Entrées par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

La nature des contrats conclus entre Swissgrid et les entreprises d’approvisionnement en électricité

ATF 148 III 172TF, 11.01.2022, 4A_275/2021, 4A_283/2021*

L’art. 5 al. 5 OApEl est inconstitutionnel. Les contrats de groupe-bilan et d’exploitation liant Swissgrid et les entreprises actives dans le domaine de l’électricité sont de droit public. Les tribunaux civils n’ont pas la compétence de traiter les litiges qui découlent de ces contrats.

Faits

Le 22 août 2018, en raison d’une situation critique, Swissgrid prend plusieurs mesures afin de garantir la sécurité du réseau électrique. Elle contraint une entreprise active dans l’exploitation hydraulique, avec laquelle elle est liée par un accord d’exploitation (Betriebsvereinbarung), à réduire la puissance de sa centrale. En conséquence, une seconde entreprise, active dans l’approvisionnement d’électricité (point d’injection d’électricité) et qui est liée à Swissgrid par un contrat de groupe-bilan (Bilanzgruppenvertrag  ; cf. art. 23 OApEl), connaît un déficit énergétique qu’elle n’arrive pas à équilibrer au sein de son groupe-bilan. Pour compenser l’énergie manquante, Swissgrid prélève sur le compte de groupe-bilan de l’entreprise d’approvisionnement environ 1,3 millions d’euros à titre de coûts d’énergie de remplacement, laquelle refacture ensuite le montant à l’entreprise hydraulique.

Les deux entreprises ouvrent une action civile auprès du tribunal de commerce du canton d’Argovie. Elles concluent à la correction du compte de groupe-bilan pour l’entreprise d’approvisionnement et le paiement de la somme de 1,3 millions d’euros à l’entreprise hydraulique.… Lire la suite

L’achat de parcelles en zone agricole pour protéger le hibou petit-duc

ATF 147 II 385 | TF, 27.10.2021, 2C_1069/2020*

Un « objet » au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR n’a besoin ni d’être digne de protection ni situé en zone protégée pour constituer une exception au principe de l’exploitation personnelle. Il suffit qu’il soit un objet relevant de la protection de la nature. Une espèce animale menacée ainsi que son biotope sont des objets qui relèvent de la protection de la nature au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR.

Faits

La station ornithologique suisse de Sempach se voit adjuger aux enchères dix-huit parcelles sur une commune valaisanne, en majeure partie en zone agricole. L’objectif de l’achat est de protéger et conserver le hibou petit-duc ainsi que le biotope dans lequel il évolue. Deux des parcelles sont soumises à une autorisation d’acquérir au sens de l’art. 61 LDFR en raison de leur surface supérieure à 2’500 m2. Tant le chef du Service juridique des affaires économiques que le Conseil d’Etat du canton du Valais rejettent la demande d’autorisation d’acquérir. Le Tribunal cantonal du Valais admet le recours de la station ornithologique et invite le Service à délivrer l’autorisation d’acquérir. L’Office fédéral de la justice recourt au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’acquérir lorsqu’un immeuble agricole n’est pas exploité à titre personnel.… Lire la suite

Le gain hypothétique en matière d’opérations boursières

ATF 147 III 463 | TF, 01.09.2021, 4A_606/2020*

Un gain hypothétique et aléatoire ne constitue pas un dommage. 

Faits

Un client charge sa banque d’acquérir pour son compte 25’000 actions au prix de 25 USD par action en vue de l’entrée à la bourse de New York d’une société (Twitter) le 7 novembre 2013. La veille, le bureau de représentation de la banque confirme l’achat de ces actions pour 25 USD par unité. La banque communique au client le 11 novembre 2013 que l’achat d’actions n’a pas pu être effectué. En cause, la demande d’achat d’actions qui était 30 fois supérieure à l’offre. Ce jour-là, la valeur de l’action atteignait 42.90 USD.

Le client ouvre une action en paiement contre la banque et conclut principalement à la délivrance de 25’000 actions contre le paiement de 625’000 USD, et subsidiairement au versement de la somme de 447’500 USD plus intérêts. Cette somme équivaut à la différence entre la valeur des actions au 11 novembre 2013 et leur valeur d’offre initiale.

Suite au décès du client en 2015, ses héritiers reprennent la procédure et retirent leur conclusion principale (la délivrance de 25’000 actions contre 625’000 USD), en concluant uniquement au versement de 447’500 USD.… Lire la suite

L’invalidation du contrat portant sur un retrait d’opposition

TF, 01.06.2021, 4A_73/2021

Un contrat de retrait d’opposition ou de recours n’est pas immoral au sens de l’art. 20 CO si le montant qu’il prévoit est destiné à indemniser des intérêts dignes de protection (confirmation de la jurisprudence). L’application de l’art. 63 CO pour cause de paiement involontaire ne se justifie en cas d’urgence que lorsque le paiement apparaît comme la seule solution possible et raisonnable afin d’éviter des inconvénients déraisonnables (confirmation de la jurisprudence). Les tribunaux ne doivent pas se montrer trop sévères quant au degré de preuve à apporter pour démontrer le caractère involontaire du versement au sens de l’art. 63 CO (précision de la jurisprudence).

Faits

Un constructeur développe un projet immobilier pour une acheteuse. Le contrat prévoit une clause de résiliation en faveur de l’acheteuse si le bâtiment n’est pas livré au 1er mars 2017. Après l’obtention du permis de construire, il apparaît que des modifications doivent être entreprises, un mur de soutènement devant être construit à la limite de la propriété voisine. Celle-ci est exploitée par une société, laquelle fait opposition lors de la mise à l’enquête du mur de soutènement, soulevant une atteinte à l’hygiène de ses locaux de production. Afin que la société retire son opposition, le constructeur accepte de verser lui CHF 240’000 « à fonds perdus » en mars 2016, cette somme correspondant à un dédommagement.… Lire la suite

La méthode de calcul du dommage pour perte de soutien

ATF 147 III 402TF, 18.05.2021, 4A_389/2020 et 4A_415/2020*  

En cas de décès, la méthode abstraite est la seule pertinente concernant le calcul d’un dommage pour perte de soutien. Si les revenus du patrimoine ne constituaient pas une prestation du soutien envers le soutenu, il y a lieu de les imputer comme avantage. Les rendements et revenus provenant d’une assurance-vie doivent être imputés sur le dommage.

Faits

Une cycliste décède dans accident de la route laissant derrière elle un veuf et deux enfants. 14 ans après l’accident, l’AVS et la fondation LPP à laquelle la défunte était affiliée ouvrent action auprès du Tribunal de commerce de Zurich contre l’assurance responsabilité civile du conducteur du camion fautif. Les demanderesses cherchent à obtenir un montant d’environ CHF 1 million correspondant à l’indemnisation des prestations fournies au veuf et aux enfants de la défunte, sur la base des droits qui leur sont subrogés.

Le Tribunal de commerce fait partiellement droit à la demande, en condamnant l’assurance RC à payer aux assurances subrogées un montant de respectivement CHF 183’801 et CHF 265’725. Tant les assurances subrogées (l’AVS et la fondation LPP) que l’assurance RC du conducteur du camion recourent contre cette décision au Tribunal fédéral, lequel est amené à examiner les conditions de l’indemnisation des prestations d’assurances et l’étendue de celles-ci.… Lire la suite