Archive d’étiquettes pour : bonne foi

Les effets de l’annulation d’une naturalisation facilitée

TF, 17.06.2024, 1C_54/2024*

i) L’acquisition de la nationalité suisse par l’un·e des conjoint·e·s par naturalisation ordinaire après le mariage ne permet pas à l’autre conjoint·e de bénéficier de la naturalisation facilitée (art. 21 al. 1 et 3 a contrario LN).

ii) Le ou la conjoint·e d’une personne dont la naturalisation facilitée obtenue grâce à une précédente union est annulée pour cause de fraude après le second mariage ne peut déposer une demande de naturalisation facilitée. Les conditions de l’art. 21 al. 1 LN ne sont pas remplies, la personne dont la naturalisation est annulée n’étant pas considérés comme suisse au moment du mariage.

Faits

Une ressortissante angolaise est mise au bénéfice d’une admission provisoire dès son arrivée en Suisse. Par la suite, elle épouse une personne d’origine angolaise, naturalisée par voie facilitée à la suite d’une précédente union avec une citoyenne suisse. Quatre ans plus tard, l’Office fédéral des étrangers annule la naturalisation facilitée anciennement accordée à l’époux en raison d’une acquisition frauduleuse.

L’époux obtient la nationalité suisse par la voie de la naturalisation ordinaire une quinzaine d’années plus tard. L’épouse dépose alors une demande de naturalisation facilitée. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) classe la demande et cette décision est confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF).… Lire la suite

L’avocat doit expliquer à son client le jugement reçu (art. 12 let. a LLCA)

TF, 13.02.2024, 2C_84/2023

Le défenseur d’office ne peut pas se départir de son mandat sans en faire la requête à la direction de la procédure, nonobstant la rupture préalable du lien de confiance (art. 134 al. 2 CPP). Même s’il dénonce son mandat sans droit, il reste lié par son devoir de diligence. En particulier, il reste tenu de proposer des explications sur le jugement et l’opportunité d’un recours, indépendamment de savoir si le client en souhaite effectivement ou non (art. 12 let. a LLCA).

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale, un prévenu représenté par un défenseur d’office est condamné pour meurtre notamment. Le 17 mars 2020, son avocat lui transmet l’arrêt de l’Obergericht de Zurich et lui déclare mettre un terme à son mandat en raison de la réduction de dépens opérée par le tribunal de première instance. Il lui déclare en particulier :

« Étant donné que je dois déjà amortir plusieurs milliers de francs, en tout cas dans votre affaire, d’autres prestations de ma part, comme cette seule lettre, devraient être fournies gratuitement. Vous comprendrez que je ne suis ni prêt ni en mesure de le faire, car notre cabinet d’avocats – contrairement aux tribunaux – travaille selon des principes commerciaux » (traduction libre).

Lire la suite

Contrat de prise en charge postale et preuve de l’expédition du pli 

TF, 12.12.2023, 4A_95/2023 (rendu en audience publique)

L’expéditeur qui choisit un mode de transmission postal sans délivrance par la poste d’une attestation – en l’espèce, la remise d’un pli à un coursier en vertu d’un contrat de prise en charge avec la Poste suisse – court le risque de ne pas pouvoir apporter la preuve certaine de la remise de l’envoi en temps utile. Cependant, il garde le droit de l’apporter par tout autre moyen de preuve adéquat.

Faits

Une étude, chargée de représenter une société dans une affaire civile, dépose un appel contre un arrêt de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud rendu le 21 septembre et notifié le lendemain, soit le 22 septembre 2021.

Le mémoire d’appel énonce avoir été envoyé le vendredi 22 octobre. Le suivi de la distribution indique que le pli, envoyé en colis PostPacEconomy, a été trié au Centre colis de Daillens le lundi 25 octobre à 6h39 et est parvenu au Tribunal cantonal vaudois le mercredi 27 octobre.

L’étude d’avocat est au bénéfice d’un contrat de prise en charge avec la Poste suisse, en vertu duquel un coursier vient récupérer quotidiennement le courrier à l’étude entre 17h et 17h30. L’étude soutient que le courrier contenant le mémoire d’appel a été remis au coursier le vendredi 22 octobre.… Lire la suite

La notification par courrier A Plus d’une décision enregistrée sur une clé USB cryptée

ATAF 2022 I/5

La notification par courrier A Plus d’une décision enregistrée sur une clé USB cryptée dont l’accès nécessite un mot de passe constitue une forme hybride de notification qui n’est pas reconnue par la loi. Elle n’est par conséquent pas valable. En application des règles de la bonne foi, la décision est valablement notifiée le jour où l’autorité garantit matériellement l’accès à la décision par la communication du mot de passe.

Faits

Dans une procédure d’assistance administrative internationale en matière fiscale avec l’Espagne, l’Administration fédérale des contributions (AFC) notifie sa décision finale aux personnes concernées par courrier A Plus. La décision, datée du 25 février 2022, est notifiée selon l’extrait du suivi des envois « Track & Trace » le lendemain, à savoir le samedi 26 février 2022. Dans l’enveloppe se trouve une clé USB cryptée sur laquelle est enregistrée la décision. L’accès à la clé USB nécessite un mot de passe qui doit être communiqué par l’AFC.

Le 30 mars 2022, les personnes concernées forment un recours au Tribunal administratif fédéral (TAF). Elles font valoir que la décision attaquée aurait été notifiée le lundi 28 février 2022, à savoir le premier jour ouvrable qui suit l’envoi de la décision et durant lequel leur avocat a récupéré le courrier A Plus et obtenu par courrier électronique de l’AFC le mot de passe pour accéder à la décision figurant sur la clé USB cryptée.… Lire la suite

CourEDH: La condamnation pénale d’un lanceur d’alerte viole son droit à la liberté d’expression (art. 10 CEDH)

CourEDH, 14.02.2023, Affaire Halet c. Luxembourg, requête no 21884/18

La condamnation pénale d’un lanceur d’alerte des “LuxLeaks” viole sa liberté d’expression (art. 10 CEDH) car la mesure n’est pas nécessaire dans une société démocratique au sens de l’art. 10 par. 2 CEDH. En effet, l’intérêt public lié à la divulgation des informations en cause l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables, soit le préjudice financier et réputationnel de l’employeur, l’intérêt public à prévenir et à sanctionner le vol, et le respect du secret professionnel. 

Faits

Un employé français travaille pour une société d’audit et de conseil, dont l’activité consiste notamment à établir des déclarations fiscales au nom et pour le compte de ses clients et à demander auprès des administrations fiscales des décisions fiscales anticipées (ou « rulings fiscaux”).

Entre 2012 et 2014, plusieurs centaines de déclarations fiscales établies par la société de conseil sont publiées dans différents médias. Ces publications mettent en lumière une pratique, s’étendant de 2002 à 2012, d’accords fiscaux très avantageux passés entre la société de conseil pour le compte de sociétés multinationales et l’administration fiscale luxembourgeoise (affaire dite “LuxLeaks”).

Il s’avère que ces documents confidentiels ont été copiés par un employé de la société de conseil et transmis à un journaliste à la demande de celui-ci.… Lire la suite