Publications par Célian Hirsch

La recevabilité du recours en matière pénale internationale et la violation des principes fondamentaux dans la procédure suisse

ATF 145 IV 99TF, 14.12.2018, 1C_393/2018*

Malgré la teneur du texte français de l’art. 84 al. 2 LTF, qui est en contradiction avec les textes allemand et italien, le recours en matière d’entraide pénale internationale est également recevable lorsque la procédure suisse, et non uniquement celle à l’étranger, viole des principes fondamentaux.

Faits

Une autorité de poursuite pénale turque dépose une demande d’entraide judiciaire auprès des autorités helvétiques compétentes afin de bloquer un compte bancaire et d’en recevoir les valeurs confisquées. Le Ministère public de la Confédération (MPC) accepte la demande de restitution. Sa décision de clôture est toutefois annulée par le Tribunal pénal fédéral en raison de la violation du droit d’être entendu du détenteur du compte dans la procédure turque (RR.2016.267).

Après s’être assuré auprès de l’autorité turque que le droit d’être entendu du détenteur allait être respecté dans la procédure en Turquie, le MPC rend une nouvelle décision de clôture dans laquelle il admet à nouveau la demande d’entraide judiciaire en matière pénale.

Après avoir recouru sans succès auprès du Tribunal pénal fédéral (RR.2018.25), le détenteur du compte dépose un recours auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit préciser les conditions de recevabilité du recours en matière d’entraide pénale internationale.… Lire la suite

Le droit au bonus de l’employé licencié

TF, 10.10.2018, 4A_78/2018

Pour savoir si un employé a droit au bonus, il convient de bien distinguer les trois cas suivants : (1) le salaire (variable), (2) la gratification à laquelle l’employé a droit et (3) la gratification à laquelle il n’a pas droit. Ce n’est que dans ce troisième cas que se pose la question de la requalification du bonus en salaire en vertu du principe de l’accessoriété. La requalification n’est toutefois pas applicable pour les très hauts revenus.

Faits

Un employé de banque perçoit, en plus de son salaire fixe, un bonus discrétionnaire distribué en espèces et sous forme d’actions bloquées. Entre 2007 et 2010, il reçoit un salaire qui varie entre CHF 2’175’000 et 2’525’005 dont CHF 425’000 constitue la part fixe, le reste étant un bonus.

Durant l’année 2010, l’employé met en relation deux clients et assure les contacts entre eux. Dans le cadre de ces relations, l’employé enfreint à plusieurs reprises les directives internes de la banque. En raison de ces manquements, la banque résilie le contrat de travail le 14 novembre 2011 pour le 31 mai 2012 et ne lui verse aucun bonus pour les années 2011 et 2012.

L’employé ouvre action en paiement contre la banque pour un montant total de plus de 4 millions en affirmant avoir été victime d’un licenciement abusif et avoir droit à des bonus pour les années 2011 et 2012.… Lire la suite

L’acte exécuté sans droit pour un Etat étranger (271 CP) et l’erreur sur l’illicéité (21 CP)

TF, 04.12.2018, 6B_804/2018

Si une personne a le sentiment que son comportement envisagé est contraire à la loi, elle ne peut être mise au bénéfice de l’erreur sur l’illicéité (art. 21 CP). Lorsque l’auteur vérifie au préalable la licéité de son comportement auprès d’un avocat, il ne peut s’appuyer sur son avis que si l’avocat dispose des faits de l’affaire dont il est saisi et que s’il a examiné tous les aspects juridiques.

Faits

Dans le cadre du conflit fiscal entre la Suisse et les États-Unis, une société de gestion de fortune constate qu’un certain nombre de ses clients ne sont pas déclarés auprès du fisc américain. Le président du conseil d’administration de la société s’annonce auprès du Department of Justice américain, lequel veut les noms des clients, mais refuse de déposer une demande d’assistance administrative ou judiciaire.

Avant de remettre les noms des clients au DoJ, le président du conseil administration de la société vérifie la légalité de sa démarche auprès d’une étude d’avocats. Ayant encore quelques doutes sur la légalité, il demande également un avis de droit à un professeur et à une juriste. L’avis de droit affirme que la transmission de données peut être justifiée “dans tous les cas” par l’état de nécessité licite (art.Lire la suite

Le licenciement immédiat de l’employé harceleur

TF, 10.10.2018, 4A_105/2018

Un cadre qui a adopté des gestes et propos grossiers et à connotation sexuelle peut, selon la gravité, voir son contrat de travail résilié avec effet immédiat. Le fait que l’employé-e victime ne dépose pas de plainte pénale ne permet pas de retenir un consentement tacite aux gestes et propos déplacés. De même, une ambiance « familière » ne saurait justifier un tel comportement.

Faits

Une société engage une personne en tant que cuisinier, puis comme chef du secteur hôtelier. En 2004, il est reproché à l’employé d’avoir adopté des comportements déplacés envers le personnel féminin. En 2013, une apprentie informe la direction que cet employé a des gestes et propos grossiers et à connotation sexuelle à son égard. Il lui aurait notamment demandé de se mettre à quatre pattes en l’appelant parfois « petite chérie » ou « petite cochonne ». De plus, il lui aurait donné des bisous et fait des caresses sur la joue. L’employé est dès lors licencié avec effet immédiat pour ce motif (ainsi que pour un second motif).

L’employé saisit le Tribunal des prud’hommes de l’arrondissement de la Sarine et demande des dommages-intérêts à titre de résiliation anticipée. Le Tribunal admet sa demande et condamne l’employeur à lui verser une indemnité à titre de licenciement anticipé ainsi qu’une seconde indemnité à titre de licenciement injustifié.… Lire la suite

L’exploitabilité de découvertes fortuites obtenues grâce à une balise GPS

ATF 144 IV 370TF, 02.11.2018, 1B_345/2018*

La mise en place de dispositifs techniques de surveillance aux fins de localiser une personne ou une chose (art. 280 let. c CPP) est soumise aux conditions prévues par l’art. 269 CPP (conditions pour la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication), applicable par renvoi de l’art. 281 al. 4 CPP, et non aux conditions prévues par l’art. 273 al. 1 CPP (identification des usagers, localisation et caractéristiques techniques de la correspondance), lequel est une norme particulière.

Faits

Une personne prévenue d’infractions graves à la LStup voit son véhicule surveillé au moyen de l’installation d’une balise GPS suite à l’autorisation rendue par le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne (TMC). Alors qu’il est sous surveillance, le prévenu commet à plusieurs reprises des excès de vitesse.

Par décision du 7 septembre 2016, le TMC admet la requête du Ministère public du canton de Berne qui désire pouvoir utiliser à l’encontre du prévenu les découvertes fortuites issues de la surveillance GPS. Le Ministère public notifie au prévenu cette décision contre laquelle ce dernier dépose un recours auprès de la Cour suprême du canton de Berne.

La Cour admet le recours, annule la décision du TMC et ordonne la destruction immédiate des preuves (BK 2017 447).… Lire la suite