Publications par Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui

La demande reconventionnelle introduite au stade de la conciliation est dépendante de la demande principale

ATF 148 III 314 | TF, 25.03.22, 4A_437/2021*

La demande reconventionnelle introduite au stade de la procédure de conciliation est dépendante de la demande principale. Si celle-ci n’est pas intentée au fond, l’autorisation de procéder est caduque et il ne faut pas entrer en matière sur la demande reconventionnelle.

Faits

Un propriétaire conclut un contrat de location d’un hangar à bateaux avec un locataire, dans la région de Lucerne. En 2019, le locataire introduit une procédure de conciliation devant le tribunal des baux et loyers. Le propriétaire du hangar introduit pour sa part une demande reconventionnelle déjà au stade de la conciliation. La conciliation ayant échoué, le tribunal délivre une autorisation de procéder au locataire. Elle adresse une copie pour information (Orientierungskopie) au propriétaire. Le locataire ne dépose finalement pas l’action au fond.

En revanche, sur la base de l’autorisation de procéder délivrée au locataire, le propriétaire ouvre action en paiement. À la demande du locataire, l’objet du litige est limité à la question de savoir si le propriétaire peut déposer une demande reconventionnelle au fond sans que la demande principale ait été déposée. Tant le tribunal de district de Kriens que le tribunal cantonal de Lucerne entrent en matière sur la demande reconventionnelle, déboutant le locataire.… Lire la suite

L’interdiction de manifester face à la liberté de réunion: la condamnation de la Suisse par la CourEDH

CourEDH, 15.03.2022, Affaire Communauté Genevoise d’action syndicale (CGAS) c. Suisse,  requête no 21881/20

Malgré l’importance et le but des mesures sanitaires durant la pandémie de Covid-19 en 2020, une interdiction totale de manifester durant un laps de temps important, avec des menaces de sanctions pénales sévères en cas de non-respect, n’est pas proportionnée. Une telle ingérence contrevient à la liberté de réunion et d’association (art. 11 CEDH).

Faits

Le 13 mars 2020, le Conseil fédéral adapte l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (O.2 Covid-19). Celle-ci interdit les manifestations publiques ou privées de plus de 100 personnes, maintenant toutefois la possibilité d’une dérogation éventuellement accordée par l’autorité cantonale (art. 7 let. a O.2 Covid-19). Le 17 puis le 20 mars 2020, le Conseil fédéral durcit les mesures de l’ordonnance. Les manifestations publiques ou privées sont interdites, les rassemblements limités à maximum 5 personnes dans l’espace public et la possibilité d’obtenir une dérogation pour les manifestations ayant pour but l’exercice de droits politiques est exclue. Comme sanction, l’ordonnance prévoit jusqu’à 3 ans de peine privative de liberté. Ces interdictions restent en vigueur jusqu’au 30 mai 2020, date à laquelle des manifestations de maximum 30 personnes sont à nouveau autorisées.… Lire la suite

La nature des contrats conclus entre Swissgrid et les entreprises d’approvisionnement en électricité

ATF 148 III 172TF, 11.01.2022, 4A_275/2021, 4A_283/2021*

L’art. 5 al. 5 OApEl est inconstitutionnel. Les contrats de groupe-bilan et d’exploitation liant Swissgrid et les entreprises actives dans le domaine de l’électricité sont de droit public. Les tribunaux civils n’ont pas la compétence de traiter les litiges qui découlent de ces contrats.

Faits

Le 22 août 2018, en raison d’une situation critique, Swissgrid prend plusieurs mesures afin de garantir la sécurité du réseau électrique. Elle contraint une entreprise active dans l’exploitation hydraulique, avec laquelle elle est liée par un accord d’exploitation (Betriebsvereinbarung), à réduire la puissance de sa centrale. En conséquence, une seconde entreprise, active dans l’approvisionnement d’électricité (point d’injection d’électricité) et qui est liée à Swissgrid par un contrat de groupe-bilan (Bilanzgruppenvertrag ; cf. art. 23 OApEl), connaît un déficit énergétique qu’elle n’arrive pas à équilibrer au sein de son groupe-bilan. Pour compenser l’énergie manquante, Swissgrid prélève sur le compte de groupe-bilan de l’entreprise d’approvisionnement environ 1,3 millions d’euros à titre de coûts d’énergie de remplacement, laquelle refacture ensuite le montant à l’entreprise hydraulique.

Les deux entreprises ouvrent une action civile auprès du tribunal de commerce du canton d’Argovie. Elles concluent à la correction du compte de groupe-bilan pour l’entreprise d’approvisionnement et le paiement de la somme de 1,3 millions d’euros à l’entreprise hydraulique.… Lire la suite

L’achat de parcelles en zone agricole pour protéger le hibou petit-duc

ATF 147 II 385 | TF, 27.10.2021, 2C_1069/2020*

Un « objet » au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR n’a besoin ni d’être digne de protection ni situé en zone protégée pour constituer une exception au principe de l’exploitation personnelle. Il suffit qu’il soit un objet relevant de la protection de la nature. Une espèce animale menacée ainsi que son biotope sont des objets qui relèvent de la protection de la nature au sens de l’art. 64 al. 1 let. e LDFR.

Faits

La station ornithologique suisse de Sempach se voit adjuger aux enchères dix-huit parcelles sur une commune valaisanne, en majeure partie en zone agricole. L’objectif de l’achat est de protéger et conserver le hibou petit-duc ainsi que le biotope dans lequel il évolue. Deux des parcelles sont soumises à une autorisation d’acquérir au sens de l’art. 61 LDFR en raison de leur surface supérieure à 2’500 m2. Tant le chef du Service juridique des affaires économiques que le Conseil d’Etat du canton du Valais rejettent la demande d’autorisation d’acquérir. Le Tribunal cantonal du Valais admet le recours de la station ornithologique et invite le Service à délivrer l’autorisation d’acquérir. L’Office fédéral de la justice recourt au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’acquérir lorsqu’un immeuble agricole n’est pas exploité à titre personnel.… Lire la suite

Le gain hypothétique en matière d’opérations boursières

ATF 147 III 463 | TF, 01.09.2021, 4A_606/2020*

Un gain hypothétique et aléatoire ne constitue pas un dommage. 

Faits

Un client charge sa banque d’acquérir pour son compte 25’000 actions au prix de 25 USD par action en vue de l’entrée à la bourse de New York d’une société (Twitter) le 7 novembre 2013. La veille, le bureau de représentation de la banque confirme l’achat de ces actions pour 25 USD par unité. La banque communique au client le 11 novembre 2013 que l’achat d’actions n’a pas pu être effectué. En cause, la demande d’achat d’actions qui était 30 fois supérieure à l’offre. Ce jour-là, la valeur de l’action atteignait 42.90 USD.

Le client ouvre une action en paiement contre la banque et conclut principalement à la délivrance de 25’000 actions contre le paiement de 625’000 USD, et subsidiairement au versement de la somme de 447’500 USD plus intérêts. Cette somme équivaut à la différence entre la valeur des actions au 11 novembre 2013 et leur valeur d’offre initiale.

Suite au décès du client en 2015, ses héritiers reprennent la procédure et retirent leur conclusion principale (la délivrance de 25’000 actions contre 625’000 USD), en concluant uniquement au versement de 447’500 USD.… Lire la suite