tribunal pénal fédéral puis, sur recours, le Tribunal fédéral confirment l’octroi de l’entraide suite à la contestation de l’ancien vice-ministre (TF, 18.02.2015, 1C_624/2014 et TF, 12.09.2016, 1C_356/2016). En conséquence, le parquet russe obtient la documentation bancaire relative aux comptes de l’ancien vice-ministre en Suisse ainsi que le blocage de ces derniers. Le MPC classe ensuite son enquête, car le parquet russe poursuit déjà l’infraction reprochée (art.Lire la suite

L’examen du risque de récidive en cas de prolongation de la détention provisoire

TF, 05.03.2024, 7B_155/2024*

En cas de risque de récidive, qu’il soit simple ou qualifié, il convient de partir du principe d’une « proportionnalité inversée » entre la gravité de l’infraction et la probabilité de sa survenance. Ainsi, plus les actes potentiellement commis sont graves, plus la mise en danger de la sécurité d’autrui est élevée et moins les exigences en matière de risque de récidive doivent l’être. Ce raisonnement ne diffère pas en fonction de l’application du nouveau droit (art. 221 al. 1bis CPP) ou de l’ancien (art. 221 al. 1 lit. c aCPP).

Faits

Soupçonné d’avoir commis un meurtre à l’arme blanche, un prévenu est placé en détention provisoire.

Après une année, il dépose une demande de mise en liberté. Le Tribunal des mesures de contrainte la rejette et prolonge la détention provisoire au plus tard jusqu’à la mise en accusation du prévenu, en raison d’un risque qualifié de récidive. Le 8 janvier 2024, l’Obergericht zurichois rejette le recours contre cette décision, quelques jours après la mise en accusation du prévenu, désormais détenu pour des motifs de sûreté.

Le prévenu saisit le Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer sur les conditions liées au motif de la récidive.… Lire la suite