La notion d’aide sociale dans la LEtr

ATF 141 II 401 | TF, 27.10.2015, 2C_750/2014*

Faits

Deux conjoints ressortissants du Sénégal vivent en Suisse (au Tessin) avec leur enfant. L’époux et l’enfant sont au bénéfice d’un permis d’établissement (C), l’épouse d’un permis de séjour (B). Le couple a perçu pendant deux ans des allocations cantonales pour petite enfance et perçoit depuis 2009 des allocations familiales intégratives (également cantonales).

L’autorité cantonale compétente refuse de délivrer à l’épouse un permis d’établissement (C) au motif qu’elle dépend de l’aide sociale. Par la même occasion, elle avertit les conjoints que leur dépendance des allocations familiales cantonales pourrait entraîner le retrait de leurs permis. Sur recours, l’autorité de recours confirme l’avertissement à l’égard de la femme tout en prenant acte du retrait de l’avertissement à l’égard du mari. Les deux conjoints recourent au Tribunal fédéral qui doit déterminer si des allocations familiales cantonales tombent sous le coup de la notion d’aide sociale au sens de l’art. 62 let. e LEtr.

Droit

Aux termes de l’art. 62 let. e LEtr, l’autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l’exception de l’autorisation d’établissement, si l’étranger ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale. Expression du principe de proportionnalité, l’art.Lire la suite

L’aide sociale aux détenteurs de permis L

ATF 141 V 688 | TF, 22.10.2015, 8C_897/2014*

Faits

Un ressortissant étranger s’établit en Suisse et bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE de type L, permis qui est délivré aux travailleurs de l’Union européenne qui souhaitent s’installer en Suisse pour une durée inférieure à un an, dans le cadre d’un contrat de travail ou non. Il effectue une brève mission temporaire, mais est sans emploi pour le surplus. Il requiert l’aide sociale dans sa commune, ce qu’elle lui refuse au motif qu’il ne possède qu’un permis L et ne travaille pas. L’aide d’urgence lui est en revanche accordée. Cette décision est confirmée pour l’essentiel par les autorités cantonales de recours.

Saisi de la cause, le Tribunal fédéral doit déterminer si et le cas échéant à quelles conditions il est admissible d’exclure les détenteurs de permis L de l’aide sociale ordinaire.

Droit

L’aide sociale relève pour l’essentiel de la compétence cantonale. Étant un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, le recourant peut en outre se prévaloir de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération Suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (l’ALCP).

L’ALCP autorise la Suisse à exclure certaines catégories de personnes de l’aide sociale, y compris les titulaires de permis L (art.Lire la suite

L’applicabilité du moratoire sur les zones à bâtir aux procédures pendantes

ATF 143 II 393 | TF, 07.10.15, 1C_449/2014*

Faits

Lors de la révision de son plan d’aménagement local, une commune du Canton de Fribourg affecte une parcelle en zone à bâtir. Les instances cantonales rejettent les recours formés contre la décision communale et approuvent la révision du plan d’aménagement, en dépit de la révision de la LAT intervenue en cours de procédure devant le Tribunal cantonal.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral doit déterminer si le moratoire sur les nouvelles zones à bâtir prévu par le nouveau droit de l’aménagement du territoire s’applique aux procédures déjà pendantes au moment de son entrée en vigueur.

Droit

La LAT révisée durcit les exigences pour un classement en zone à bâtir, dans le but de remédier aux lacunes de la législation antérieure. En vertu du nouvel art. 38a al. 1 LAT, les cantons doivent adapter leurs plans directeurs conformément aux exigences du nouveau droit dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de celui-ci. Entre-temps, la surface totale des zones à bâtir légalisées dans le canton ne doit pas augmenter (art. 38a al. 2 LAT).

Il faut déterminer si l’interdiction d’augmenter la surface des zones à bâtir s’applique également aux décisions de classement qui faisaient l’objet d’un recours au moment de son entrée en vigueur.… Lire la suite

L’invalidation du Safe Harbor (arrêt Facebook)

CJUE, aff. C-362/14, ECLI:EU:C:2015:650 (Schrems)

Faits

Le réseau social Facebook transfère tout ou partie des données personnelles de ses utilisateurs (noms, prénoms, photos, mots de passe…) vers des serveurs situés aux Etats-Unis. Maximilien Schrems, ressortissant autrichien et utilisateur de Facebook, estime que le droit américain n’offre pas une protection suffisante de ses données personnelles et demande aux autorités irlandaises d’interdire leur transfert depuis l’UE vers les Etats-Unis. L’autorité de protection des données irlandaise s’estime incompétente pour vérifier une telle requête dès lors qu’elle estime que la Décision 2000/520 de la Commission européenne l’en empêcherait.

Saisie d’un recours par Schrems, la High Court irlandaise décide de sursoir à statuer et pose à la CJUE la question de savoir si les autorités nationales peuvent examiner la légalité d’un transfert de données vers les Etats-Unis.

Droit

Selon l’art. 25 par. 1 de la Directive 95/46 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données (ci-après la Directive 95/46), « le transfert vers un pays tiers de données à caractère personnel […] ne peut avoir lieu que si […] le pays tiers en question assure un niveau de protection adéquat ». L’examen du niveau de protection adéquat s’examine au regard de l’ensemble des circonstances du transfert des données (art.Lire la suite

Le droit au recomptage des votes

ATF 141 II 297 | TF, 19.08.2015, 1C_348/2015, 1C_350/2015, 1C_356/2015, 1C_360/2015*

Faits

Suite à un référendum, le peuple suisse s’est prononcé le 14 juin 2015 sur la modification de la Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV). Le vote a abouti à 1’128’369 « oui » contre 1’124’673 « non », soit une courte majorité de 3’696 voix en faveur de la modification.

Quatre personnes ont contesté en vain ce résultat devant les gouvernements de leurs cantons respectifs, puis formé recours au Tribunal fédéral.

L’arrêt porte en particulier sur les conditions auxquelles les votants peuvent exiger le recomptage des voix exprimées dans une votation.

Droit

Le droit fédéral prévoit un droit de recours en cas d’irrégularité affectant les votations (art. 77 al. 1. let. b LDP), concrétisant ainsi la garantie constitutionnelle de l’expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens et citoyennes (art. 34 al. 2 Cst).

Les juges de Mon-Repos avaient admis l’existence d’un droit à contester le résultat d’une votation et à exiger le recomptage des voix lorsque le résultat d’une votation était très serré même en l’absence d’indice d’irrégularités à proprement parler, au motif que la fiabilité accrue des résultats d’un recomptage favorise l’acceptation par les citoyens de la décision concernée (ATF 136 II 132).… Lire la suite