La prise de conclusions principales au fond et l’acceptation tacite de compétence

TF, 24.04.2024, 4A_373/2023

Le défendeur qui conclut principalement au rejet au fond de l’action dans sa réponse, après voir contesté la compétence locale du tribunal par courrier requérant la limitation de la procédure à cette question, n’est pas réputé avoir accepté tacitement la compétence du tribunal. 

Faits

En 2020, un investisseur domicilié en Arabie saoudite ouvre action, à Genève, à l’encontre d’une société sise à Zurich. Il conclut au paiement de plus de CHF 2,5 millions.

Par courrier d’août 2021, la société zurichoise conteste la compétence locale du tribunal de même que sa légitimation passive. Elle requiert de surcroît la limitation de la procédure à ces deux questions.

Dans sa réponse de novembre 2021, la société zurichoise conclut à la constatation de son défaut de légitimation passive à titre principal et de l’incompétence du tribunal à titre subsidiaire. Quelques mois plus tard, elle inverse l’ordre de ses conclusions, de manière que l’incompétence du tribunal soit constatée à titre principal et que son défaut de légitimation passive soit constaté à titre subsidiaire.

Par jugement de septembre 2022, le Tribunal de première instance déclare la demande irrecevable, faute de compétence locale. Sur appel de l’investisseur, la Cour de justice confirme cette décision.… Lire la suite

La preuve des pertes du client incombe à la banque

TF, 16.07.2024, 4A_301/2023

Lorsque la banque liquide les positions du client et qu’il en résulte un solde négatif, il appartient à la banque de prouver les pertes. À défaut, la banque ne prouve pas l’existence de sa créance à l’encontre du client.

Faits

En 2011, un client utilise la plateforme informatique d’une banque vaudoise afin de spéculer sur la variation du cours USD/CHF. Le 15 janvier, la BNS annonce qu’elle abandonne le taux plancher CHF/EUR. Cela provoque un vent de panique et rend le marché USD/CHF temporairement illiquide. Conformément aux conditions générales, la banque liquide les positions du client et l’informe, quelques jours plus tard, que son compte est d’une valeur négative de USD 929’075.

La banque ouvre action en paiement contre le client auprès de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. Dans ses allégués n°83 à 86, la banque indique que la liquidation automatique des positions du client s’est soldée par une perte de USD 1’125’991.40 et, qu’après déduction des avoirs en compte du client de USD 193’325.62, le débit du compte était de USD 929’075.

Dans sa réponse, le client conteste ces quatre allégués et dépose une demande reconventionnelle afin que le montant de USD 193’325.62, soit le solde de son compte avant la liquidation, lui soit restitué.… Lire la suite

La qualité de fait notoire des informations d’un registre du commerce étranger

ATF 150 III 209 | TF, 03.04.2024, 4A_639/2023*

Les informations qui figurent dans des registres du commerce étrangers ne sont pas des faits notoires, même lorsqu’elles sont accessibles sur Internet.

Faits

En 2012, une caisse d’épargne allemande établit un contrat de prêt avec une débitrice. Durant l’année 2016, la caisse d’épargne ainsi qu’une seconde sont absorbées par une troisième caisse d’épargne nouvellement créée ; cette dernière succède juridiquement aux entités précitées (Gesamtrechtsnachfolge).

En 2022, la nouvelle caisse d’épargne actionne la débitrice en déposant un commandement de payer. Après quelques jours, elle requiert la mainlevée définitive auprès du juge unique du Bezirksgericht de March (SZ). Ce dernier fait droit à la demande de mainlevée définitive. Le Tribunal cantonal de Schwyz rejette le recours de la débitrice.

La débitrice forme alors recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur la qualité de fait notoire des informations inscrites aux registres du commerce étrangers.

Droit

La débitrice n’oppose qu’un seul argument auprès du Tribunal fédéral : l’identité de la créancière poursuivante ne correspondrait pas à l’identité de la créancière au bénéfice du titre de mainlevée. Le juge examine d’office si ces identités coïncident et n’octroie la mainlevée qu’à condition que cette circonstance soit prouvée sans aucun doute (ATF 143 III 221, c.Lire la suite

Contrat de prise en charge postale et preuve de l’expédition du pli 

TF, 12.12.2023, 4A_95/2023 (rendu en audience publique)

L’expéditeur qui choisit un mode de transmission postal sans délivrance par la poste d’une attestation – en l’espèce, la remise d’un pli à un coursier en vertu d’un contrat de prise en charge avec la Poste suisse – court le risque de ne pas pouvoir apporter la preuve certaine de la remise de l’envoi en temps utile. Cependant, il garde le droit de l’apporter par tout autre moyen de preuve adéquat.

Faits

Une étude, chargée de représenter une société dans une affaire civile, dépose un appel contre un arrêt de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud rendu le 21 septembre et notifié le lendemain, soit le 22 septembre 2021.

Le mémoire d’appel énonce avoir été envoyé le vendredi 22 octobre. Le suivi de la distribution indique que le pli, envoyé en colis PostPacEconomy, a été trié au Centre colis de Daillens le lundi 25 octobre à 6h39 et est parvenu au Tribunal cantonal vaudois le mercredi 27 octobre.

L’étude d’avocat est au bénéfice d’un contrat de prise en charge avec la Poste suisse, en vertu duquel un coursier vient récupérer quotidiennement le courrier à l’étude entre 17h et 17h30. L’étude soutient que le courrier contenant le mémoire d’appel a été remis au coursier le vendredi 22 octobre.… Lire la suite

La compétence ratione materiae en cas de versement d’un capital suite à un accident

ATF 150 III 204 | TF, 31.01.2024, 4A_169/2023*

Le versement d’un capital par une assurance complémentaire en cas d’invalidité suite à un accident ne complète pas les prestations de la LAMal. En conséquence, la compétence ratione materiae d’un tribunal pour connaître du litige ne découle pas de l’art. 7 CPC.

Faits

Un assuré souscrit une assurance auprès d’une entreprise d’assurance privée ; cette dernière prévoit le versement d’un capital en cas de décès ou d’invalidité de l’assuré. En 2020, l’assuré subit un accident. La SUVA lui accorde deux prestations : d’une part, une rente d’invalidité et d’autre part, une indemnité sur la base des art. 24 et 25 LAA.

En 2022, l’assuré actionne son assurance auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton du Valais. Il réclame le paiement d’un montant de CHF 350’000. Le Tribunal déclare l’action irrecevable ; il ne s’estime pas compétent ratione materiae.

L’assuré forme recours en matière civile au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur la compétence d’une Cour cantonale pour traiter d’un litige sur une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sur la base de l’art. 7 CPC.

Droit

L’art. 7 CPC permet aux cantons d’instituer un tribunal pour statuer sur les litiges qui portent sur les assurances complémentaires à l’assurance-maladie selon la LAMal.… Lire la suite