Publications par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

Défaut de qualité pour défendre, désignation inexacte des parties et simple inadvertance

ATF 144 III 93 | TF, 22.01.2018, 4A_635/2016*

Sauf à tomber dans le formalisme excessif, le tribunal doit entrer en matière même sur des conclusions formellement insuffisantes lorsqu’il résulte clairement des motifs du mémoire quelles sont les conclusions prises.

Faits

Dans le contexte d’une action en paiement (pour une présentation des faits à la base de cette action en paiement, cf. LawInside.ch/576), la défenderesse décède en cours de procédure de première instance. Sa fille prend dès lors sa place à la procédure.

Le Tribunal de première instance tranche en faveur de la défunte, soit pour elle sa fille, et rejette l’action en paiement du demandeur. Celui-ci dépose un appel contre ce jugement concluant  à sa réforme en ce sens que la défunte (et non sa fille) soit condamnée à lui payer le montant qu’il réclame.

L’autorité cantonale rejette l’appel au motif que l’appelant a recouru contre une personne décédée. Celui-ci recourt dès lors au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si l’autorité cantonale est tombée dans un formalisme excessif.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler la distinction entre la désignation inexacte d’une partie, qui est un vice formel entraînant une décision d’irrecevabilité s’il ne peut être réparé, et la question de la qualité pour défendre, qui est une condition de fond de l’exercice de l’action si bien que si elle fait défaut, elle entraîne une décision de rejet.… Lire la suite

L’interprétation objective du contrat

ATF 144 III 93 | TF, 22.01.2018, 4A_635/2016*

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – il doit recourir à l’interprétation normative (ou objective).

Faits

Un homme et une femme vivent en couple entre 1988 et 1999 sans pour autant faire ménage commun. La compagne a toujours été indépendante financièrement. À compter de janvier 1997, elle souffre d’une hernie discale si bien qu’elle doit prendre une retraite anticipée en 1999 alors qu’elle a 58 ans. Du fait de cette retraite anticipée, elle touche une rente mensuelle de CHF 5’000, contre CHF 7’000 si elle avait pu travailler jusqu’à ses 62 ans.

En septembre 1997, la compagne achète une villa. Son compagnon lui transfère un montant d’environ CHF 650’000 pour procéder à cet achat. En 2000, le couple se sépare et la compagne quitte le domicile conjugal. Trois ans plus tard, elle vend sa villa. Son ex-compagnon lui réclame alors le remboursement des CHF 650’000 qu’il lui avait versés expliquant qu’il s’agissait d’un prêt. La compagne refuse au motif qu’il s’agit d’une donation.

Le compagnon ouvre action devant les autorités vaudoises lesquelles, tant en première instance qu’en appel le déboutent au motif qu’il a échoué à prouver que sa compagne avait une obligation de restitution.… Lire la suite

L’organisation d’une étude d’avocats en société anonyme

ATF 144 II 147TF, 15.12.2017, 2C_1054/2016 et 2C_1059/2016*

Le fait que des personnes autres que des avocats inscrits dans un registre cantonal détiennent des droits de participation dans une étude d’avocats, organisée sous forme de personne morale, ou siègent dans son conseil d’administration, n’est pas conciliable avec les garanties d’indépendance et de secret professionnel prévues dans la LLCA.

Faits

En 2008, une étude d’avocats zurichoise se voit autoriser la pratique de la profession d’avocat en étant organisée en société anonyme par la Commission de surveillance des avocats de Zurich.

En 2015, deux avocats de cette étude zurichoise, en leur qualité de membres du conseil d’administration, sollicitent de la Commission du barreau de Genève l’agrément pour l’exercice de la profession d’avocat sous forme d’une société de capitaux. À l’appui de leur requête, ils exposent que les statuts de l’étude prévoient qu’au minimum trois quarts des associés doivent être avocats inscrits à l’un des barreaux cantonaux. Au moment de la requête, un seul des trente-neuf associés de l’étude, expert fiscal diplômé, n’est pas inscrit à un registre cantonal d’avocats.

La Commission du barreau de Genève rejette la requête de l’étude zurichoise et cette décision est confirmée par la Cour de justice genevoise.… Lire la suite

La collaboration des parties dans la procédure de levée de scellés

ATF 143 IV 462 | TF, 22.11.2017, 1B_376/2017*

Dans une procédure de levée des scellés, la partie qui indique pour chaque pièce saisie en quoi la pièce est couverte par le secret professionnel de l’avocat collabore suffisamment avec l’autorité si bien que celle-ci est tenue de prendre en compte les explications fournies. 

Faits

Dans le contexte d’une procédure de levée de scellés devant le Tribunal des mesures de contraintes, une société tierce à la procédure pénale demande que les documents saisis à son siège social couverts par le secret professionnel de l’avocat soient distingués de ceux qui ne le sont pas et que les scellés soient maintenus pour eux. À ce titre, la société produit une liste des documents soumis au secret.

Malgré cette demande de tri, le Tribunal des mesures de contrainte ordonne la levée des scellés sur presque l’ensemble des documents saisis. Il explique que la société n’a pas rempli ses obligations de collaboration et n’a pas indiqué de manière suffisamment précise pourquoi les pièces saisies sont protégées par le secret. Partant, vu le volume des données saisies, faute de temps et de moyens, un tri n’est pas rendu possible.

La société recourt contre cette décision au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si le Tribunal des mesures de contraintes aurait dû procéder au tri requis.… Lire la suite

La rémunération de l’entrepreneur en cas de commande supplémentaire du maître d’ouvrage

ATF 143 III 545 | TF, 20.11.2017, 4A_125/2017*

Lorsqu’un maître d’ouvrage commande des travaux complémentaires à un entrepreneur et que les parties ne déterminent pas le mode de calcul de la rémunération complémentaire, celle-ci s’établit, en application de la Norme SIA 118, d’après les prix usuels du marché au moment de la nouvelle commande et non d’après le travail supplémentaire effectif de l’entrepreneur.

Faits

Sur la base d’un contrat d’entreprise à prix forfaitaire auquel la Norme SIA 118 est intégrée, un entrepreneur s’engage à livrer un ouvrage à un maître d’ouvrage. Durant le cours des travaux, celui-ci adresse à l’entrepreneur plusieurs commandes supplémentaires sans que les parties ne définissent le mode de rémunération de ces nouvelles commandes.

Après que l’entrepreneur les a exécutées, un litige relatif au prix que doit payer le maître pour le travail supplémentaire de l’entrepreneur survient entre les parties. L’entrepreneur porte le litige devant le Tribunal de commerce de Zurich par une action en paiement.

L’instance unique zurichoise considère que la Norme SIA 118 ne règle pas la situation où des travaux supplémentaires commandés sont exécutés par l’entrepreneur lui-même (cp. art. 87 al. 4 cum art. 89 al. 3 Norme SIA 118) alors même que les parties ne s’étaient pas entendues au préalable sur la rémunération due à l’entrepreneur.… Lire la suite