La preuve du respect du délai d’appel (art. 311 al. 1 CPC)

TF, 10.02.2023, 4A_466/2022

L’obligation d’annoncer spontanément des moyens de preuves avant l’expiration du délai de recours (ou d’appel) afin de prouver que celui-ci a été respecté ne vaut pas lorsque l’expéditeur peut légitimement supposer que le courrier sera enregistré le même jour. 

Faits

Une société agit en paiement contre une autre société et un individu. Par jugement du 17 mai 2022, le Tribunal de district valaisan déboute la société demanderesse et notifie le jugement à son avocate le lendemain.

La société demanderesse interjette appel auprès du Tribunal cantonal valaisan contre ce jugement. Son mémoire, daté du 17 juin 2022, indique sous “Recevabilité” qu’il a été remis le vendredi 17 juin 2022 par pli recommandé à un bureau de poste suisse.

Or le pli ne parvient au Tribunal cantonal valaisan que le mardi 21 juin 2022, alors que le délai d’appel a expiré le 17 juin 2022.

Le juge du Tribunal cantonal retrace le cheminement du courrier et constate que la première opération attestée par La Poste est un tri au centre postal de Daillens (VD) le lundi 20 juin 2022 à 07h12. Il requiert donc de l’avocate d’apporter la preuve que son envoi a été expédié le 17 juin 2022.… Lire la suite

La prise en compte globale des contributions de prise en charge et d’entretien du conjoint en appel

TF, 05.12.2022, 5A_60/2022*

En cas de réduction de la contribution de prise en charge de l’enfant, il n’est pas arbitraire d’augmenter dans la même mesure la contribution d’entretien due au conjoint même si celle-ci est non contestée dans l’appel interjeté par le parent débiteur.

Faits

En 2018, un couple se marie. Leur fille naît la même année. En octobre 2020, l’épouse saisit le Kantonsgericht de Zoug d’une demande de mesures protectrices de l’union conjugale. Elle demande en particulier que son époux lui verse, pour elle et sa fille, une contribution d’entretien mensuelle de près de CHF 10’000.

La juge unique accorde notamment une contribution d’entretien mensuelle de CHF 7’400 en faveur de la fille du couple. Sur appel du seul époux, l’Obergericht réduit le montant des contributions dues à l’enfant, mais prévoit en revanche une contribution d’entretien pour l’épouse, qui augmente au fur et à mesure que celle due à l’enfant diminue.

L’époux exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il est arbitraire, en cas de réduction d’une contribution due à l’enfant, d’augmenter dans la même mesure la contribution d’entretien due au conjoint alors que celle-ci n’est pas contestée par le parent débiteur.… Lire la suite

L’arbitre unique et la demande de révision

ATF 149 III 93 | TF, 25.11.2022, 4F_16/2022*

Exceptionnellement, un·e arbitre peut avoir qualité pour former une demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral (art. 121ss LTF), lorsque ce dernier y admet que les frais arbitraux sont excessifs (art. 393 lit. f CPC) et les réduit. Dans ces circonstances, l’arbitre est directement lésé·e dans ses intérêts et dispose d’un intérêt digne de protection à l’annulation ou à la modification de l’arrêt.

Faits

À la suite d’une procédure arbitrale qui s’est soldée par un accord transactionnel, l’arbitre unique fixe les frais de procédure à CHF 96’600 et les met à la charge du demandeur. Ce dernier exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui réduit les frais à CHF 30’000 (arrêt du Tribunal fédéral 4A_30/2022 du 3 mai 2022).

Par requête du 13 juillet 2022, l’arbitre unique demande la révision de l’arrêt. Le Tribunal fédéral doit déterminer si, dans ces circonstances, l’arbitre dispose de la légitimation active pour le faire.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que seules les personnes légitimées peuvent demander la révision de l’un de ses arrêts (ATF 144 I 214, c. 2.1, résumé  in LawInside.ch/634Lire la suite

La recevabilité du recours en matière civile à l’encontre d’une décision cantonale de première instance

TF, 08.09.2022, 5A_130/2022*

En vertu du principe de l’épuisement formel des voies de droit, une décision de première instance rendue à la suite d’une décision de renvoi prononcée par une autorité cantonale de dernière instance doit en principe à nouveau être attaquée par un recours cantonal. Un recours direct au Tribunal fédéral n’est ouvert que lorsque les griefs du recourant portent exclusivement sur les considérants de la décision de renvoi et que l’autorité de première instance ne bénéficie d’aucune marge d’appréciation dans la mise en œuvre de ladite décision.

Faits

Un couple marié a trois enfants communs. En 2014, les époux se séparent.

Sur requête de mesures protectrices de l’union conjugale, le Gerichtspräsidium Zofingen attribue la garde des enfants à l’épouse et condamne l’époux au paiement de contributions d’entretien en faveur des trois enfants et de l’épouse.

En 2017, l’époux introduit une demande en divorce auprès du Bezirksgericht Zofingen. En parallèle, il requiert la modification des mesures protectrices de l’union conjugale en raison d’une prétendue baisse de revenu et compte tenu du fait que son épouse a eu un enfant avec un autre homme avec lequel elle vit à présent en concubinage.

En 2020, le Bezirksgericht admet partiellement la requête de modification des mesures protectrices de l’union conjugale.… Lire la suite

L’exception de compensation lors d’une procédure de cas clair

TF, 09.11.2022, 4A_333/2022*

Un·e locataire qui fait valoir des créances contestées dans le cadre d’une procédure de cas clair (art. 257 CPC) à titre de compensation des loyers impayés pour faire obstacle à son expulsion (art. 257d CO) doit pouvoir prouver immédiatement l’existence de ces créances. Produire une liste de défauts non établis, sans chiffrer les créances, n’est pas suffisant.

Faits

Par lettre recommandée du 16 décembre 2020, une bailleresse somme son locataire et son épouse de payer, dans les 30 jours, un montant de CHF 13’050 correspondant à plusieurs mois de loyers impayés, en les menaçant de résilier le bail en cas de non-paiement dans les délais (art. 257d CO). Le 19 janvier 2021, après n’avoir reçu qu’une partie du paiement demandé, la bailleresse résilie le bail pour le 28 février 2021 au moyen de la formule officielle.

Le 2 mars 2021, la bailleresse ouvre action en cas clair (art. 257 CPC) pour demander l’expulsion des locataires. Le Bezirksgericht d’Aarau n’entre pas en matière (art. 257 al. 3 CPC), ce que confirme l’Obergericht. Le Tribunal fédéral admet le recours contre cette décision (4A_452/2021) et renvoie l’affaire à l’Obergericht, qui admet la demande de la bailleresse et ordonne aux locataires de quitter les locaux dans un délai de dix jours.… Lire la suite