Publications par Yoann Stettler

Corona Leaks : la protection des sources journalistiques

TF, 31.01.2025, 7B_733/2024*

Le directeur général d’une société de médias est couvert par l’art. 172 al. 1 CPP lorsqu’il prend connaissance d’informations protégées par le secret de rédaction en raison de son activité. La violation du secret de fonction (art. 320 CP) ne permet pas de déroger à la protection des sources (art. 172 al. 2 let. b CPP), indépendamment des motifs poursuivis par l’informateur.

Faits

L’ancien chef de la communication du Département fédéral de l’intérieur est soupçonné d’avoir révélé au directeur général du groupe de médias Ringier des informations confidentielles en lien avec les activités du Conseil fédéral relatives au Covid-19 (Corona Leaks), en violation de son secret de fonction. Des perquisitions mènent à la saisie de matériel informatique appartenant à l’ancien chef de communication, à Ringier et à son directeur général. A leur demande, ces objets et données sont placés sous scellés.

Le Ministère public de la Confédération (MPC) demande la levée des scellés, qui est refusée par le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne. Le MPC interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à déterminer si les objets et données perquisitionnés sont couverts par la protection des sources journalistiques (art.Lire la suite

Le droit du prévenu en détention à communiquer avec son défenseur par téléphone

TF, 19.03.2025, 7B_1295/2024*

L’art. 235 al. 4 CPP confère à la personne détenue un droit à communiquer par téléphone avec son défenseur. Il est admissible de fixer des heures d’appel ou de limiter le nombre et la durée de ceux-ci.

Faits

Le Ministère public de Berne-Mittelland mène une procédure pénale contre un prévenu placé en détention provisoire. Le prévenu requiert à deux reprises du Ministère public une « autorisation permanente de téléphoner » à son défenseur. Cette autorité rejette les deux demandes.

Le prévenu recourt contre ce refus auprès de la Cour suprême du canton de Berne, qui le déboute de ses conclusions. Il interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à déterminer si le Ministère public est compétent pour statuer sur l’autorisation de téléphoner (art. 235 al. 5 CPP) et, le cas échéant, si le refus du Ministère public est conforme au droit fédéral (art. 235 al. 4 CPP).

Droit

Dans le cadre d’une détention avant jugement, la liberté des prévenus ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement (art.Lire la suite

Le concours idéal entre tentative d’assassinat (art. 112 CP) et infraction à l’art. 2 LAQEI (art. 74 al. 4 nLRens)

TF, 20.02.2025, 6B_184/2024*

Les biens juridiquement protégés par l’art. 2 LAQEI (art. 74 al. 4 nLRens) et l’art. 112 CP ne se recoupent pas entièrement. La première norme protège la sécurité publique tandis que la seconde protège la vie. Dès lors qu’aucune des deux infractions ne saisit à elle seule tous les aspects du comportement adopté par l’auteur, elles peuvent entrer en concours idéal.

Faits

En novembre 2020, une femme se rend au rayon d’articles ménagers d’un magasin et s’y empare d’un grand couteau. Elle s’en sert pour frapper une victime choisie au hasard, à qui elle inflige diverses blessures, tout en criant « Allah Akbar ». Après avoir encore tenté d’agresser d’autres personnes, elle est finalement désarmée et immobilisée en attendant l’arrivée de la police.

Suite à cela, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral déclare la prévenue coupable de tentatives d’assassinat. De plus, elle admet une infraction à l’art. 2 de la loi fédérale interdisant les groupes « Al-Qaïda » et « Etat islamique » et les organisations apparentées (« LAQEI ») en raison de messages et de photographies de soutien à l’Etat islamique envoyés via Facebook peu avant l’attaque. Suite aux appels du Ministère public de la Confédération et de la prévenue, la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral juge que le comportement de la prévenue au moment de l’attaque remplit également les éléments constitutifs de l’art.Lire la suite

L’opposition du secret professionnel de l’avocat à une demande de reddition de compte dans le cadre d’un litige successoral

TF, 22.01.2025, 5A_112/2022

Le secret professionnel de l’avocat (art. 13 LLCA) peut faire obstacle à une demande de reddition de compte par des héritiers (art. 400 al. 1 CO). En cas de mandats mixtes ou globaux impliquant des services relevant de l’activité tant typique qu’atypique de l’avocat, il convient d’examiner les circonstances du cas d’espèce pour déterminer quels faits ou documents sont soumis au secret.

Faits

Deux ans avant son décès, un patient est hospitalisé et les médecins considèrent qu’au vu de son état, il est recommandé de mettre en place une protection juridique le plus rapidement possible. Peu de temps après, le patient signe deux procurations successives en faveur d’une avocate. Ces procurations lui confèrent le pouvoir de gérer et administrer tous les biens, intérêts et affaires, présents et futurs. De plus, l’avocate peut le représenter dans tous ses rapports juridiques, quels qu’ils soient avec tous tiers, notamment le corps médical sans restriction liée au secret médical, tant en Suisse qu’à l’étranger. Les procurations indiquent que les pouvoirs octroyés perdureront après son décès. Trois médecins et psychiatres attestent successivement que la capacité de discernement du patient est entière et qu’il a parfaitement saisi et souhaité les enjeux liés à ces procurations.… Lire la suite

Art. 223 CP : l’explosion n’est pas une condition objective de punissabilité

TF, 18.02.2025, 6B_852/2024*

L’explosion est un élément constitutif objectif de l’infraction prévue à l’art. 223 CP, et pas une condition objective de punissabilité. Une tentative peut donc être donnée lorsque l’explosion ne se produit pas (art. 223 cum 22 al. 1 CP). Le fait de retenir une tentative d’explosion plutôt qu’un crime impossible (art. 22 al. 1 CP) n’a pas d’incidence sur la faculté du juge d’atténuer la peine.

Faits

Une restauratrice exploite un restaurant dans des locaux loués. Après la fermeture de l’établissement pour des raisons financières, elle tente de vendre son fonds de commerce. Lors d’une visite sur place avec la restauratrice et des tiers, une acquéreuse potentielle revient sur un accord préalablement conclu et déchire le texte du contrat.

Furieuse, la restauratrice s’empare d’une bonbonne de gaz derrière le bar et bloque la porte de l’établissement. Elle tente d’ouvrir la vanne de la bonbonne, un briquet allumé à la main, en s’exclamant que puisqu’elle s’apprête à tout perdre, elle va tout faire sauter. Des personnes présentes parviennent à la maîtriser.

Suite à cet évènement, le Tribunal de première instance de La Côte condamne notamment la restauratrice pour tentative d’explosion. Son appel ayant été rejeté par le Tribunal cantonal, elle introduit un premier recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui admet le recours pour défaut d’examen d’un grief soulevé en appel et renvoie la cause à l’instance précédente.… Lire la suite