Publications par Tobias Sievert

Le dies a quo de la contribution d’entretien (art. 126 CC)

ATF 142 III 193 | TF, 10.02.2016, 5A_422/2015*

Faits

Un couple marié avec un enfant engage une procédure de divorce. Avant le prononcé du divorce, la vie séparée des époux est réglée par plusieurs ordonnances de mesures provisionnelles.

Le Tribunal de première instance prononce le divorce et condamne l’époux à verser une contribution d’entretien en faveur de l’enfant. Sur appel des époux, la Cour de justice modifie partiellement le jugement de première instance en précisant que l’obligation d’entretien est due de manière rétroactive dès la date du dépôt de la demande en divorce, le jugement de première instance étant muet sur ce point.

Soutenant que la contribution d’entretien de l’enfant est due dès que le jugement devient définitif et exécutoire et non dès la date du dépôt de la demande en divorce, l’époux exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur le dies a quo de la contribution à l’entretien de l’enfant.

Droit

Aux termes de l’art. 126 CC, le juge du divorce fixe le moment à partir duquel la contribution d’entretien est due. Celle-ci prend en principe effet dès l’entrée en force du jugement de divorce. Cependant, le juge peut, en vertu de son pouvoir d’appréciation, fixer le dies a quo à un autre moment.… Lire la suite

La qualité de l’héritier de se constituer demandeur au pénal (art. 121 al. 1 CPP)

ATF 142 IV 82 | TF, 01.02.2016, 6B_827/2014*

Faits

Un mari dépose une plainte pénale contre une personne pour diverses infractions perpétrées contre le patrimoine de sa femme défunte. Il soutient notamment que sa femme a été victime d’une escroquerie (art. 146 CP) et qu’après son décès, le produit de ce crime a fait l’objet d’un blanchiment d’argent (art. 305bis CP).

Le ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière, au motif que le mari n’a pas le statut de lésé au sens de l’art. 115 al. 1 CPP nécessaire pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 310 CPP). Le mari recourt contre cette ordonnance auprès du Tribunal cantonal, qui lui dénie la qualité pour recourir et n’entre ainsi pas en matière sur le recours (art. 382 al. 1 CPP).

Le mari forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si le mari, en tant qu’héritier, dispose de la qualité pour se constituer demandeur au pénal (art. 118 al. 1 et 121 al. 1 CPP).

Droit

Au sens de l’art. 115 al. 1 CPP, une personne dispose du statut de lésé lorsque ses droits ont été touchés directement par une infraction.… Lire la suite

Le droit à la provision et la résiliation du contrat de commission

ATF 142 III 129 | TF, 09.02.2016, 4A_412/2015*

Faits

Une société de vente aux enchères promet à un particulier d’exécuter la vente de sa collection de pièces philatéliques. Selon les termes du contrat, la société doit percevoir une commission fixée à 20% du prix d’adjudication. Avant de remettre la collection à la société pour qu’elle exécute la vente, le particulier vend la collection à un tiers à un prix de 1’500’000 euros.

La société ouvre action contre le particulier en paiement de 400’000 euros, soit la commission de 20% calculée sur une valeur de la collection estimée à 2’000’000 d’euros. Les instances cantonales rejettent la demande.

La société forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral qui doit se déterminer sur le droit à la rémunération du commissionnaire.

Droit

Les parties sont liées par un contrat de commission (art. 425 ss CO). Selon l’art. 432 al. 1 CO, la rémunération du commissionnaire, dite provision, est due dans deux hypothèses.

La première hypothèse visée par l’art. 432 al. 1 CO fait naître le droit à la provision lorsque le commissionnaire a vendu la chose et que l’acquéreur en a payé le prix. La seconde hypothèse prévue est celle lorsque le commissionnaire à certes vendu la chose, mais que l’exécution de cette vente est empêchée par une cause imputable au commettant.… Lire la suite

La négation du génocide arménien et le droit à la liberté d’expression (CourEDH)

CourEDH (Grande Chambre), 15.10.2015, Affaire Perinçek c. Suisse (Nº 27510/08)

Faits

Le requérant Dogu Perinçek participe à diverses conférences au cours desquelles il nie l’existence de tout génocide perpétré par l’Empire ottoman contre le peuple arménien. Il qualifie l’idée d’un tel génocide de « mensonge international ».

Sur plainte de l’association Suisse-Arménie, le requérant est pénalement condamné pour discrimination raciale (art. 261bis al. 4 CP) par le tribunal de police. Ce jugement est confirmé par le Tribunal cantonal, puis par le Tribunal fédéral (TF, 12.12.2007, 6B_398/2007). Le requérant saisit alors la Cour européenne des droits de l’homme. Dans une première décision rendue en 2013 (CourEDH, 17.12.2013, Affaire Perinçek c. Suisse [N° 27510/08]), la Cour a considéré que la condamnation par la Suisse de Perinçek violait la liberté d’expression (art. 10 CEDH). N’acceptant pas les motifs de cette décision, la Suisse a demandé à la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme d’effectuer une nouvelle appréciation du cas (art. 43 par. 1 CEDH). Celle-ci a accepté la demande de renvoi (art. 43 par. 2 CEDH).

La Grande Chambre doit déterminer si la condamnation pénale du requérant pour avoir publiquement déclaré qu’il n’y avait pas eu de génocide arménien est contraire au droit à la liberté d’expression (art.Lire la suite

La récusation du procureur traitant le prévenu de menteur patenté

TF, 05.01.2016, 1B_430/2015

Faits

Le Procureur Bertrand Bühler instruit une enquête contre un prévenu pour « avoir déposé une plainte mensongère à l’encontre d’un tiers ». Lors d’une audience, le prévenu demande la récusation du procureur au motif que celui-ci lui aurait déclaré qu’il est un « menteur patenté ». L’instance cantonale rejette la demande de récusation.

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si le fait de traiter un prévenu de « menteur patenté » est un motif de récusation.

Droit

Un magistrat doit se récuser lorsque des motifs sont de nature à le rendre suspect de prévention (art. 56 let. f CPP). Une apparence de prévention suffit.

Le procureur est tenu à une certaine impartialité dans l’instruction. Il est assujetti à un devoir de réserve et doit instruire tant à charge qu’à décharge du prévenu. Au stade de l’instruction, le procureur agit en tant que direction de la procédure (art. 61 CPP) et n’est pas encore une partie au sens de l’art. 104 al. 1 let. c CPP. Dans l’exercice de cette fonction, les déclarations du procureur ne doivent pas laisser penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art.Lire la suite