La condamnation d’un mineur malgré l’acquittement du coauteur à la suite d’une médiation réussie

TF, 17.06.2020, 6B_1410/2019*

Lorsque deux personnes mineures commettent ensemble un viol, l’aboutissement du processus de médiation à l’égard de l’un des coauteurs n’empêche pas la condamnation de l’autre intéressé. En effet, le juge doit examiner l’aboutissement de la procédure de médiation à l’égard de chaque auteur individuellement.

Faits

Une adolescente, âgée de 15 ans à l’époque des faits, est en couple avec un jeune homme. Ce dernier, avec le concours de l’un de ses amis également mineur (le prévenu), contraint sa petite amie à subir des actes d’ordre sexuel. Pour ce faire, les deux adolescents attirent et enferment leur victime chez le prévenu. Puis, usant de la force et tout en l’insultant, ils la touchent et la violent successivement, profitant de leur supériorité numérique et physique.

La médiation ordonnée par le Juge des mineurs n’aboutit qu’avec le petit ami de la victime, de sorte que ce dernier bénéficie d’une ordonnance de classement. Son coprévenu, en revanche, refuse d’admettre les faits ; il est reconnu coupable de viol et condamné à 7 mois de privation de liberté avec sursis pendant un an. Par jugement complémentaire, le Tribunal des mineurs le condamne également à payer à la victime la somme de CHF 10’000 plus intérêts à titre de réparation morale ainsi que CHF 10’952 pour ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de première instance.… Lire la suite

Schrems II : Validation des clauses types (CJUE) (2/2)

CJUE, 16.07.2020, Maximilian Schrems et Data Protection Commissioner contre Facebook Ireland Ltd. (C-311/18)

Les clauses types de protection des données adoptées par la Commission européenne sont valides, bien qu’elles ne soient pas opposables aux autorités du pays vers lequel les données sont transférées. Cela étant, le recours aux clauses types ne dispense pas l’exportateur de données d’évaluer les risques dans le cas concret et, le cas échéant, d’établir des garanties supplémentaires. L’exportateur doit en particulier vérifier que le droit du pays de destination permet au destinataire des données de respecter ses engagements et n’autorise pas d’ingérence disproportionnée de la part des autorités.

Faits

Maximilian Schrems, juriste et activiste autrichien, introduit une plainte concernant le transfert de ses données personnelles par la filiale européenne de Facebook à une entité du groupe aux États-Unis. À l’issue d’une enquête, l’autorité de contrôle irlandaise saisit la High Court afin que celle-ci vérifie la validité des motifs justificatifs sur lesquels s’appuie Facebook pour exporter les données vers les États-Unis. La High Court sursoit à statuer et saisit la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles.

La CJUE est notamment invitée à examiner la validité de (1) la décision d’adéquation de la Commission européenne permettant les transferts de données vers les États-Unis dans le cadre du Privacy Shield et (2) la décision de la Commission européenne selon laquelle les clauses types de protection des données offrent des garanties suffisantes pour un transfert de données vers un pays tiers.… Lire la suite

Le devoir d’informer les tiers de l’existence d’une procédure d’assistance administrative

ATF 146 I 172 | TF, 13.07.2020, 2C_376/2019*

Le devoir d’information de l’Administration fédérale des contributions selon l’art. 14 al. 2 LAAF est limité aux seuls cas dans lesquels la qualité pour recourir du tiers selon l’art. 19 al. 2 LAAF est évidente. Le fait que le tiers peut, même à juste titre, plaider que son nom ne constitue pas un renseignement vraisemblablement pertinent (art. 4 al. 3 LAAF) ne suffit pas à lui seul à justifier une telle information.

Faits

L’autorité fiscale espagnole adresse une demande d’assistance administrative à l’Administration fédérale des contributions (AFC) au sujet d’un contribuable espagnol. La demande porte sur un contrat de cession conclu entre une société suisse et une société brésilienne au sujet des droits d’image du contribuable. Les noms de plusieurs sociétés brésiliennes tierces sont cités dans le contrat.

L’AFC accorde l’assistance administrative. Sur recours, le Tribunal administratif fédéral constate la nullité de la décision de l’AFC au motif que le droit d’être entendu des sociétés brésiliennes a été violé. Ces sociétés n’ont en effet pas été informées par l’AFC de l’existence de la procédure et ne se sont également pas vu notifier la décision de l’AFC, alors que des informations à leur propos sont transmises (TAF, 08.04.2019, A-6871/2018, résumé in LawInside.ch/815Lire la suite

La violation de l’art. 47 LB par l’avocat produisant un document couvert par le secret bancaire

TF, 22.06.2020, 6B_247/2019

Le fait pour un avocat de produire un document non caviardé couvert par le secret bancaire dans le cadre d’une procédure civile constitue une violation de l’art. 47 al. 1 let. c LB. L’avocat n’agit pas de manière licite au sens de l’art. 14 CP lorsque son acte viole les obligations découlant de l’art. 12 let. a LLCA, notamment parce que la violation du secret bancaire n’était pas objectivement nécessaire et qu’il n’a pas pris la peine de consulter l’entièreté du document. En toute hypothèse, c’est au tribunal de décider de la production d’une pièce couverte par le secret.

Faits

Un avocat défend l’ancien employé d’une banque devant les juridictions prudhommales zurichoises. Celui-ci remet à l’avocat un document reçu durant ses rapports de travail (l’«US-Exit Report ») et contenant des données soumises au secret bancaire. Afin de démontrer l’existence de relations d’affaires problématiques de la banque avec des clients américains, l’avocat produit ce document sans le caviarder.

Le Tribunal pénal zurichois de première instance condamne l’avocat à une peine pécuniaire avec sursis pour violation de l’art. 47 al. 1 let. c LB. Le Tribunal cantonal ayant prononcé un acquittement en appel, le Ministère public central zurichois exerce un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’avocat a agi de manière licite au sens de l’art.Lire la suite

L’homme de confiance, la procuration illimitée et la bonne foi de la banque

ATF 146 III 121 | TF, 10.12.2019, 4A_504/2018*

La banque qui exécute des virements bancaires requis par un titulaire d’une procuration ne peut pas invoquer sa bonne foi (art. 3 al. 2 CC) lorsqu’elle se trouve en conflit d’intérêts, qu’elle a des doutes quant à la légitimation du représentant et qu’elle ne procède néanmoins à aucune vérification directement auprès de la cliente. N’étant pas de bonne foi, la banque ne peut pas se prévaloir de la procuration bancaire signée par la cliente (rapports externes) lorsque le représentant dépasse les pouvoirs qui lui ont été octroyés par la cliente (rapports internes).

Faits

Un homme d’affaires milliardaire français et sa compagne tissent des liens de confiance avec un maître de chantier. Au décès du premier, l’homme de confiance reste proche de la compagne. Il s’occupe notamment peu à peu de la gestion de ses avoirs.

Après s’être installée en Suisse en 2004, la compagne ouvre un compte bancaire et donne une procuration générale et illimitée à l’homme de confiance, lequel est présenté à la banque comme un ami de longue date.

De 2006 à 2009, l’homme de confiance détourne environ CHF 13’000’000 à l’aide de 14 ordres de virement en faveur de son propre compte auprès de la banque ou d’une banque tierce.… Lire la suite