Naturalisation : un certificat de maturité suffit-il à prouver le niveau de langue requis ?

ATF 148 I 271 | TF, 08.03.2022, 1D_4/2021*

Dans le cadre d’une procédure de naturalisation, le requérant peut prouver de bonnes connaissances de langue au moyen d’un certificat de maturité suisse.

Faits

Une ressortissante camerounaise de langue maternelle française dépose une demande de naturalisation auprès de la commune de Thoune. On lui demande dans ce contexte de prouver des connaissances suffisantes en allemand par le biais d’un certificat d’une école de langue reconnue. L’intéressée fournit son certificat de maturité suisse sur lequel figure la note de quatre (soit la moyenne) en allemand langue étrangère.

Le Conseil communal de Thoune n’entre pas en matière sur la demande de naturalisation, arguant que la requérante n’a pas présenté le certificat d’une école de langue reconnue. Cette dernière fait alors recours jusqu’au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le certificat de maturité est propre à attester du niveau de langue requis dans une procédure de naturalisation.

Droit

Aux termes de l’art. 38 al. 2 Cst., la Confédération édicte des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons. Pour la naturalisation ordinaire, un requérant doit ainsi notamment démontrer une intégration réussie (art. 11 LN). Celle-ci se manifeste en particulier par une aptitude à communiquer au quotidien dans une langue nationale, à l’oral et à l’écrit (art.Lire la suite

La responsabilité de la Confédération pour les actes du délégataire d’une tâche publique

ATF 148 II 218 | TF, 17.12.2021, 2C_69/2021*

La responsabilité du délégataire d’une tâche publique au sens de l’art. 19 LRCF n’est engagée que s’il existe une base légale suffisante autorisant la délégation de l’activité en question. À défaut, la Confédération demeure exclusivement responsable du dommage causé sans droit par le délégataire dans l’exercice de cette activité.

Faits

En 2014, l’Office fédéral des migrations (ODM ; aujourd’hui Secrétariat d’État aux migrations) conclut un accord-cadre avec la société Securitas SA (Securitas). Cet accord-cadre règle les modalités de la fourniture par Securitas de prestations visant en particulier à garantir la sécurité et l’ordre dans les centres d’enregistrements de l’ODM.

En 2018, deux employés de Securitas sont impliqués dans une altercation violente avec un requérant d’asile. S’estimant victime d’un acte illicite, le requérant d’asile fait valoir des dommages-intérêts et un tort moral à l’encontre de Securitas. En outre, il forme une requête d’assistance judiciaire.

Securitas se tourne alors vers le Département fédéral des finances (DFF) afin de l’informer du fait qu’elle prévoit d’admettre la requête d’assistance judiciaire formée par le requérant d’asile. Elle considère que la Confédération est tenue de supporter les frais en découlant et souhaite en obtenir la confirmation avant de rendre sa décision.… Lire la suite

La sanction de la violation du devoir de collaboration du requérant d’asile

ATF 148 IV 281 | TF, 28.03.2022, 6B_1361/2020*

Lorsqu’une procédure d’asile se termine par la notification au requérant d’une décision de renvoi exécutoire, le devoir de collaborer du requérant à l’établissement de documents de voyage valides est régi par l’art. 8 al. 4 LAsi. La sanction pénale de la violation de cette obligation est contraire au principe de légalité, la LAsi ne prévoyant pas de telles conséquences pénales.

Faits

Un requérant d’asile reçoit une décision de non-entrée en matière, confirmée par le Tribunal administratif fédéral. Dans ce contexte, il est reproché au requérant d’asile de n’avoir entamé aucune démarche afin d’obtenir des documents d’identité auprès de la représentation iranienne en vue de son renvoi.

Le Tribunal de district de Bülach condamne le requérant d’asile pour la violation de son obligation de collaborer à l’établissement de documents de voyage au sens des art. 90 let. c LEI cum art. 120 al. 1 let. e LEI et lui inflige une amende de Fr. 150.-.

Par la suite, l’Obergericht de Zurich confirme partiellement la décision de première instance, en faisant cependant référence non pas à la LEI mais à la LEtr. Le requérant d’asile demande l’annulation de ce jugement auprès du Tribunal fédéral en formant un recours en matière pénale.… Lire la suite

Les chauffeurs Uber sont-ils des employés ?

TF, 30.05.2022, 2C_34/2021

Il n’est pas arbitraire de retenir l’existence d’un contrat de travail entre les chauffeurs Uber opérant à Genève et leur cocontractant Uber B.V.. Ainsi, cette société doit être qualifiée d’”exploitant d’entreprise de transport” au sens de l’art. 4 let. c LTVTC/GE et respecter les obligations y afférentes, notamment en matière de protection sociale et de conditions de travail des chauffeurs.

Faits

Suite à l’entrée en vigueur de la loi genevoise sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC/GE) en juillet 2017, la société Uber Switzerland Gmbh avec siège à Zurich (“Uber CH”) dépose une annonce de l’activité de diffuseur de courses auprès du Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (“Service cantonal”). Ce dernier délivre à Uber CH une attestation d’annonce.

En mars 2019, un chauffeur VTC ayant travaillé avec l’application Uber Driver interpelle le Service cantonal sur la légalité de la suspension de son compte sans préavis par Uber. Le Service cantonal transmet le cas à la Direction de l’Office cantonal du travail, qui entend plusieurs chauffeurs dans ses locaux.

Le 28 juin 2019, le Service cantonal informe Uber CH de son intention de requalifier le statut de l’entreprise.… Lire la suite

La publication automatique d’une sanction respecte-t-elle la Constitution ?

ATF 148 I 226 | TF, 07.08.2022, 2D_8/2021*

La publication automatique d’une sanction en matière de marchés publics dans le journal officiel cantonal viole l’art. 13 al. 2 Cst.

Faits

Le Conseil d’État du Tessin exclut une société tessinoise de l’attribution des marchés publics. En effet, la société aurait effectué de la sous-traitance en chaîne alors que cela était strictement interdit. Le Conseil d’État décide que sa décision d’exclusion sera publiée sur le site Internet de l’autorité cantonale compétente pour la durée de l’exclusion ainsi que dans la Feuille officielle cantonale.

La société conteste devant le Tribunale amministrativo tessinois en particulier la publication de la sanction, sans succès.

Saisi du litige, le Tribunal fédéral doit examiner si la publication de la sanction respecte le droit à l’autodétermination informationnelle garanti par l’art. 13 al. 2 Cst.

Droit

L’art. 13 al. 2 Cst. prévoit que “toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent”.

Malgré ce texte restreint, la jurisprudence reconnait que le droit à l’autodétermination informationnelle protège contre la divulgation et la diffusion de données personnelles. Pour les personnes morales, ce droit garantit la protection de leur entreprise, de leurs communications et de leurs données ainsi que de leur réputation.… Lire la suite