Publications par Camille de Salis

La renonciation unilatérale par l’employeur à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence

TF, 26.06.2025, 4A_5/2025*

L’employeur ne peut pas renoncer unilatéralement à une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence si le contrat ne le prévoit pas. De même, l’imputation des revenus perçus par l’ancien·ne employé·e durant la période d’interdiction de concurrence n’est possible que si elle a été prévue expressément.

Faits

Une société engage un employé en 2006. Suite à sa promotion au poste de « Country Manager » en 2008, les parties signent un nouveau contrat de travail, prévoyant une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité de carence.

Selon la clause de non-concurrence, l’employé s’engage (traduction libre) à « ne pas accepter, pendant une période de deux ans, une activité directe ou indirecte pour une entreprise concurrente de l’employeur » et à « ne pas créer sa propre entreprise du même type ni à prendre une participation dans une telle entreprise pendant la période susmentionnée et à ne pas exercer d’activité pour le compte d’entreprises tierces dans le domaine d’activité de l’employeur ». En contrepartie, il percevrait, « pendant la durée de la clause de non-concurrence […] une indemnité de carence correspondant à 50% du dernier salaire versé, sans bonus ».

En juin 2021, l’employé résilie son contrat de travail avec effet pour fin décembre 2021.… Lire la suite

La suppression de l’indemnité forfaitaire en cas d’abandon de poste injustifié (art. 337d al. 2 CO)

TF, 24.06.2025, 4A_533/2024

L’art. 337d al. 2 CO permet au·à la juge de supprimer toute indemnité forfaitaire en cas d’abandon de poste injustifié de l’employé lorsque l’employeur ne subit aucun dommage.

Faits

Un médecin engage une assistante médicale à 100% à compter du 1er septembre 2019. Le salaire mensuel brut est de CHF 4’750, versé treize fois l’an. Le contrat prévoit également des pauses en milieu de journée, dont la durée varie d’au moins un quart d’heure pour une journée de travail de plus de cinq heures à une heure pour une journée de travail de plus de neuf heures.

L’employée effectue ses heures de travail sur quatre jours. Très régulièrement, ses pauses de midi ne sont pas respectées, ce dont l’employeur est conscient puisqu’il prend ses propres pauses au centre médical avec ses employées.

Le médecin fait fréquemment des allusions à caractère sexuel à ses employées. Ainsi, pour encourager leurs amis à effectuer plus de tâches ménagères, il leur a conseillé de les remercier « chaleureusement ». Lorsque l’assistante médicale a commis une petite erreur, il lui a déclaré « Ah vous voulez la fessée ! ». À une autre occasion, il lui a demandé si elle voulait une fessée « tout de suite ou immédiatement ».… Lire la suite

L’avocat·e qui harcèle sexuellement un·e client·e: l’analogie avec la LEg

CDAP (VD), 30.06.2025, GE.2024.0376

Pour déterminer si un·e avocat·e a adopté un comportement constitutif de harcèlement sexuel à l’encontre d’un·e client·e, il se justifie de se référer par analogie aux dispositions de la LEg et à la jurisprudence développée sur cette base. Un tel comportement constitue une violation de l’art. 12 lit. a LLCA.

Faits

Un avocat est inscrit au registre cantonal vaudois. En août 2021, une cliente le contacte dans l’optique de se faire conseiller en matière de droit des sociétés et du divorce. L’avocat la reçoit la semaine suivante. Lors de ce rendez-vous, il lui demande ses coordonnées et plaisante sur le fait que son numéro de téléphone se termine par le nombre « 69 ». L’avocat rend également sa cliente attentive au fait que les communications sur Telegram sont plus sécurisées que sur WhatsApp, en particulier si elle dispose de vidéos compromettantes avec un amant.

Dès le rendez-vous terminé et pendant plusieurs jours, l’avocat et la cliente échangent des messages sur Telegram. L’avocat envoie à sa cliente des messages en espagnol, dont la traduction libre est « Bonjour. Comment allez-vous ? Bain de soleil ? » et « Lorsque j’avais un bateau, j’aimais prendre le soleil nu ».… Lire la suite

Le salaire minimum genevois et l’exception applicable aux stagiaires

TF, 21.03.2025, 2C_431/2024

Il n’est pas arbitraire de considérer qu’un employeur ne peut pas se contenter de se prévaloir de sa « longue tradition » à encadrer des stagiaires, sans fournir d’autres éléments en lien avec les prétendus stages, pour prouver que les employés concernés échappent à l’exception au salaire minimum genevois prévue par l’art. 39J lit. b LIRT/GE.

Faits

En juin 2022, l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail du canton de Genève s’adresse à une société anonyme dans le cadre d’un contrôle systématique du respect du salaire minimum. Il lui demande notamment la transmission des contrats de l’ensemble du personnel depuis le 1er janvier 2020 et tout autre renseignement utile en lien avec le système de rémunération et d’enregistrement de la durée du travail.

En janvier 2023, l’Office informe la société que, sur la base des documents remis, elle ne respectait pas le salaire minimum institué par la Loi genevoise sur l’inspection et les relations de travail (LIRT) à l’égard de plusieurs employés, en particulier ceux qui étaient engagés avec des contrats intitulés « stage formation » ou « temporaires ». En effet, les informations fournies dans le cadre du contrôle ne permettent pas à l’Office de constater que l’exception au salaire minimum applicable aux stagiaires serait remplie dans ces cas.… Lire la suite

L’avocat·e qui s’en rapporte à justice

TF, 02.06.2025, 2C_611/2024*

En fonction des circonstances, l’avocat·e ne viole pas son devoir de diligence en s’en rapportant à justice plutôt que de plaider que l’appel est réputé retiré lorsqu’un·e autre appelant·e fait défaut (art. 407 al. 1 lit. a CPP). En l’espèce, cette faute technique n’atteint pas le seuil de gravité nécessaire pour tomber sous le coup de l’art. 12 lit. a LLCA.

Faits

Précédemment inscrit au registre des avocat·es membres de l’UE/AELE, un avocat est inscrit au registre du canton de Genève depuis 2013.

L’avocat est nommé d’office dans un cas de défense obligatoire. Le Tribunal de police genevois condamne son mandant, le reconnaissant coupable notamment de lésions corporelles simples. Il l’acquitte toutefois de tentative de viol et de contrainte sexuelle.

En appel, la personne qui accuse le mandant de tentative de viol et de contrainte sexuelle ne se présente pas. L’avocat de l’absente, sans nouvelles récentes de sa part, demande à pouvoir représenter sa cliente sur la base de la procuration conférée plusieurs années plus tôt. Invité à se prononcer sur le défaut, le défenseur s’en rapporte à justice, tandis que le Ministère public conclut au retrait de l’appel.

Après délibération, la Chambre pénale déclare prendre acte du retrait de l’appel et révoque, faute de défense obligatoire, le mandat d’office du défenseur.… Lire la suite